Du renouveau

Présentation de personnages, d'alliances, dialogues et intrigues se passent ici.
Mer Avr 16, 2014 1:24 pm

  • Archives...


    Les Domaines d'Ossus ont une histoire ambiguë. Leur comportement est sans doute un des seuls du genre. Alors que cette nation paraît somme toute grande, influente, glorieuse et rayonnante, elle semble cependant se cristalliser dans le flot glacé du temps. Aussi il me parait important de montrer à l'univers ce qu'est réellement cette véritable entité historique, aussi vieille que le thon à l'huile mais ô combien plus intéressante.
    Les Domaines d'Ossus sont très anciens. Leur histoire elle-même se perd dans les récits entre contes et légendes, tandis que la nation elle-même devient un mythe pour son peuple et le peuple, un mythe pour la nation. Comme toute nation ancienne les Domaines ont de vieux amis, de vieux contacts parfois atypiques, de vieux problèmes et bien sûr, de vieux ennemis.
    Avec l'autorisation du Haut Conseil j'ai rassemblé des extraits d'une quantité immense d'ouvrages, d'archives, de déclarations compulsées dans les immenses archives des Domaines. Découvrez ce qu'est cette nation. Boite à idées ? Fantasme ? Reste de temps révolus ? Ou au contraire l'annonce de ce que sera un futur très lointain. A moins que les Domaines d'Ossus ne soient simplement hors du temps et qu'ils ne portent au final qu'un intérêt mitigé à ce dernier.

    Samir Vosniak, Professeur en Sciences Historiques.


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    Il est des choses que l'on ne peut dire avec des mots.
    Il est des choses que l'on ne peut dire avec des phrases.
    Il est des choses que l'on ne peut dire avec des textes.

    Mémoires d'Aeon II, cette vie et mes échecs.



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    Archives du projet Nastresis :

    Rapport 1 :

    Un rapport de recherche d'une équipe des Domaines d'Ossus.

    L'idée est simple : envoyer des droïdes combattre à notre place en Dareyn et laisser ces droïdes être coordonnés par une IA. Pour ce faire, le Haut Conseil nous a attribué un secteur dans la région d'Ontio, constellation Khonkankhon. Au départ l'IA, que nous avons appelée Nastresis en l'honneur d'un vaisseau fantôme mythique datant d'avant l'unification des Domaines d'Ossus, ne disposait que de cent-vingt-cinq Bases Spatiales, de deux mille petits transporteurs et enfin, d'une défense indépendante.

    [...]

    Cette défense est "branchée" sur un réseau indépendant obéissant à des protocoles de combat simples qui ressemblent à s'y tromper à une position fortifiée de manière optimale. La seule nuance est que ces défenses peuvent à tout moment se retourner contre Nastresis, et neutraliser l'IA... si jamais les choses tournent mal.

    [...]

    Nastresis est une IA simple. En fait, c'est la seule que nous ayons jamais faite de ce type là. Elle n'a pas vraiment de connaissances avancées implantées dans son "cerveau". Elle a uniquement des impératifs à remplir et des règles à respecter. Aussi, Nastresis peut apprendre comme toutes nos IA, mais nous avons fait en sorte que cet apprentissage soit particulièrement intuitif, rapide... et horriblement détaché de toute forme de morale et de toute contrainte de cet ordre.

    Bien que l'expérience ait à peine commencé, elle donne déjà des résultats excellents ! Nastresis a récolté les champs de ruines présents dans son système solaire et a construit des sondes d'espionnage. Une fois cela fait, elle a cherché une cible facile et elle l'a trouvée avec une rapidité déconcertante ! Elle a ensuite envoyé des transporteurs sur place, comme en attestent ces rapports de combats.

    http://www.celestus.fr/CelestusV2/RC/Un ... k4afzo.htm
    http://www.celestus.fr/CelestusV2/RC/Un ... 2s58dq.htm
    http://www.celestus.fr/CelestusV2/RC/Un ... rk087m.htm

    http://www.celestus.fr/CelestusV2/RC/Un ... 2rsg9z.htm
    http://www.celestus.fr/CelestusV2/RC/Un ... a30qey.htm
    http://www.celestus.fr/CelestusV2/RC/Un ... wmert5.htm

    Pour ce qui est du la survie en milieu hostile, c'est un excellent début. Nous avons contacté le gouverneur Zetran pour lui expliquer ce qui lui arrivait. Nous imaginons quelle fut pour lui la surprise de tomber sur des petits transporteurs sans escorte.

    Quoi qu'il en soit, l'IA "test" qu'est Nastresis ne peut construire que des vaisseaux rudimentaires, ce qui évitera de rendre la situation incontrôlable.

    [...]

    En ce qui concerne les objectifs de cette expérience : Nastresis va devoir construire une flotte prédéfinie, et attaquer une position prédéfinie. [...] Elle est libre de modifier ses vaisseaux à loisir, et de modifier ses impératifs, du moment que le critère de ces objectifs est toujours respecté.

    Cette expérience est peut être la clef de la victoire ! Nos alliés du Saint Empire de Celestia nous ont déclaré qu'au final, notre plus grande faiblesse (mais aussi notre plus grande force) est que nous ne sommes que des hommes. Nous pouvons être fatigués, paniqués... mais une IA détachée de toute contrainte, ayant juste quelques objectifs et obligations primaires, sera bien plus efficace. Cependant, même si cette IA est dotée des Trois Lois de la Robotique en ce qui concerne notre nation, elles sont nettement plus nuancées. Pillage et attaques autorisées. De plus, son intelligence est pour le moment très limitée. Elle considère certaines cibles que nous avons pré-définies comme étant Cetyn, et le reste des colonies et secteurs est considéré comme "paramètre extérieur". En d'autres termes, ce sont des mondes à l'abandon, récoltés et exploités par automatisation et robots.

    Nous avons programmé Nastresis pour qu'elle ne tienne pas compte de ces "paramètres extérieurs". En d'autres termes : Pour elle, elle est en Dareyn. Ontio est Dareyn, elle ne peut en sortir. Des secteurs et colonies fantômes sont présents, sombres restes d'épiques luttes menés par leurs maîtres contre un tout aussi sombre ennemi. Nastresis semble penser que Cetyn n'est pas encore sur place, et qu'elle ne fait que prendre des ressources sur des positions "mortes". Mais elle pense également que Cetyn ne tardera pas à la trouver, cette idée la maintient extrêmement vigilante.

    Bien sûr, les IAs finales ne seront pas aussi obtuses et auront accès à toutes les informations disponibles. Leur efficacité n'en sera que renforcée, et puis... elle ne pourront pas servir de "bois de chauffage" comme disent certains, en désignant les hommes pucés qui sont utilisés par les Cetyns.

    Nous espérons que le Haut Conseil acceptera que l'expérience puisse arriver à son terme, et continuera de nous allouer des fonds. Nous sommes sur le chemin de découvertes essentielles.

    1er rapport officieux sur le projet Nastresis du Dr Hans Etraos, transmis le 19 Pookahn(8) de l'an 16.002 TSU au Bureau des Recherches.


    Rapport 2 :


    Un rapport de recherche d'une équipe des Domaines d'Ossus.

    Voilà trois ans que le projet Nastresis a débuté. Voici donc un rapport pour rapporter les avancées du projet. Si notre équipe ne s'est pas donné la peine, durant ces trois années, pour écrire un rapport officieux qui aurait pu syntaxiser nos données, c'est parce que le temps nous manquait horriblement. Nastresis est une IA véritablement extraordinaire et nous avons eu beaucoup de travail. Et beaucoup est un mot faible.

    En effet : en un an elle a réussi à satisfaire tous ses besoins essentiels en main-d’œuvre et en énergie avec des usines de droïdes et des centrales géothermiques colossales. En deux ans, elle a accompli quatre-vingt pour cent des objectifs préliminaires de construction de flotte. Et en cette troisième année, Nastresis a accompli ses objectifs à cent pour cent !

    Tout d'abord, Nastresis s'est comportée de façon exemplaire pour n'importe quel amiral. Ses actions d'espionnage, ses actions de pillage rudimentaires et enfantines, ses récoltes de champs de ruines en des temps limités avec des moyens très limités et une efficacité au-delà de ce qui est humainement possible nous ont tous surpris. Nastresis a repris le mode de fonctionnement des pirates, qu'elle a d’ailleurs rencontrés, et elle a très vite appris. Elle a même inclus des techniques d'Ophelia, des méthodes Melrehns, des principes Ducaux, et une froide esthétique Amaranths. Et tout ça de manière inconsciente. Comprenez qu'elle reproduit logiquement, naturellement même, des schémas que certains ont mis des siècles à perfectionner. C'est véritablement impressionnant.

    Lorsque Nastresis nous a transféré ses résultats et qu'elle a demandé les ordres, nous ne nous attendions pas à ce qu'elle attaque la position "Alpha T-47" avec une telle violence. Elle a envoyé une flotte de seulement dix vaisseaux. Deux corvettes optimisés et huit intercepteurs trafiqués. La victoire fut totale et ce avec un seul intercepteur optimisé de perdu. Et de manière volontaire qui plus est. [...] Il est vrai que la défense n'était pas impénétrable. Mais anéantir une position somme toute bien défendue finalement avec si peu de moyens et un suicide martial, c'est tout de même pousser un peu loin.

    Nous avons enfantés grâce à nos calcul rudimentaires et approximatifs, un monstre. Un horrible monstre méthodique. Mais ce qui est encore plus intéressant, c'est la finesse de ce monstre et ses méthodes. En effet, Nastresis joue sur seulement quatre vaisseaux pour ses attaques.

    [...]

    Ces vaisseaux se complètent tous parfaitement, et bien mieux que ne pourraient le faire n'importe quelle association de nos vaisseaux. De plus, ils n'ont aucun équipage à bord. Pas de droïdes. Le vaisseau est lui-même une IA, et Nastresis est comme une mère pour une horde d'enfants. Ces IAs sont comparables à des fourmis. Des fourmis diaboliques, avec un sens aiguë du sacrifice et du devoir. Elles ont de plus des "personnalités" et elle communiquent entre elles. On pourraient même dire qu'elles ont une "vie sociale". Elles vénèrent toutes, sans aucune exception leur mère comme une déesse. Sorte de culte de la personnalité robotique pour la créatrice de leur... "race".

    Sont-elles dangereuses ? Non. En aucun cas. Ces machines sont certes dépourvues d'âme... alors que fait étrange, la première Lois qui stipule, je cite : "Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger." semble créer une affection et un amour assez approximatifs pour les "grands-parents lointains" que nous sommes.

    Ainsi, nous observons des fourmis à tendance perfectionniste obsessionnelles et dotées d'une affection relative pour une sorte de "famille" de dieux créateurs, dont Nastresis serait la représentante.

    Après ce qui est arrivé avec Ophelia... personne ne serait d'accord pour laisser des IAs comme celles-ci se développer en Dareyn. Mais relisons nos vieux manuels de robotiques et les géniales œuvres de notre regretté Ingénieur en Chef Asimov. Nous n'avons rien à craindre. Les Domaines d'Ossus utilisent les machines depuis des années et des années. Rien n'est jamais arrivé. Le seul incident notable... ne s'est en fait jamais produit.

    Au final, l’expérience est un succès total, bien que les résultats soient totalement inattendus.

    2e rapport officieux sur le projet Nastresis du Dr Hans Etraos, transmis le 17 Jileahn(5) de l'an 16.005 TSU au Bureau des Recherches.


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    Archives de Contes et légendes imaginaires du réel, rassemblées et adaptés par le Professeur Oldargue de Gorgostine.


    I La clef de l’enfant perdu.

    Il trottinait aux cotés de l'adulte, marchant comme lui sur un tapis rouge, qui traçait une route aussi irrémédiable que la destinée sur le plancher du couloir aux murs tapissés de velours. Il devait le suivre. Il voulait le suivre. L'homme, en costume avec chapeau haut de forme lui avait dit : « À partir de maintenant, tu ne connais plus ce lieu. Tu portes un nouveau nom. Tu t'appelleras Selim et tu vas me suivre. Tu sais que tu n'a pas d'autres choix. Cet endroit va s’effondrer comme tout le reste... ».
    Alors, l'enfant marchait. Au loin, vibrant dans le couloir, un cri pathétique retentis. Un cris griffé par la folie, une folie profonde et meurtrière. Son père... L'enfant frémit.
    Oui, il allait devoir suivre l'homme. Il le tirait de ce lieu macabre où les fantômes rodent... tels les messagers d'un sombre présent qui glissait lentement vers le passé. Lui, il partait. Il suivait le futur.

    Ils arrivaient devant la porte. En la franchissant, l'enfant jeta un coup d’œil au laquais à coté de celle-ci. Il souriait. Alors l'enfant lui rendit son sourire. Un sentiment nouveau naquit en lui. Un sentiment qui le marquera à vie : l’espoir.
    Puis, ce fut un voyage interminable. Il sembla à l'enfant qu'il dura des siècles. Dans les faits, il ne dura que quelques minutes. Mais pour la première fois, il découvrit le monde. Il lui tendait les bras derrières les vitres. Oui, désormais, son nom serait Selim. Il devrait tout découvrir et tout comprendre. Comprendre les Hommes... épier leurs secrets... oui, il avait fait son choix. Quatre ans plus tard, alors qu'il n’avait que vingt et une misérables années de vie... et que son expérience semblais bien mince, Selim devint Consul des tout nouveaux Domaines d'Ossus, attaché à l'espionnage.

    Le coup d'état se fit sans bruit, sans résistance. Pas de sang ni de sueur. Pas même des larmes. Juste une sombre fatalité. Le système avait craqué comme une vieille planche pourrie et vermoulue. C’était inévitable, mais cela se fit dans l’indifférence général. Ce qui se passa après réveilla pourtant bien des esprits. Un immense séisme ébranla le peuple : cinq hommes, seuls, étaient au pouvoir. Ils furent les grands maçons de l’édifice Ossusiens.

    Sa gloire ne brille pas. Elle n’irradie pas non plus. Mais elle sera éternelle, car les ténèbres le sont. Selim vit dans l'ombre, il s’efface devant sa gloire, laissant sa légende vivre, tandis que lui se meurt. Il se nourrit et se fascine pour le mystère qu'il est devenu... Selim est Consul des Domaines d'Ossus. Il ne vit que par et pour les mystères et afin d'être sûr de pouvoir toujours vivre, il en est devenu un.

    La nuit, lorsqu'il regarde les étoiles, il rêve de s'y cacher et de regarder les secrets qu'il cherche tant à attraper... pour les domestiquer, les élever, puis s'en repaître.

    II La clef de l'homme de fer.

    En ce bas monde, on n'a jamais véritablement le choix. Il y a une entité qui régit toutes choses ici bas. La religion n'est qu'un commerce. Le commerce n'est qu'un échange entre un voleur, et un homme crédule. Ou entre voleurs... ou pire : entre hommes crédules. L'échange n'est que la concession d'un objet contre autre chose. Toute chose a la valeur qu'un homme est prêt à payer.

    La guerre est donc un commerce. Un commerce effroyable qui fait jubiler les démons. Koutouzof le sait bien. Lui, il a donné sa jambe droite, ses illusions et des milliers d'hommes. Pourtant il tient toujours debout. La chair est faible, mais lorsque l'esprit est fort, la volonté remplace le talent. Et lorsque la volonté et le talent dans quelque domaine que ce soit existent, cela donne naissance à un homme de haute stature. Un homme de fer ? Possible.

    Koutouzof a beaucoup donné, pour recevoir si peu en retour. C'est un militaire qui déteste la guerre. Mais il sait que s'il veut la paix, il doit se préparer au combat. Alors Koutouzof affûte son sabre, se sert de ses budgets pour construire des vaisseaux, ériger des défenses... qui attendent un ennemi qui ne viendra probablement jamais.
    Koutouzof attend. Durant la nuit, il braque ses yeux vers le ciel, et regarde cet océan d'encre qu'est l'espace. Il regarde les étoiles qui clignotent, et il est heureux que le sang qui flotte là-bas, dans le vide sidéral, ne soit pas celui de son peuple. Mais d'un autre coté, il est pris dans un terrible dilemme : une vie en vaut une autre. Mais après ?

    Quand il survient un accident et qu'il y a un mort, c'est affreux, c'est horrible. Les gens, pris d'hypocrisie, disent pardon, transmettent leurs condoléances. Mais dites leurs que chaque seconde, il y a probablement un million de personnes qui meurent de manière non naturelle... et ils s'en foutent. Ce n'est qu'une statistique. Koutouzof attend avec impatience son ennemi. Mais il ne se doute pas qu'il en combat un chaque nuit. C'est le sommeil. Il est tel une catin, il est cajoleur, il l'attire dans les draps du lit, puis, il se transforme en bourreau, le torturant de mille cris et hurlements.

    Koutouzof est un militaire. Koutouzof a peur. Koutouzof fuit les étoiles, il ne croit qu'en la lune. Mais sait-il que c'est une étoile en vérité ?

    III La clef du labeur irrationnel.

    Susan Calvin est quelqu'un de profondément rationnel. Elle a été droite toute sa vie. Cultivant sa morale et son ardeur au travail avec rigueur et passion. C'est une bureaucrate, mais elle n'est pas coupée de la réalité. C'est une technocrate, mais elle est pourvue d'éthique et de morale.
    En ce sens, Calvin n'est pas rationnelle.

    Elle a toujours travaillé avec ardeur. Elle s'est toujours tenue droite. Mais Calvin, dans sa profonde envie d'aider les humains à s'améliorer, et donc à s'élever elle-même, en a oublié ce qu'elle était. Calvin aime les robots. Ils sont les humains idéals. Ils sont rationnels. Oui, Susan Calvin croit en un univers rationnel, qu'elle est capable de comprendre et qui comprend. Calvin est donc malheureuse.

    Elle a toujours travaillé dur pour obtenir ce qu'elle voulait. Et elle a toujours obtenu ce qu'elle voulait. Pourtant, il y a une œuvre quelle n'arrive ni à comprendre, ni même à cerner, mais qu'elle veut profondément réussir. Mais même si elle se tue à la tâche, cela ne marche pas. Elle n'y arrive pas. Calvin veut une humanité rationnelle. Elle sait qu'elle n'y arrivera jamais, mais elle continue. Sachant cela, elle dépérit, mais elle continue.
    Un jour, elle s'en est vraiment rendue compte, et elle s'est effondrée.

    Pourquoi ? Son souhait est simple ! Elle ne demande rien d'extraordinaire... elle veut juste la logique. La logique du bien commun, pour le mieux être personnel ! Alors Calvin pleure.

    La nuit, regardant les étoiles, elle se languit du pâle soleil qui a fui.

    IV La clef de la compréhensions des âges.

    Slarti Bartfast est quelqu'un. Il mesure un mètre soixante dix sept, pèse soixante-quinze kilogrammes, il a l’air presque famélique, mais c'est un bon vivant. Il aime les bonnes chose, mais il aime surtout les partager. C'est un érudit aussi. Fasciné par l'histoire, il est persuadé qu'un avenir radieux ne peut naître que dans la compréhension des erreurs du passé. Pourtant, il fuit le sien.

    Oui, lui aussi a peur. Il regarde autour de lui et ne voit que les ténèbres. Il cherche vainement à discerner une lumière, mais rien. Juste l'ombre. Elle le suit partout. Alors il se réfugie dans un fantasme sarcastique.

    Slarti Bartfast est fou. Il passe des heures à contempler l'océan, comme à la recherche d'un être perdu. Ses yeux se perdent dans les vagues. Le froid le dévore, mais il ne réagit pas. Slarti Bartfast est fou. Il regarde les vagues. Devant tant d'humidité, ses yeux deviennent sec. Le sel se répand, l'azote s'étale à ses pieds, mais l'oxygène le fuit. Un feu intense lui brûle les entrailles. Slarti Bartfast ne ferait pas de mal à une mouche. Mais en contemplant cet océan aride, une rage sourde l'habite. Une rage telle qu'elle le forcerait presque à étrangler qui oserait passer près de lui.

    Devant les flots, Slarti Bartfast médite, et il laisse ses pensées vagabonder. Mais elles le noient dans un océan. Un océan de désespoir. Bartfast est mort le jour où son espoir a péri. Il n'est plus qu'un fantôme dans un corps qui n'est plus le sien. Ses larmes ne coulent plus. Elles n’existent plus. Il n'a plus la force d'en faire de nouvelles.

    La nuit, lorsqu'il regarde les étoiles, Slarti Bartfast recherche un astre qui lui offrira l’espoir. Mais il le cherche sans y croire.

    V

    Il n'a jamais aimé rester en présence des autres trop longtemps. Il aime passer son temps en compagnie des livres... et des spectres fantasmagoriques de son passé.

    Il est les vœux unis et similaires de ses quatre subornées. Comme eux, il souhaite, et espère un peu d’espoir. Comme eux, il se noie dans la vérité, parce qu'il recherche LA Vérité. Il est un fantasme vivant, peut être même une illusion collective générée par un peuple à bout de souffle. Bien des choses vont dans ce sens. Pas de visage, pas de nom, pas de proche... pas réel, inexistant ? On a pas besoin d'être réel pour exister.

    Lui, il se se noie dans un océan d'encre. Il nage. Mais il n'a plus d'air. Il en cherche. Il cherche une bulle. Mais à force de la chercher, il fini par passer à coté. Il se transforme alors en larme, et se perd dans les flots impétueux, colériques, cyniques et surtout cruels.

    Il dirige une nation. Il a un véritable pouvoir de vie ou de mort sur trois milliards de personnes. Il a plus de pouvoir qu'un monarque absolu ou qu'un Dieu sur ces gens. Mais il sait qu'il ne l'utilisera jamais. Car s'il utilise ce pouvoir, qu'il demande à ce peuple de s'élancer avec lui, au loin, sur les plaines éternelles du désespoir, et de quitter cette flaque de larmes froide qui entoure un misérable caillou... ce sera pour aller où ?
    Ni boussole, ni objectif. Le lieu où il se trouve importe peu, ce qui compte c'est où il doit aller. Mais il sait seulement où il ne doit pas aller, lui et ceux dont il a la charge.

    La nuit, lorsqu'il regarde les étoiles avec ses quatre compagnons d'infortune, qu'il regarde par delà les petits immeubles de la vaste ville aux mille parcs, fontaines et canaux du Sanctuaire, il rêve avec eux de voir l’œil s’ouvrir.

    Mais pour qu'il s'ouvre, il faut que la Voix crie, hurle, pour qu'elle puisse indiquer la Voie. Ossus. Fontaine de jouvence ? Bibliothèque de savoir éternel ? Mine de sagesse ?

    Rien de tout cela. Ossus n'est rien, mais Ossus est tout. Est-ce une philosophie, ou une fantaisie ? Nul ne le sait, personne ne sait ce que c'est. Ossus montre la Voie grâce à sa Voix. Les Domaines d'Ossus tous entiers tendent l'oreille. Un messager arrivera t-il enfin ?

    Le jour se lève. Mais les astres sont toujours là. Qui disparaîtra avec l'arrivée de la frêle lumière, qui ne parvient pas à chasser toute l'obscurité ? Ils attendent la réponse. Les 5 gardiens attendent.


    *****


    Les Domaines d'Ossus ont une longue histoire. C'est un vieux pays qui prend ses sources dans de vielles origines, de vieux problèmes, de vieux amis et de vieux ennemis. Pour bien comprendre la source spirituelle des Domaines, il faut comprendre que les Domaines d'Ossus ont succédé à l'Empire Consulaire Triosiens, qui a lui-même succédé à la République qui a elle-même succédé à l'État des Cents Nobles d'Ossus. Les Cents Nobles étaient impuissants et inopérants, la République corrompue. Et pour finir, l'Empire Consulaire et les Domaines sont exactement la même chose.

    Là où les Domaines prennent leur source, c'est en un homme et un livre. Aeon I, fondateur de l'Empire Consulaire, avait développé des thèses révolutionnaires sur ce que les choses étaient, et ce que la nation devait être.

    Docteur Edgard Spoal, professeur d'Histoire à la faculté d'Hildegard.


    *****


    Un état, une nation, une institution, une thèse, une idée, un tout.

    Franz Dirtismich, au Conseil des mille.



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    Les Domaines d'Ossus en eux-même, reposent sur un texte moral et philosophique qui vient du fond des âges. Le texte en lui-même est très alambiqué, si bien qu'on n'en comprend que ce que l'on souhaite en comprendre, cependant nombres d'éléments dans ce texte vont dans un même sens, une même direction. Mais hélas, ce texte est impénétrable, sauf pour quelques rares personnes qui sont nommées par celui-ci comme étant des « Gardiens ».

    Les Gardiens, qui sont au nombre de cinq, disposent de clefs permettant de lire le texte. Chaque gardien possède une clef bien précise lui permettant de lire une partie du texte. Seul le cinquième, qui se trouve être le Duc, a la possibilité de lire tout le texte. Aussi, un tel élitisme laisse d'immenses traces d'ombre, si bien que le commun de l'élite intellectuel des Domaines ne connaît que les très grandes lignes. [...] Le livre déclarerait que l'univers peut être décrypté par trois grandes sciences de vérité qui sont : la musique qui représente l'application, une forme bien précise de mathématiques qui représente le concret, et une sorte de philosophie métaphysique dont le nom est inconnu et qui s'occupe de ce qui est subjectif et intangible, mais pourtant bien réel. [...] Ces trois sciences de vérité sont unies dans un élément qui est le livre d'Ossus. D'ailleurs, je vais me permettre une légère parenthèse au sujet d'Ossus. Ossus puise ses origines dans des légendes qui seraient antérieurs a l’État des Cents Nobles. Ce serait tour à tour une philosophie, une source de vie éternelle, une source d’énergie infinie, ou encore, une source de vie. D'ailleurs, certains ont un point de vu très tranché à ce sujet en décrétant que ce serait tout cela à la fois, et bien plus encore ce qui ne nous avance pas beaucoup.

    Pour en revenir aux trois sciences de vérité, elles imagineraient l'Univers comme une sorte de grande symphonie, une sorte de grand orgue universel, les éléments les plus importants étant les piliers. Jusque là, c'est simple. Cependant, il vous faudra un profond effort de pensée pour comprendre que le livre dirait que, tout, absolument tout en ce bas monde, est une variable, un élément influençant et un influençable. Des constantes chimiques, à l'heure à laquelle vous vous couchez, du moindre de vos gestes. Toute action entraîne une réaction qui provoque des actions... et ainsi de suite. C'est d'ailleurs là un des éléments les plus ambiguës et les plus longuement expliqués dans le Livre d'Ossus... et le plus abstrait, tout en étant en même temps extraordinairement concret.

    Cet état de fait qu'est "L'Univers Symphonique Variable" comme l'appelle un de mes amis, serait une sorte de grand algorithme universel tournant sans but et de manière infinie, ainsi que d'autres théories fascinantes du même genre sont connues par les Gardiens et seulement par eux. Cet élitisme serait fondé, mais personne n'explique pourquoi, et surtout pas les Gardiens eux même qui n'en ont aucune idée. [...] Ces derniers sont donc cinq, et par une équation aberrante, ce chiffre doit être maintenu à cinq à tout prix. La raison ? Cinq et trois font huit. En d'autres termes, les Gardiens et leurs applications des sciences de vérités ouvre une porte sur une sorte d'infini abstrait. Cependant, ces huit variables ne doivent pas être n'importe lesquelles.

    En effet, les cinq gardiens ne sont rien d'autres que les cinq Consuls. Ils ont tant d'autres titres, mais celui-ci les regroupe de manière général et il est fort pratique – et il est au passage, une relique de l'Empire Consulaire. Les cinq gardiens doivent être pour toujours et à jamais cinq. Quatre d'entre eux doivent rester des valeurs fixes, identiques, et ne doivent pas changer, tandis que le cinquième, c'est à dire le Duc, serait une sorte d'inconnue. Comment faire pour que les quatre autres consuls reste à jamais les-mêmes ? Le Livre exige que ce soit les même dans leur façon de faire. Mais, ils peuvent être des gens différents. Cependant, et c'est là une des seules parts sombres et sans doutes repoussantes des Domaines, depuis des siècles les Consuls changent de visage, mais ils gardent les mêmes passés, les mêmes noms, les mêmes comportements, les mêmes postes et les mêmes qualifications. Grâce à une sélection et sans doute des créations in vitro, des procédés proches d'un lavage de cerveau quotidien, vous avez toujours une Susan Calvin par exemple, qui aura les mêmes souvenirs, les mêmes traumatismes, les mêmes cicatrices et qui aura vécu à peu de choses près la même vie que l’originale.

    [...]

    Les Domaines d'Ossus ont des mœurs étranges, basés sur une sorte de stoïcismes. Les gens esclaves de leurs sentiments sont mal vus, et il faut garder ce genre de chose pour soi. Le but ultime de la société étant une stabilité totale. Mais là est le paradoxe. L'histoire est comme un électrocardiogramme. Ralentissez le rythme, et ça va encore à peu près, arrêtez le... et c'est la mort.

    [...]

    Pour que la société des Domaines - qui est particulièrement aisée et cultivée grâce à une robotisation importante – ne s'étiole pas, il faut lui trouver des occupations. La réponse fut simple et double : l'armée et l'administration, c'est à dire, l’État. L'armée des Domaines d'Ossus n'est pas une armée de combat, c'est une armée d'occupation, dans un sens qui est peu commun lorsqu'on parle d'armée. Elle est cependant très qualifiée, même si elle manque d'expérience de combat réel. On notera aussi qu'elle est très vieillotte. Combats honorables, utilisation du sabre, régiments de cavalerie encore en service pour les parades... L'armée n'est pas véritablement un bastion conservateur de la société – c'est même plutôt le contraire en raison de sa forte méritocratie – mais elle est le reflet de cette société. (Un des membres du Conseil des Mille avait dit que si les Domaines d'Ossus étaient un lac, ses eaux seraient si paisible que les battements d'ailes d'un papillon à mille lieux en troubleraient la surface.)

    L'autre réponse donnée à l'oisiveté de la société qu'est l'administration a donné un résultat plutôt... surprenant. Si l'administration des Domaines est sans doute une des meilleures qui soit, certains départements, secteurs et juridictions, n'ont aucune raison d'être. Cependant, ils ont été créés pour combler un vide dans la société, vide qui est d'ailleurs très mal rempli. Les gens des Domaines d'Ossus vivent en très bonne santé très longtemps, jusqu'à quatre cents ans et vivent encore cahin caho entre un et deux siècles selon les gens. Cette longévité devrait rendre les gens heureux, leur vie est faite de luxe et de culture et non de labeur. Ils travaillent pour le plaisir uniquement et ils savent qu'il y aura toujours quelqu'un ou un robot pour le faire à leur place si besoin. Pourtant, la population des Domaines d'Ossus est décroissante. Le taux de natalité est faible, et il ne permet pas de rétablir le taux des naissances à un niveau suffisant pour un renouvellement des générations acceptable et on dit souvent que la natalité prouve que la nation est en bonne santé.

    Les Domaines d'Ossus se meurent lentement. Leurs dogmes et leurs mœurs les rongent de l'intérieur. [...] Les Domaines et leur administration sont en vérité une sorte d'immense algorithme, un peu comme le Livre décrit l'univers. Le "système" Domaines d'Ossus est une sorte de procédure de calcul et d'approche qui à un but précis et inconnu. [...] Tout est écrit dans le livre. [...] Cependant, les Domaines commettent souvent des erreurs, des errements dans leurs procédés. Le projet Nastresis par exemple, est en vérité une tentative de la part d'une partie de l'administration pour créer un sorte de Dieu. Il faut comprendre que tous les Consuls représentent une tendance politique. Le Duc est l'arbitre. Mais lorsqu'il est absent, qui arbitre ? Qui régit ? Qui donne les ordres ? Qui décrypte le Livre ?

    [...]

    Si le projet Nastresis n'a jamais eu de suite, les instigateurs ayant été éliminés par une sorte de procédure automatique ce genre d'incident est déjà arrivé. Et il en arrivera encore. Les Domaines, depuis la "mort" ou plutôt la maladie de l’exécutif, sont incapable d'avoir des postures fortes ou de prendre des décisions unilatérales. Le dépeuplement est une forme de renoncement. L'absence des Domaines des champs de batailles est également une forme de renoncement.

    Le plus étrange est que les Consuls savent ce qu'il se passe, ils savent pourquoi le projet Nastresis a eu lieu, ils savent comment faire en sorte que ce genre de folie ne se reproduise pas... Mais, s'ils en ont conscience, ce ne sont que des exécutants. Il manque le cinquième gardien.

    Dr Hans Etraos, mémoires d'une vie.


    *****


    Sous les chapeaux hauts de formes de ces gens, il y quand même de drôles d'idée qui tournent en rond. [...] Ce pays semble n'être qu'un boite à idées.

    Herbert Donstak, un Diplomate Thelios en perdition.


    *****


    Les dogmes de la société de l'Empire Consulaire, jusqu'aux modes vestimentaires, sont révélatrices de la volonté d'un certain immobilisme. Mais si on se penche sur les apparences, tout est fait pour cacher. Les gens ont tous des secrets et des pensées bien plus profondes et poussées qu'on ne le croit. C'est sans doute la seule entité de philosophes paranoïaques narcoleptiques de l'Histoire.

    Inconnu.


    *****


    Je parle souvent de manière simple, mais il est vrai que le raffinement est la base de notre société. Si un jour le radicalisme, qui est selon moi synonyme de facilité, vient à devenir prédominant parmi nous et bien, nous serons tous morts.

    Franz Dirtismich, au Conseil des mille.



    *****


    Au final, une société est comme un homme. Elle est divisée avec elle même parfois, elle est en proie avec des conflits intérieurs, des contradictions. Souvent, elle souffre de maux qu'elle connaît, mais elle ne l'accepte pas comme fait et elle nie leur existence par un étrange procédé. Avec le temps, du technocrate au politique en passant à l'artisan pour finir au citoyen lambda, l’écœurement, la tristesse, le dégoût de soi et du monde qui nous entoure gagne du terrain. [...] Chez certaines personnes, ou dans certaines sociétés, tout craque d'un coup et l’accumulation de tristesse et de détresse laisse la place à une vraie révolution, qu'elle soit lente ou rapide. Mais chez certaines personnes et donc, dans certaines sociétés, le processus est plus lent. La résistance est en vérité plus grande, soit parce qu'on est né dedans, soir parce qu’on se donne des illusions, on se réfugie dans un Sanctuaire par exemple et on se coupe du monde... et au final, la déliquescence aboutit à la situation que nous connaissons actuellement. [...] Les Domaines sont faces à une situation qui n'a dû être observée que très rarement. La société, ses principes, ses mœurs, ses contradictions... en fait la société elle-même fait d'elle une entité vivante. L'homme a créé la civilisation à son image, et l'Histoire elle aussi est faite à son image. En fait, je pense que je suis comme tous les habitants des Domaines : je ne sais pas par quel bout observer le problème et tenter de le résoudre, tant ses ramifications sont énormes.

    Aeon II, cette vie et mes échecs.


    *****


    Le Haut Conseil est un conseil, il n'a pas vocation à donner des ordres, mais à les exécuter, aussi, en l'absence du cinquième gardien, le Haut Conseil ne peut pas faire grand chose.

    Franz Dirtismich, dans son livre : Des lois idiotes pour des Hommes simplets.


    *****


    Le Conseil des Mille est une institution aussi vieille que rigide qui date du Royaume. L'idée de départ était de réunir les représentants de toutes les grandes familles pour qu'ils règlent leurs différents par l'art oratoire, au lieu de se trucider en duel – ce qui posait quelques problèmes lorsque la haute administration avait des postes à pourvoir. L'autre rôle du Conseil est d'élire la famille qui assumera le rôle de famille Ducal. En d'autres termes, ce sera la famille dans les rangs de la quelle on prendra un individu quelconque pour le transformer en dirigeant. Souvent, les procédés pour y arriver sont analogue à ceux utilisé pour les autres Consuls. Lavage de cerveau, vie artificiel, cage doré, manipulation et ainsi de suite.

    Dr Hans Etraos, mémoires d'une vie.



    *****


    Il nous faut un nouveau Duc, un nouveau pouvoir exécutif !

    Franz Dirtismich, au Conseil des Mille.



    *****


    Koutouzof et Bartfast s'étaient alors tournés vers moi et ils m'avaient dit qu'ils s'en étaient chargés et qu'ils avaient mis un de leurs amis au travail. Pour ma part, j'étais dubitative. Lianne n'était pas faite pour une telle destinée.

    Susan Calvin, dans les Notes de Services pour la Postérité du Haut Conseil, effectué par le greffier numéro trois.


    *****


    Les Aeons ne sont plus, le dernier d'entre eux va bientôt s'éteindre. Nous devons faire appelle à leur sang de nouveau, fusse t-il éloigné ! Oui ! Je propose que la nièce du Sage Aeon II, Lianne d'Artois devienne notre nouvelle Duchesse ! Je demande au Conseil d'inscrire cette requête à son ordre du jour !!

    Franz Dirtismich, au Conseil des Mille.
    Ossus
     

Lun Avr 21, 2014 11:02 pm

  • Au sein de cette ville, se trouve le vrai Sanctuaire. Il se trouve au sommet d'une petite colline, qui le surélève d'à peine dix mètres. Le Sanctuaire est en fait un immense parc. Il est sillonné par de nombreux ruisseaux et sentiers. La surveillance est très soutenue. […] Le Sanctuaire garde en son sein trois bâtisses. La première, qui est la plus ancienne, se trouve principalement en sous sol. Il s'agit des archives des Domaines. Ces dernières sont véritablement tentaculaires et abritent également l'IA Magister qui gère la ville. La deuxième bâtisse est elle plutôt modeste. Il s'agit du Haut Conseil. La troisième bâtisse est de taille analogue à celle du Haut Conseil. Et bien cette bâtisse est la plus inutilisée du Sanctuaire. C'est l’amphithéâtre couvert ou se réunit le Conseil à chaque fois qu'il est convoqué.

    [...]

    Les Domaines d'Ossus disposent d'une administration pyramidale. En haut se trouve le Haut Conseil et de ce dernier découlent nombre d’administrations, qui sont au nombre de deux, trois, voire quatre pour chaque Consul. Ces administrations se répartissent elles-mêmes en départements pour se répartir les tâches. Cela n'a rien de chaotique, d'ailleurs, si vous avez un jour l'occasion de voir un organigramme du Haut Conseil, vous remarquerez que l'ensemble est très performant. Les administrations fantaisistes, telles que le DEVO – le fameux Département Essentiel à la Vente des Oneraiis - , dépendent d'un ministère indépendant en réalité et elles ne servent à rien comme vous le savez déjà.

    [...]

    Le Conseil est lui aussi indépendant du Haut Conseil, et si il se réunit le plus souvent la demande du Duc, il n'a curieusement pas vraiment de compte à lui rendre. Le Conseil rassemble théoriquement jusqu'à mille nobles, représentant chaque grande famille des Domaines. Son mode de fonctionnement est archaïque, la lourdeur administrative des débats, les rituels qui n'en finissent pas et le statu quo de certains des membres du Conseil rendent impossible toute réforme de ce même Conseil, au point que ce dernier en est tombé à un point d'inefficacité tout bonnement navrant.

    Samir Vosniak, Professeur en sciences Historiques.

    *****


    Ce matin là, une bonne partie de la ville du Sanctuaire dormait encore. Mais au Sanctuaire lui même, quantité de silhouettes avançaient dans le brouillard. Toutes étaient silencieuses, enfermées dans un mutisme tel qu'on aurait cru qu'elles allaient à un enterrement. Leurs pas se faisait vif car le froid était mordant. Toutes allaient à la Maison du Conseil. Toutes allaient vers l'événement de leur vie.
    Lorsque les silhouettes entrèrent dans la bâtisse aux murs massifs et gris, frappés de mille sceaux d'or et d'argent, elles se dirigèrent directement vers la salle de réunion. Sans attendre, elle suivirent la foule de panneaux indicatifs et, traversant avec respect les immenses couloirs de marbre recouverts de tapisseries et de tableaux dont l'âge ne se comptait plus, elles arrivèrent à destination. Lorsque tous prirent place dans amphithéâtre, les portes massives, décorées d'argent massif se refermèrent automatiquement, à l'aide d'un moteur aussi silencieux que la respiration d'un chat. Des bruits de cadenas de serrure se firent entendre, puis, le grincement lent et irrémédiable d'une mécanique ancienne, glissant une barre d'acier. Puis, au bout d'une série de secondes interminables et glaciales, le silence se fit.

    Les gradins étaient immenses et curieusement vides. Ces sièges de bois, de velours et de pierre blanche pouvaient accueillir facilement mille personne... mais n'en étaient présentes que deux cent soixante. Au centre, une estrade trônait avec dédain. Elle avait en son sommet trois bureaux. Le plus haut était celui du Haut Greffier et à ses cotés se trouvaient deux autres juristes. Le Haut Greffier prit son marteau et l'abaissa huit fois, et il laissa résonner ces admirables détonations de bois frappant du bois. Il s'impressionnait lui-même. Le Conseil était ouvert. Le premier depuis des siècles. A partir de cet instant, il siégerait en permanence jusqu'à ce que la question qui lui était posé trouve réponse. Le Haut Greffier se leva et tous purent alors l'admirer. Il portait un costume d'un gris clair étrange, lézardé de bleu qui lui cachait le bas du visage et sur son nez d'aigle, de petites lunettes cerclées de fer cachait les yeux d'un rapace gâteux qui semblait vouloir être attentif au moindre détail. Le Haut Greffier et son accoutrement étaient eux aussi des reliques du passé.

    Puis, commença une longue énumération. Les deux petits hommes aux yeux vicieux qui siégeaient aux cotés du Haut Greffier appelèrent tous ceux qui étaient présents dans la salle, un à un. Ils devaient se lever, rester debout quelques instants, pour s'affaler de nouveau de peur et d'angoisse dans les gradins peu confortables. Cela dura deux heures. Deux longues heures de protocole stupide et sinistre.


    « Mes seigneurs, le Haut Conseil nous à réunis aujourd'hui afin que nous tranchions la question suivante : Qui succédera à notre sage et bien aimé Duc Aeon II ? Ce dernier n'ayant pas désigné de successeur, nous devrons choisir en cette respectable assemblée, celui qui occupera cette lourde fonction le restant de sa vie.
    Notre Conseil ne s'étant pas rassemblé depuis pas moins de sept cents ans au moins, nous vous rappelons les règles de base de ce Conseil. Toutes vos prises de paroles, qu'elles soient publiques ou non, seront conservées aux archives. Gardez à l'esprit que des robots observent tous vos faits et gestes et que ce sont donc eux qui compulsent le déroulement de cette réunion. Toute violence physique ou verbale est proscrite. Vous aurez également remarqué que la salle est bouclée. Vous n'avez pas autorisation, ni même la possibilité d'en sortir avant que nos délibérations n'arrivent à leur terme.
    Maintenant, venons en aux règles pour une question de cette nature. Tout d'abord, lorsqu'une fonction est à pourvoir et que la question est soumise au Conseil, personne ne doit de se présenter de lui même. Vous devez être désigné par au moins cinq de vos pairs et validé légalement par les trois greffiers. Les critères observés par les greffiers vont de l'âge minimal aux liens de parentés. Une fois que notre premier cycle de réunion sera achevé, les candidatures, si j'ose m'exprimer ainsi, seront closes. Nous passerons ensuite à un débat. Lors de ce débat, les candidats n'auront pas la possibilité de s'exprimer, que ce soit par leurs propres moyens ou par ceux d'un tiers. Ils devront s'en remettre aux talents de leurs partisans et à leur loyauté.
    Des robots circulent en ce moment parmi vous pour vous remettre de plus amples précisions en ce qui concerne les lois qui restreindront vos actes durant ces délibérations. Vous aurez tout le loisir de les consulter plus tard. Vous pouvez dès maintenant vous lever et vous déplacer à votre guise. La première partie de ce cycle est un débat libre. Donc circulez, tractez, discutez... mais souvenez vous que toute tentative de corruption ou toute menace seront punies de mort. Bon. Je pense que c'est à peu près tout. »
    Il marqua une pause puis reprit. « Je suis Greordum Fredzil et je me chargerai d'assurer la bonne marche de vos délibérations. Enchanté. »

    Un bref rire nerveux avait parcouru l’assistance. Mais même si l'oubli du Haut Greffier avait un peu détendu l’atmosphère, les regards en coin étaient encore nombreux. Tous étaient novices ici. Personne ne connaissait les règles ni les usages. En quelque sorte, il fallait les réinventer pour combler l'espace vaquant que la loi et l'administration n'avaient jamais su remplir.

    *****


    Oreste fouillait la foule du regard. Le jeune homme taciturne avait été choisi pour représenter sa famille et force lui était de constater qu'il était le seul de sa tranche d'âge à être présent. Ah ? En fait non. De son coin de gradins, deux rangs en dessous du sien en fait, il remarqua une jeune femme qui semblait mal à l'aise, au moins autans que les autres. Mais passons. Son regard poursuivit son chemin. Soudain, ses yeux tombèrent sur une autre femme, plutôt âgée. Il se leva et alla la rejoindre. Les greffiers étaient partis et Oreste était l'un des premiers à s'être levé. Il fit signe à ses quelques connaissances, et petit à petit, ce fut tout un groupe disparate qui glissa lentement vers la vieille femme. Au final, ils furent une petite vingtaine.

    « Ma Dame, fit alors Oreste avec un salut à sa suzeraine.
    - Oreste, répondit telle simplement en hochant la tête. »

    Elle marqua une pause, elle était pensive et visiblement très embarrassée. Un peu comme tout le monde en fait. Elle réfléchit un instant.


    « Non en fait je n'en sais vraiment rien, lâcha telle avec un immense et gracieux sourire. Qu'en pensez vous, Baron Olosco ? demanda telle alors à un petit homme grassouillet. Vous êtes notre généalogiste il me semble.
    - En effet Dame Enil. J'ai déjà fouillé un peu l'assistance et j'ai trouvé trois personnes pouvant prétendre au trône par la généalogie.
    - Et donc ?
    - Et bien, à part vous Ma Dame, il reste Hebert Birlan et Lianne d'Artois, répondit alors tranquillement l'homme ventru.
    - Je connais un peu ce Birlan, il n'est pas sot et il ferait sans doute un bon administrateur. Mais franchement, il n'en mènerait pas large et il est un peu trop nationaliste à mon goût, soupira Dame Enil. Par contre, qui est cette Lianne d'Artois ?
    - Si je ne m'abuse, répondit un vieux Comte, il me semble qu'elle possède le titre de général de brigade honoraire. Elle est aussi la petite nièce d'Aeon II, ce qui lui donne quelques titres.
    - Je me moque de ses titres. Ça ne me dit pas qui elle est. »

    Le silence fut un peu embarrassé. Personne n'en savait rien.

    « Je vais la chercher ? proposa alors quelqu'un.
    - Non, ce serait déplacé ! Nous ferons sa connaissance durant les débats, dit Dame Enil. Qui d'autre pourrait prétendre au tire ?
    - Samir Vosniak pourrait lui aussi prétendre au titre, tenta alors une voix mal assurée.
    - Mais enfin, soyons sérieux ! piailla t-elle alors avec un sourire. Samir est un érudit, si quelqu'un venait à le désigner, il prendrait la fuite en courant ! Et puis, il n'est plus très jeune, nota alors la Dame avec un regard critique pour le presque grabataire qui discutait en bas des gradins.
    - Au moins, il ne courra pas très vite ! lâcha un notaire l'air amusé.
    - Il est vrais que vous avez l'habitude de voir vos clients s’enfuir, maître, railla alors un autre. »

    Les sourire furent larges.
    Finalement, Dame Enil décida de laisser l'initiative aux autres pour voir qui serait candidat. Le spectacle d'une lutte entre vautours nationalistes de Halis, les illuminés qu'étaient les technocrates de l'Ordre et pour finir ces imbéciles de républicains promettait d'être amusant. Car elle en était sûre. Il y avait des républicains dans la salle. D'ailleurs, il ne fait aucun doute que les événements lui donneront raison. Cependant nota alors la vieille femme, il y aurait aussi beaucoup de candidats sans étiquette. Franchement, les voir tous se battre pour cette horrible fonction promettait d'être vraiment très amusant.

    *****


    Le brouhaha était devenu insupportable. Une quantité de groupes difficilement dénombrables sans l'aide de ses doigts de pieds – ceux de la main ne suffisant pas – s'était constituée. Le débat libre touchait à sa fin. Une porte s'ouvrit derrière l'estrade, et les trois Greffiers entrèrent. Ils reprirent leur place. Le Haut Greffier fit taire tout le monde en abattant huit coups de marteaux.

    « Prenez place. »

    Puis ce fut les « candidatures ». Toutes les déclarations devaient elles aussi suivre un protocole ennuyant à souhait. La première fût celle ci :

    « Moi, Tristan de Gatéo, avec la permission de ce respectable Conseil, et avec, je l'espère, l'assentiment de mes ancêtres […], au nom de ma famille et de ses vassaux qui les honorables [...], je propose et recommande […] la candidature du grand […] et sage […] et irremplaçable Samir Vosniak. »

    Après l'audition de cette déclaration, non seulement les membres de l'assemblée notèrent qu'ils n'étaient pas prêts de rentrer chez eux pour le souper du soir, mais de plus, Samir se liquéfia sur place et son beau visage d’albâtre ridé sembla se figer à cause d'un surplus subit de cholestérol, tandis que son cœur faisait des bonds dans tous les sens semblables à ceux que ferait un datiti sauteur ayant le feu aux fesses. Dame Enil avait finalement eu raison. On eut dit que le vieillard allait partir en courant. Mais alors que le Haut Greffier continuait inlassablement de demander à chaque membre du Conseil, en ordre croissant de puissance, on en arriva finalement, après une bonne heure, au fameux Samir.
    Ce dernier se leva en tremblant. Puis, fusillant du regard les imbéciles heureux qui l'avaient soutenu – contre son gré – il déclara.


    « Moi, Samir Comte de Vosniak, avec la permission de ce respectable Conseil, et avec, je l'espère, l'assentiment de mes ancêtres […], au nom de ma famille et de ses vassaux qui les honorables [...], je propose et recommande […] la candidature de la petite nièce de notre bien aimé Aeon II, Lianne d'Artois troisième du nom, arrière petite fille de Lianne d'Artois, la Légendaire. »

    Il se rassit tout sourire alors que tout le monde le regardait avec des yeux aussi grand qu'un cerveau de Zetran d’intelligence moyenne – en d'autres termes assurément plus intelligibles, les yeux étaient très très petits et très très imbéciles. La jeune fille qu'Oreste avait aperçue à peine quelques longues heures plus tôt, semblait s'être liquéfiée de peur, rongée par l'angoisse.

    Les déclarations, les insultes mêmes, fusèrent ensuite et le cycle ne se termina pas vraiment dans le calme. Au final, sept candidats avaient été présentés. Samir Vosniak semblait largement en tête, même si personne n'avait idée de la manière dont était répartis les ''points''. Lianne n'était elle aussi pas trop mal placée. Nous sommes d'ailleurs ici face à un paradoxe. Le soutien de Samir garantit à Lianne celui de ses vassaux... sauf que les vassaux de Samir s'étaient exprimé avant lui – puisque les déclarations se firent dans l'ordre croissant de la puissance – et ces derniers avaient soutenu leur suzerain. Devant une telle situation, vous comprendrez rapidement pourquoi durant des années, le Haut Conseil et le Duc avait tout fait pour n'avoir jamais à convoquer le Conseil. Il était trop pingre pour voir ses règles changées, quand bien même elles excédaient tout le monde. Les règlements absurdes rivalisaient en taille et en détail d'application, et ce lieu était, à l'époque de ses fonctions, témoin de règlements de comptes en différents partis.

    Ce faisant, même alors qu'il siégeait avec toute sa puissance, le Conseil ne décidait pas de grand chose, étant donné qu'il était trop ralenti par mille détails et détours de procédure. Étant donné que tous les puissants étaient représentés ici, quand une loi ou une réforme ne leur plaisait pas, ils pesaient de tout leur poids pour ralentir sa mise en œuvre. Bien souvent, le Conseil tout entier, excédé, finissait par accéder à la requête de telle ou de telle personne et décidait n'importe quoi.
    C'est ainsi qu'un baron chevrotant n'ayant rien de mieux à faire réussit à faire passer une loi interdisant aux gens de promener leurs animaux de compagnie la nuit. D'ailleurs, une blague de mauvais goût circule depuis ce jour là. Cette blague raconte que c'est depuis cette époque que les femmes se promènent seules la nuit pendant qu'elles laissent leurs maris dans les salons ou les bars.

    Quoi qu'il en soit, le Conseil des Mille avait ses candidats. S'en suivrait une longue procédure par domino. Chaque « candidats » étant obliger de se taire, les partisans allaient devoir rivaliser de mauvaise foi pour finalement faire désigner une sainte.


    *****


    La fameuse Sainte ne fut désignée qu'après de longs et âpres débat. Une femme peut-elle gouverner ? La réponse donnée fut oui. Est-elle assez qualifiée et compétente ? La réponse à cette question fut nettement plus facile à trouver que la réponse à la première. Oui, elle était qualifiée. Elle s'était un peu battue – pas elle-même bien sûr, mais elle avait commandé les défenses d'Ekathis face aux pirates – et elle avait également eu tout le loisir de gérer une économie dans ses grandes lignes sur Ekathis justement. Les compétences de Lianne ne semblaient pas se limiter à la gestion d'une économie minière.

    « Une autodidacte et une visionnaire au regard neuf vaudra bien mieux qu'un vielle aristocrate qui a une bonne centaine d'années de retard sur pour comprendre la situation géopolitique actuelle et de nos problèmes sociétaux. »

    Tout le monde était d'accord. Lianne fut placée sur le trône. Encore une fois, un membre de la caste des Aeons était au pouvoir. Que ce soit un d'Artois un de Saint Germain, cela restait une Aeon. Toujours les mêmes. Toujours les mêmes méthodes. Toujours les mêmes familles. Toujours les mêmes éducations et les mêmes vies.
    Toujours les mêmes Domaines d'Ossus.

    Du moins, c'est ce que la grande majorité du Conseil espérait. La conservation du statu quo. Ne pas changer en profondeur la société. De beaux et grands discours si vous voulez, continuer de parler des droits des gens qui n'étaient pas dans la ''haute'' si vous voulez, parlez, parlez tous en cœur et avec des airs inspirés, mais ne faisons rien, comme nos pères et nos mères avant nous. C'est ce que presque tous se disaient.

    Ils n'allaient pas aimer la suite.


    *****


    Lorsque Lianne d'Artois monta au pouvoir avec le nom officiel de Lianne Aeon II, de multiples réformes furent entreprises. Un texte révolutionnaire pour les Domaines d'Ossus fut d'ailleurs produit : De la Rationalisation de la Nation. Dans les premières lignes de ce texte il était écrit : « Notre Nation a ignoré ses fondements, notre première priorité est donc de revenir ses mêmes fondements, et de les faire appliquer. »


    *****


    « Et ces rêves n’auront peut être pas de suite. Ils se perdront dans le tourbillons de la vie et sombrerons telles Nastresis dans les flots passionné d'un passé lointain et puéril. »
    Lianne d'Artois, IIeme du nom, dite, la Magnifique.


    [HRP]J'en profite pour remercier Marau et Vys qui me corrigent orthographiquement, et je m'excuse en passant pour ma palette de couleur de plus en plus réduite. je vais tenter d'arranger ça demain ou lorsque l'occasion s'en présentera. Si vous pouviez me MP sur le fofo pour me dire ce que vous pensez de mes RPs, ce serait extra ! Merci d'avance pour votre aide et votre compréhension. /HRP]
    Ossus
     

Mar Juil 01, 2014 2:27 pm

  • « Le Sanctuaire et les gens qui y vivaient ne le savaient pas encore, mais c'était l'une des dernières fois que le soleil se levait sur ce monde des Domaines d'Ossus. » écrivait Samir Vosniak il y maintenant une petite centaine d'années. Voilà presque cent ans que les Domaines d'Ossus avaient changé de système politique avec un système de tirage au sort biscornu pour désigner son Conseil de l'Ordre, qui remplaçait l'ancien Conseil pour faire la même chose. Le Haut Conseil lui, avait été dissout. Ses membres avaient été semés au vent mauvais de l’ennui et des temps qui changent, tandis que la vie continuait son cours, imperturbable. L'état se gérait seul, et après quelques derniers et héroïques soubresauts, les Domaines se figeaient de nouveau dans le fleuve glacé de l'histoire, sans compassion aucune de l'entité universelle, pour la petite entité qui périssait sans douleur, sans émotion, sans rien. Juste comme ça. Un peu comme si une feuille se flétrissait au ralenti, sans bruit, avec une grâce qui en est toutefois dépourvue.

    Erias Torn lui aussi ressemblait à une feuille qui se flétrissait. Mais au lieu de lui courber le dos, l'âge l'empêchait de se pencher. Il était donc droit comme un "i", bureaucratique, sérieux et terriblement professionnel. Il se trouvait dans son bureau, lui même dans le complexe administratif du Sanctuaire. Il ressemblait à tous les autres bureaux dudit complexe. De la pierre, un peu de marbre, du velours, des tapis, des meubles et, parfois, des gens qui éraient sans but.
    Un de ces errants était face à Erias. Il s'appelait Fritz Spoal, il était maigre, mais pas autant qu'Erias qui en plus était bien sec. Fritz était chaleureux d'apparence et de caractère, mais l'air soucieux. Sans doute du genre à paniquer parce qu'il n'arrivait pas à fermer une porte. Ils devaient être dans le bureau depuis moins de cinq minutes mais Fritz paniquait déjà. D'ailleurs il paniquait déjà avant d'entrer dans le bureau d'Erias, mais bon. Son angoisse ne fît que grandir lorsque ''Monsieur Torn'', ou plutôt, son Excellence le Grand Chancelier, lui dit :

    «  Mais vous avez parfaitement compris. Nous voulons avoir une vue sur l'univers, ou du moins sur nos alliés... ou peut importe qui. Cela fait bien longtemps que nous nous somme enfermés.
    - M... mais Excellence ! Vous me demandez de... d'aller sur trois mondes pris au hasard et de...
    - D'ouvrir grand les yeux, soupira Erias. Puisque vous avez compris pourquoi me faire répéter ? Puis après une pause il reprit : Vous allez bien ? Vous ressemblez à un cadavre mouillé.
    - Ce n'est rien, dit Fritz en s'épongeant avec mille tremblotements. Quels sont les mondes que je devrai visiter ?
    - Mon assistant vous à arrangé ça. Vous allez avoir la joie de visiter... heu... une seconde, fit-il avant de fouiller avec un léger embarra ses papiers ; il se redressa encore plus et reprit : Belastir’Avondei.
    - Pardon ?
    - C'est la planète que vous visiterez en première, répondit Erias. Elle appartient à l'Empire Baérien. Vous allez donc y aller pour commencer... et vous nous direz ce que vous paraîtra intéressant. Vous ferez la même chose avec Castrop-Rauxel, qui est à la Confédération Stellaire Batuléenne et un de nos mondes, Halis si je ne me trompe pas.
    - Je ne comprends pas le but de l'opération Excellence.
    - Ordre de la Duchesse Lianne d'Artois et du Duc Oreste Vosniak. Je trouve que c'est une raison suffisante.
    - B... bien sûr ! Répondit Fritz un peu trop vite en transpirant de plus belle.
    - Je suppose que vous pouvez y aller. Vous trouverez vos ordres écrits dans l'antichambre, auprès de mon secrétaire.
    - Au revoir Excellence. »

    Et Fritz s'en fût. Il en prit presque la fuite d'ailleurs.

    *****


    Fritz Spoal raconte :

    Belastir’Avondei était un monde boisé, avec des lacs aux eaux tantôt vertes, tantôt translucides, tantôt bleues. Au milieu des forêts jaillissaient quelques cités semblables aux citadelles qui, jadis, se trouvaient sur le sanctuaire. Ça et là se trouvent des temples, mais cachés entre les arbres et laissant avec dédain leurs reflets se mêler à ceux du ciel dans les eaux des lacs. Leur dédain était justifié par le fait que seul les initiés et les rares privilégiés disposant d'une invitation de marque avaient le droit de pénétrer leurs enceintes.
    Comme par hasard, il pleuvait. « Il pleut toujours là où un représentant des Domaines d'Ossus passe », avait écrit un Thelios il y a fort longtemps. Je venais tout juste d'arriver, la navette m'avait transporté du spatioport en orbite à une sorte de quai. Deux gardes et un officier se tenaient à l’abri et l'attendaient. Les présentations furent faites à moitié car les noms étaient aux absents. Je n'osais rien dire et comme pour compenser cela, l'officier parlait pour tout un régiment, débitant autans de paroles que les tireuses de mille bars Corporatistes offraient leurs bières aux prolétaires du cru. En déambulant dans les rues d'une des immenses cités l'officier faisait les présentations de la ville et de l'empire Baérien tout entier, omettant en passant de décliner son identité. Il parlait de Belastir'Avondei, qui signifiait Temple de la Lumière et de la ville qui portait le nom de son temple, qui était appelé temple quatre pour plus de commodité. Il disait aussi que les riches forêts alentour permettaient d'exporter des bois précieux et des hydrocarbures et, en même temps qu'il me traînait d'un bout à l'autre de la ville, la lumière revint et les nuages de pluies s’en furent comme une armée défaite, comme un voile noir déchiré par des traits de lumière rouge.

    Notre petit groupe fit une halte et profita de son emplacement dans un parc, en haut d'une tour. De là, nous avons pu voir les derniers nuages, presque éclipsés par les traits de lumières qui les massacraient impitoyablement et les temples, l'un près, les autres au loin, leurs reflets dans les eaux verdâtres du lac voisin qui semblait se confondre avec le ciel à la foi violet et orange, lézardé de rouge. Le soleil se couchait. L'officier avait attendu et savouré l'instant avec le visiteur que j'étais, puis, il m'avait fait remarquer qu'il y avait encore beaucoup à voir. Il m'expliqua que la structure politique civile de Belastir'Avondei était "particulière", il n’y avait pas d’assemblée planétaire et la personne faisant office de gouverneur, le vénérable Deilevas Sombreplume, était aussi le dirigeant du "premier cercle". Il faisait aussi partie du "conseil des seigneurs" mais était rarement présent à ce dernier. De plus, l’ordre de la lumière, qui dirigeait Belastir'Avondei se préoccupait peu de la politique de l’empire Baérien. Préférant travailler avec acharnement sur ses divers projets, dont une majorité à but militaire. Certains des cercles de l’ordre sont à l’origine de plusieurs classes de vaisseaux, dont le Felhe'Vanthan, un croiseur lourd chasseur de cuirassé. Fritz reprenait peu à peu ses tripes à deux mains et osait quelques questions biens ajustées qui relançaient l'officier de plus belle.
    Il expliquait que les structures politiques de l'empire étaient très peu marquées par la religion, à part sur ce monde. Il ajouta que les civils n’ont aucune autorité dans la structure militaire tandis que les militaires en ont dans la structure civile. Toutefois rien n’interdit à la structure civile de débattre des affaires militaires et ces derniers prennent bonne note de ce qui en ressort. L'officier continuait sa narration, infatigable et avec toujours plus d'envolés lyriques.
    Pendant qu'il expliquait tout cela et j'en était réduit à l’enregistrer vocalement avec mon transmetteur pour tenir la cadence, pendant que la nuit tombait en déchirant le ciel avec toujours plus de luttes colorées.

    Fritz resta sur Belastir Avondei quatre jours et il accumula une masse de souvenir et de documents presque impossible à quantifier avec de simple adjectifs. Pour s'imaginer la chose... imaginez l'inimaginable et vous devriez y être à peu près.
    Il partit précipitamment alors qu'une flotte Zetranne avait osé pointer le bout de son nez. La navette civile qui le transportait était partie tranquillement, même si ses passagers étaient quelque peu catastrophés. L'un d'eux avait même essayé de sauter par l'un des hublots. Il fut heureusement neutralisé à temps.


    *****


    Plus que la visite, ce que Fritz Spoal narra de son séjour sur Castrop-Rauxel fût une conversation qu'il écouta par hasard.

    Jadis, Castrop-Rauxel appartenait à Choumi Unit. Lorsqu'elle fût vendue à la CSB avec ses immenses industries, un programme de peuplement fût lancé. Depuis, ce monde reste hyper industrialisé mais également très peu peuplé. L'atmosphère est gorgée de gaz à effet de serre, produits par les diverses industries sur place, qui vont de l'extraction minière à la fabrication de composants électroniques ou encore de brosses à dents. Les immenses spatioports de la planète, grouillaient presque toujours de vaisseaux cargos des plus divers et on pourra noter que les spatioports en question servent également de point d'attache à la VIIIème Flotte de la Confédération.

    Je n'avais pas visité tout de suite Castrop-Rauxel, officiel ou pas, la main d’œuvre manquait sur le site - même si il était presque intégralement automatisé. Je me trouvais dans une salle d'attente plutôt mal insonorisée. En laissant aller ma tête contre le mur derrière moi, j'ai eu le privilège d'écouter une conversation pour le moins... intéressante.

    « Le commerce, c'est avant tout une aventure humaine mes amis ! » disait une voix, sans doute celle d'un homme. « Il ne faut pas confondre le commerce qui a pour but de rendre service aux gens quand ils le demandent, et l'autre, celui qui offre des services ou des biens et qui entube les gens pour leur coller leurs produits sur le visage, comme autant de boutons d’acnés révélateurs d'une niaiserie quasi certaine, afin que les gens en redemandent !
    Une autre voix féminine, mais autoritaire, déclara d'une voix aussi acide qu'un fongicide : « Le commerce, c'est une histoire de fric. Tu écrases la concurrence, tu lobotomises le client, tu entubes la loi et par dessus tout : tu fais du fric.
    - On ne peut pas dire qu'elle à tord, dit alors une autre voix.
    - C'est pas une raison, dit la première voix. Le commerce reste une histoire d'amour, de passion, de volonté de servir le client et de goûter au cirage de ses chaussures pour s'assurer de sa superbe qualité, dans le commerce, le gain d'argent n'est que secondaire ! L'important, c'est la satisfaction et...
    - Oh mais la feeerrme ! brailla la femme (?) affirmant ainsi l'autorité du sexe féminin dans la pièce sur le sexe opposé, ou du moins, sur le sexe opposé qui se laisse dériver vers l'humanisme. On s'en masse les organes génitaux de ça ! Le but c'est de faire de l'argent ! Du fric ! Du blé ! Du liquide ! Elle marqua une pause et ajouta à l'adresse d'une autre voix qui avait sans doute un geste amical à son égard, un peu décontenancée : Euh non merci... je n'ai pas soif.
    - Ah !! La belle blague ! Môdame va faire de l'argent ! Haha ! Comme si on pouvait en faire en vendant des Croiseurs Lourds ou en baissant le prix des Modules de Tratranisation Bétravique X-TR-745, comme Môdame le propose ! Ça pour une belle affaire c'en est une bonne oui !
    - Mais diable allez vous donc m'écouter ?
    - Mais vous ne dites rien ! s'offusqua son interlocuteur.
    - Taisez vous et elle parlera, dit alors une autre voix. Parlez ma chère.
    - Merci mon ami, répondit l’intéressée. Je vais donc en revenir au problème qui nous a réuni ici depuis une bonne dizaine d'heures et qui risque de nous retenir ici encore longtemps. Notre corporation à besoin d'argent et, pour ce faire, nous pourrions requérir auprès du gouvernement de la Confédération...
    - Je ne vois toujours pas où vous voulez en venir, dit la première voix, pressée de mal comprendre les dires de son interlocutrice.Si un empire est en manque de Zircan, la vente de ressources ou de vaisseaux apporte des fonds de manière massive. Ponctuelle certes, mais massive tout de même.
    - Vous mettez pile le doigt où il faut ! s'écria alors la femme, passant ainsi pour une semi démente.
    - Hein ?!
    - Les gains se font de manière ponctuelle et seulement en faisant transiter des biens étatiques, poursuivit la femme sans tenir compte du gémissement. En d'autres termes, les commerces de biens courants sont quasi nuls de manière général, ou du moins, au yeux de l'état puisqu'il ne tire presque jamais un bénéfice quelconque. Or, si au lieu de faire transiter uniquement des ressources minières des pièces de vaisseaux et des armes par nos pontons commerciaux, nous faisions transiter, par exemple des... je ne sais pas moi, des brumisateurs à dentifrice par exemple, et bien l'état gagnerait un revenu en ZRC régulier qui pourrait être à la longue
    - Je ne comprend rien, dit une une voix qui fût ignorée.
    - Une minute ! s'écria la première voix. Vous voulez générer des revenus de ZRC en vendant des biens de consommations courante via les routes commerciales d'état ? En plus générer des bénéfices dessus ? Et en plus, vous ne comptez pas utiliser le système A-B-Top-Stock-Option-Capitalisatoire ? Mais comment ?
    - Ah pour ça, les Guignols sont vos amis.
    - Le fait que vous regardiez cette émission satyrique à l'holovision importe peu, expliquez !
    - C'est bien simple, vous produisez un objet pour un coût total de 100 Hegrys par exemple, et vous le vendez 150 Hegrys. Ça fait un bénéfice de 50 Hegrys. »

    Un silence.

    « Mais c'est anti capitaliste ce système ! brailla alors une des voix masculine.
    - Euh c'est l'inverse vous savez ? dit la voix de femme. Enfin passons. Vous ne comprenez vraiment pas ?
    - Ben non, dirent les autres voix presque en cœur.
    - ...
    - Vous n'avez pas besoin de faire cette tête là vous savez ? On dirait un hérisson maltraité.
    - Il y a de quoi franchement, répondit un autre.
    - Bon, reprenons tout depuis le début, dit alors la première voix.
    - Bon. Utiliser les routes commerciales d'état pour vendre des objets de consommations courante... et c'est tout en fait.
    - Ah. Je pensais que c'était des brumisateurs à dentifrices que vous vouliez vendre.
    - Mais vous le faites exprès ! Brailla à nouveau la voix de femme d'un air vengeur...
    - Bon. Je vais reprendre la proposition de notre amie en mille deux cents quatre vingts seize points. Je vais essayer d'être bref.
    - Oh misère ! »

    On vint me chercher plus tard pour la "visite" qui consista surtout en une inspection de divers chaînes de montages.


    *****


    Au sujet de Halis, la mémoire de Fritz chancel et va d'un sujet à l'autre.

    Halis était une planète assez singulière de part son histoire. A l'origine, ce bout de rocaille perdu au fin fond de Varden habritait une civilisation pré spatiale qui avait, jadis, été annexée par l'Empire Consulaire Triosiens. Lorsque vinrent les Domaines d'Ossus et l'allégeance aux Domaines Ducaux, la centralisation fût mise – sans raison apparente – au goût du jour et la planète fût plus ou moins abandonnée à quelques IAs. Cependant, un reversement eu lieu il y à quelque dizaines d'années. Lianne d'Artois voulait refonder par le sang. Pas dans le sang, mais par le sang, ce qui, dans son esprit, voulait dire une forte croissance démographique et donc, l'exploitation de toutes les colonies des Domaines avec une main d’œuvre, ou du moins une population, humaine. En vingt ans, la population de Halis passa de cinq habitants, à près de cinq milliards cent trente sept million d'habitants.

    Halis était doté d'une atmosphère – au sens figuré du terme - plutôt poussiéreuse et âcre. Il ne se passait pas grand chose et l'air était lourd, presque stagnant. Le paysage de la planète était lunaire et... morne. Peu d'arbres, si on pouvait appeler ces choses des arbres, leurs troncs étant presque inexistants, totalement ramassés, les racines à l'air et les feuillages dégarnis.
    L'homme qui allait me guide avait lui aussi le feuillage dégarnit. Ses racines n'étaient pas visibles mais elles avaient au final peu d'importance. L'important était que cet homme, se trouvait être le Gouverneur de Halis, Griolio Waquierta.

    C'était un gros monsieur jovial, assez soucieux de ce qui se trouvait dans son assiette et son porte monnaie. Il avait le visage rouge, et ridé par les soucis. La visite du propriétaire fût vite faite. Halis était la seul ville sur trouvant sur la colonie du même nom. Comme toutes les colonies des Domaines, elle était surélevé de que quelques dizaines de mètres et était protégées des invasions provenant de la compagne par une sorte de double rempart fait dans un étrange agrégea de matière, semblait être lisse et fondu d'un seul bloc sur le sol.

    J'en était à ma dernière visite. J'avais vu deux planètes grouillantes et je finissais par une qui semblait être morte. Mais pas autans que cela. Dans l'espace glacé qui environnait Halis, le spatioport était en effervescence. La colonie était un point de passage obligé pour nombre de marchands indépendants, surtout Ducaux. L'absence de taxes et de réglementations apparentes avait fait du spatioport une zone de non droit où toutes sortes de trafiques s'épanouissaient joyeusement. Les autorités locales avaient toutes les peines du monde à établir un semblant d'ordre sur place. En ce lieu pour le moins étonnant, on revenait à une autre époque qui perdurait encore dans quelques coins d'Aelden. Ce que certains appellent, la folle époque de la piraterie spatial, bien avant la bourse, bien avant le monopole des Factions. Une époque où les regroupements de marchands indépendants avaient autans de pouvoir que les seigneurs de guerre. Dans ce spatioport, où les filles de joie dansaient avec les voleurs de l'espace, où l'air, vicié par la sauvagerie ambiante, l'humanité semblait revenir à ce qu'elle avait de plus primaire et de plus animale, malgré les brumisateurs à dentifrices derniers cri qui étaient en vente libre.

    Je remarquait alors une chose. Au final, le voyage que j'avais entreprit n'avait aucun intérêt pour la survit de l'état ou son intérêt ou quoi que ce soit d'autre. Il n'y à probablement pas de liens, mais une effrayante nouvelle parvint à Halis trois jours après mon arrivé : la Duchesse le Duc et leur entourage venaient d'être assassinés.
    Ossus
     

Sam Aoû 16, 2014 7:41 pm

  • Le Chat Noir était un café parmi tant d'autres, qui devait son nom au chien de son propriétaire et à une erreur administrative. Le café se trouvait à l'intersection de la rue des Écoliers et de celle des Chèvres. Sa magnifique terrasse offrait une vue agréable sur le canal voisin, qui longeait la rue des Écoliers. Par beau temps, ce qui est assez rare, l'eau du canal offrait mille reflets et prismes de lumières argentés que l'on se surprenait toujours à admirer en savourant une glace ou un cocktail. Le café du Chat Noir n'était pas un lieu de rencontre mondain, mais plutôt un carrefour incontournable pour indics, flics, privées et autres brasseurs d'informations.

    Le patron du café - tout comme son chien - n'aimait pas les oreilles indiscrètes et cela avait fait du Chat Noir un lieu fort apprécié pour les échanges discrets. Ainsi, les services et couverts tout à fait appréciables ainsi que les dispositions engageantes du Chat Noir le rendait assez prospère, comme tous les cafés qui savent se débrouiller dans les villes où les coups tordus et la politique sont devenus des sports à part entière.

    A l'intérieur du café du Chat Noir, deux hommes se faisaient face. Ils étaient à une table en bois gravée sur la quelle reposait une théière en cristal, deux tasses fumantes et un plateau garnit de petits gâteaux.
    L'un des deux hommes était massif, l'air jovial, les yeux marrons et pétillants. Il semblait aimer laisser traîner sa main près du plateau de gâteau et ne pensait pas beaucoup à les faire tremper dans son thé. Il portait une sorte de complet marron à la dernière mode du Sanctuaire qui, à y bien songer, changeait fort peu. Il parlait avec volubilité et semblait aussi avide de parler qu'il était avide de petits gâteaux. Le plateau avait déjà été re-remplit et s’apprêtait à l'être de nouveau.

    L'autre homme était un peu chauve et avait les yeux aussi dur que des agates. Il parlait posément en prenant son temps tout en dodelinant légèrement sa tête orné d'un nez d'aigle massif. Ses mains étaient posées sur sa tasse quand il dit :

    «  Alors cette bombe qui à fait sauter la Duchesse...
    - Et le quartier qui va avec ! l'interrompit l'autre. Il y à eu des centaines de morts tu sais... des victimes collatérales diront nous.
    - Donc cette bombe serait artisanal ?
    - Hof, pas vraiment, en fait, elle à été trafiquée, répondit le grand homme en se saisissant d'un petit gâteau sans défense. Ils ont volé une bombe civile qui sert d'ordinaire à abattre les bâtiments, quand les démonter autrement est trop dangereux. Ces bombes sont entreposées dans un dépôt, au nord de Fort Tyard. D'ailleurs la sécurité laisse à désirer, ajouta t-il dans un reniflement.
    - Le dépôt n'était pas surveillé ?
    - Très peu. Tu sais, Pitberg, dans la ville extérieur peu de ce genre de services sont assurés correctement. »

    Ils gardèrent le silence le temps de siroter un peu leur thé. Pitberg se resservit et remplit sa tasse élégamment avant de se saisir d'un des derniers gâteaux secs. Déjà, son interlocuteur cherchait un droïde du regard pour un réapprovisionnement.

    «  De quel manière la bombe était-elle trafiqué ? demanda Pitberg.
    - Elle était enrichit avec un composé militaire assez ancien, mais qui est toujours en service pour certains entraînements. Son nom est... EN... ENHD-24 il me semble. »

    Il sirota son thé tandis que Pitberg notait le nom sur un petit papier qu'il enfouit dans une poche. Puis, il se saisit d'un autre petit gâteau alors qu'un droïde remplissait le plateau soigneusement mais avec une vitesse stupéfiante. Lorsque le droïde se fût éloigné il ajouta :
    « D'ailleurs, si je t'ai dis que je pensais qu'une mafia était mêlée à tout cela, ce n'est pas pour rien.
    - Vraiment ? fît Pitberg les yeux brillants légèrement, attentif.
    - Oui, dernièrement un convoi militaire transportant, entre autre, du ENHD-24 a été pillé par la Corporation de la Lune d'Opale. Ces gens là ont les moyens, les hommes et pour ce qui est du mobile, je pense que la Duchesse à fait mine de faire entrave à l'un de leurs commerces. Enfin bon... »

    Il rapta un autre gâteau et le savoura avec un visage d'enfant bénit.
    « Tu connais le chef de file locale ? demanda Pitberg.
    - Oh non... je ne sais pas grand chose sur Opale à part les généralités. Savoir qui sert de cerveau à tout l'affaire n'est pas à ma porté. » Il grommela. « Mais je pense qu'un de mes indics ne me dit pas tout.
    - Ah ? Qui est-ce ? Peut-être que j'arriverais à le convaincre, sourit faiblement Pitberg.
    - Sans doute. Il se trouve au Nord du Parc Centrale de la place de l'Est, 315 rue des Varenzs. »

    Il but à grande gorgée son thé brûlant, se resservit et, infatigable, s'attaqua à un autre petite gâteau. Le silence se fit quelques instants et seul le bruit du crayon de Pitberg s'agitant sur le papier, plana sur la table de conversation sans troubler les volutes gracieuses du thé. A peine entendait-on la rumeur lointaine des conversations sur la terrasse du café. Au bout d'un certain temps, Pitberg posa une autre question à son indic :
    « Quel est le domaine d’activité de ta source ?
    - Ah ! s'exclama joyeusement l'autre. Tu ne me croira pas : il héberge des pirates informatique sous couvert d'une petite maison d'oisiveté spécialisée dans les univers numériques. L'endroit est assez misérable en fait.
    - Je vois. »

    Ils finirent leurs tasses et l'indic de Pitberg acheva le plateau de gâteau avec une ardeur certaine. Puis au moment de partir, Pitberg donna une carte de remise de fond à son compagnon de table. Cette dernière permettait de débloquer l’équivalent en Livres de dix Zircans. Une somme considérable.
    «  Dit moi Pitberg, me permettra tu une question ?
    - Tout dépend de la quelle, Ralph.
    - Je me demandais juste d'où tu sortais tout ton argent.
    - J'ai un bon banquier, répondit évasivement Pitberg.
    - J'espère qu'il aime le risque.
    - Il adore ça, fit Pitberg avec un autre petit sourire glacé.
    - Ne souris pas trop, ça te donne un air de croque mort. » Il marqua une pause. « Et bien ce fût un plaisir de ne pas te connaître et de ne jamais t'avoir vue, dit Ralf en guise de salut.
    - Heureux que nous nous comprenions. »

    Une foi qu'il eut salué le propriétaire du Chat Noir et son chien, Pitberg sortit dans la rue. Son costume noir et son manteau noir lui aussi, tombant à partir de la taille, couplé avec un chapeau haut de forme également noir, lui donnaient un air de corbeau aux yeux tristes. Il marcha d'un bon pas vers une station taxi toute proche, fuyant ainsi la pluie abondante et drue qui s'amassait dans le ciel, au point d'en occulter le soleil.


    *****


    Le réseau de taxi du Sanctuaire était un des rares services qui fonctionnaient encore correctement. Sans doute parce qu’il était totalement automatisé.
    Il était composé de deux niveaux, un sous terrain avec des routes totalement dégagées, légèrement mises sous vide et un réseau à la surface avec divers stations d'arrivées, chacune disposant d'une réserve de véhicules. Les passagers des taxis pouvaient être maximum dix, ou quatre en fonction du véhicule. Quoi qu'il en soit, les voitures automatisées ne parlaient pas et les tunnels de la ville extérieur étaient sombres. Il y avait de quoi se sentit seul dans ces dédales poussiéreux où nul homme n'était jamais allé sans assistance mécanique.

    Durant son transit de quelques dizaines de minutes, Pitberg mit un morceau de musique et laissa simplement ses pensées dériver...



    *****


    Une bonne heure plus tard, au "Pictures Bar" - qui ne cessait de changer de nom - Pitberg entra sans frapper, tout dégoulinant de pluie. Il se trouva face à une scène peu commune. En effet, un homme – un client du bar sans doute – était allongé sous une des tireuses du bar qui était, semble t-il, en train de tirer sa bière abondamment. L'homme ne pouvait tout boire alors une bonne partie de la bière passait non pas dans la bouche, mais à coté et dégoulinait généreusement sur le plancher tout en faisant de la mousse.
    « Il y à quelqu'un ? »[/color] lança Pitberg d'une voix sonore sans quitter des yeux l'étrange scène qui se jouait devant lui.

    La pièce semblait assez miteuse. Des cartons de partout, quelques tables peu utilisés et certainement pas nettoyés, quelques tabourets et pour finir, trônant face à la porte le zinc du bar avec, juste derrière, une collection copieuse de divers alcools et un sac de farine blanche (?). Il y avait deux portes... ou plutôt deux entailles dans les murs laissant d'étranges passages dans les flancs de la salle. Disons que c'était des portes sans portes, les gongs rotatifs esseulés et misérables. Un type surgit d'une des ouvertures. Il était grand, maigre, au visage cubique, portant des vêtements dans une sorte de toile à la couleur proche de celle papier kraft. Il avait un chiffon huileux qui pendait d'une de ses poches.
    Il fondit vers le bar et ferma la tireuse, tout en pataugeant dans une bière jaunâtre. Le regard qu'il accorda à Pitberg fût soupçonneux, presque lourd de reproches.

    « Qu'est-ce que tu fais ici ?
    - Bonsoir.
    - Je t'ai demandé ce que tu foutais là.
    - J'ai besoin de renseignements.
    - Et bien renseigne toi mais fout moi la paix.
    - Tu as le renseignement en question.
    - Ah oui ?
    - Toutes les maisons d'oisiveté de la ville extérieur ont un rapport quelconque avec la mafia. Ou du moins, une des mafias.
    - Qu'est-ce que ça peut te foutre ?
    - Tu tiens à fermer boutique à ce point ?
    - La Lune se lève.
    - Je vois. Qui t'as aidé pour obtenir la licence ?
    - Herbert Birlan. 479 Rue des Xilos. Maintenant fiche le camp ! »

    Et Pitberg ficha le camp, en laissant tomber une carte de dépôt bancaire que personne ne se soucia de ramasser.


    *****


    Birlan avait l'air d'une outre. Plein de vin et de victuailles, il agitait ses petites mains pour élargir encore son capitale gastronomique qui se dissolvait gaiement sous un nappage de sucs gastriques. Ses mains tremblaient. Il semblait bouffi et usé par l’insomnie. Ses yeux s'agitaient, semblaient essayer de trouver une issue ou un piège quelconque, ou encore un être maléfique tapit dans l'ombre de l'angle mort de ses yeux voilés.

    Pourtant le danger était clairement identifié. C'était l'homme en noir, face à lui. Juste de l'autre coté de la table, une arme à feu posée ostensiblement face à lui. Il semblait curieusement calme et tranquille. Comme si ce qui allait se passer avait déjà était écrit, où plutôt, comme si cela n'avait pas d'importance. Pitberg était donc là, enfoncé dans son fauteuil comme un juge du haut de son honorable chair, non pas pour prêcher la justice, mais pour se repaître du récit de l'injustice que nul greffiers où nul historien ne prendrait jamais en note, comme si cette déposition magistrale ne concernait au final que quelques misérables. Mais ni les greffiers, ni les historiens, ni les juges, ni les misérables ne surent jamais rien de ce qui fût dit. Notamment ce que dit Herbert Birlan, chef de file de la Lune sur le territoire des Domaines d'Ossus :

    « Oui oui... arrête de me poser des questions avec ce regard de truie infanticibilisable. » disait Birlan dans un de ces dodelinements de têtes erratiques provoqués par l'insomnie, l'alcool et le rejet de soit. « J'ai effectivement fais poser cette foutue bombe. Et alors ? » D'une main tremblante, il vida son verre de vin et n'eut pour toute réponse que le lourd silence de son interlocuteur. Alors, toujours en s'agitant fébrilement sur son siège gémissant, il reprit :
    «  Mais tu ne comprend donc pas ? Pourquoi personne ne semble vouloir comprendre ? Cette fille allait mettre un terme à nos affaires... et mettre un terme à tout ce que nous voyons. Elle allait tuer les Domaines Pitberg. » Il marqua une pause pour contempler le messager de sombre augure qui se tenait face à lui. Un soupir. « Tu ne m'aime pas. Tu ne m'as jamais aimé depuis le jour ou je t'ai fais rentrer... et bien avant. » Encore un soupir et une légère agitation. « Bon, puisque tu va m'occire autans tout dire hein ? » L'autre appuya sa tête sur ses deux paumes et se tapota les joues avec ses doigts, en égrainant les secondes. Birlan dégluti et poursuivit sa pathétique tentative de rachat : « Je ne pense pas qu'un gars des colonies extérieurs sache grand chose de ce qui se passe ici. Tu sais, connaître les rouages est utile, mais connaître leur histoire c'est vitale. Pour savoir dans quel sens ils tournent, pour qui ils roulent, faut déjà savoir d'où ils sortent. » Birlan fît une pause pour reprendre son souffle et ingurgiter du vin à nouveau. « Je pense que nous avons fais une erreur. Nous avons été contre la nature même de ce tas de mensonges et d'illusions qu'est notre "beau pays". » Son regard semblait essayer de se fixer, mais sans résultats probants. « On à tué l'état, les traditions et plein d'autres choses... qui faisaient notre âme commune. On est dans une coquille sans âme et son se tortille dans ses abats froids pour en avoir la plus grosse part. »
    - Dans ce cas, pourquoi ?
    - Parce que c'était une erreur ! » fit l'autre en bondissant presque au sein même de son corps graisseux. « La nation était déjà plus bancale que Ducale... et en faisant certains trucs que tu sais bien... » Il essaya de se redresser péniblement. « On à fait chavirer la barque. » Il renonça à se redresser et s'enfonça encore plus dans son fauteuil. « Faire renoncer le capitaine à faire son job c'était rudement profitable. » Il soupira. « Fallait juste arroser les bonnes personnes au bon moment. Mais les marins se sont battus comme des rats et se n'ont pas eu la décence de s'entre tuer. Au lieu de ça, ils ont saccagé le navire. Et il chavire. » Il se versa encore du vin dans la pense. « Je t'lai déjà dit ? Je sais plus. On à tué ce qui nous faisait vivre... »

    De l'état d'outre, Birlan était passé à celui d'éponge transparente qui s'agitait dans un monde d'incohérence vineuse. Il avait maintenant totalement perdu le sens de la réalité et ne parlait plus qu'entre deux râles, s'agitant plus fébrilement encore, il semblait étouffer, exulter, expirer, soupirer, gémir et en fait, mourir en même temps que son interlocuteur semblait peser le pour et le contre de ce qu'il ferait du pitoyable ponte graisseux et vinasseux qui jouait une drôle de scène devant lui. Pitberg le regardait de plus en plus circonspect.
    « On à fait rentrer Opale sous forme de banque. On à défoncé la porte de derrière et pof ! Dix mille Zircans d'investissement et on avait tout. L'eau, le fric, les flics, les transports... » Ses yeux brillaient. « J'ai gagné plusieurs millions de Zircans avec cette connerie. » Il renifla son vin. « J'ai fais tué plusieurs milliers de personnes pour ça. » Il jeta son verre par terre. « De toutes façons, les Aeons débloquent tous au bout d'un moment hein ? Alors fallait flinguer la fillette. » Il avait les larmes aux yeux en regardant son verre brisé sur le sol. « Elle allait faire donner le troupe et tous nous passer en cours marzial. » Il eu un hoquet de douleur, sans quitter son verre des yeux. « Elle allait faire fusiller des tas gens... et moi avec. Et toi avec. Et allait faire raser la ville ! Ma ville ! » Il s’agita dans des mouvements de bras héroïques. « Elle allait faire des élections la garce ! » Il secoua sa tête comme un maracas et resta muet les yeux déments et toujours injectés de sang.

    Le son d'une détonation de revolver mit fin à ses mouvements erratiques.
    Ossus
     

Mer Sep 24, 2014 1:04 pm

  • Un historien zézayant aurait dit un jour que les Domaines d'Ossus ont été fondés par des hermaphrodites. Si cette thèse fût largement démentie, elle n'en reste pas moins intéressante, en un certain sens. Au fond, que sommes-nous ? Aux frontières des corps, des pensées et des consciences, les mots perdent leur force et cèdent leur place aux émotions et aux ressentis, que les mots ne parviennent d'ailleurs qu'à transmettre très imparfaitement.
    Mais revenons-en à la fondation, ou plutôt aux refondations en ce qui concerne les Domaines. Oui, ces réécritures et trucages éhontés de l'histoire dont le cynisme nous pousse à ignorer qui en ont été les acteurs, parfois même à nier leurs existences, alors que d'autres fois on les déifie. Une bipolaire avenante devient Lianne la Magnifique ou une autre chose du même genre, et les petites mains du succès dont les noms passent à la trappe n'existent plus que dans quelques registres oubliés, si tant est que quelqu'un se soit donné la peine de faire lesdits registres et que le reste de l'humanité ait pris la peine de les oublier.
    Mais peu importe : le monde tourne ainsi.

    L'histoire est faite par des hommes et des femmes vivipares en proie aux joies et aux peurs de tous les autres hommes et femmes. Les surhommes ou surfemmes n'existent pas. Les gens les plus grands sont parfois les plus bas et les plus vils. Les mérites et les médailles sont un peu trop souvent décernés aux imbéciles, tandis que les braves gens avisés se tiennent à l'écart de la comédie qui se joue sur la rampe, où chaque acteur se soucie plus d'aiguiser son poignard que son esprit. Les Domaines d'Ossus tournent ainsi.
    Ceci dit, même dans les pires endroits, les miracles arrivent. Un peu à la manière des fientes de pigeons qui tombent, et, s'écrasent ensuite avec toute la grâce dont elles sont capables sur une route pavée de pierres noires.



    *****


    Créon est lui aussi un homme vivipare avec en prime un intestin de huit mètres cinquante de long. Il a fait des études générales et cet Aeon a fini comme Opérateur Coordonnant de quelque service comptable. Une vie sans histoires autre que celle de la mort d'un ses amis et puis, pourquoi pas, son lignage qui, grâce à des détours douteux, a fait de lui l'héritier d'une famille exsangue. La vie peut être cynique. Certaines choses infamantes, comme des noms ou des charges héréditaires peuvent vous tomber dessus simplement parce que deux personnes du sexe opposées ont eu l'idée - bonne ou pas - de copuler. Où est le libre arbitre dans cette histoire ? En tous cas c'est ce que se disait Créon. Sans cesse. Cet événement assez... emmerdant, il faut tout de même dire le mot, lui était tombé dessus comme... une fiente de pigeon - d'où l'emmerdement.
    Le plus drôle dans cette affaire, c'est qu'il n'y avait rien à préparer pour accéder au pouvoir, pas même son discours. Le pouvoir, dans presque toutes les cultures, est une religion. Souvent, il s’institutionnalise, se dogmatise, se normalise. Les palais deviennent des temples où chaque opérateur prend bien sagement sa place et agit en conséquence. Créon allait prendre place dans un siège encore chaud. La continuité. La stabilité. Une véritable monomanie pour les Domaines et ce depuis le premier Aeon. Cela faisait quoi maintenant ? Mille ans ? Par là. De toutes façons, comme plus personne n’a idée de la fondation originelle desdits Domaines, à la lointaine et floue époque où ils portaient encore le blason Thelios, il est de coutume de dire que les Domaines ont mille ans. Et dans mille ans, ils les auront toujours !
    Enfin.

    Ceci dit, presque par un besoin de décence pour briser la nonchalance oppressante d'un tel héritage, Créon a décidé de faire des choix qui, de toutes manières, étaient déjà faits d'avance. Il connaissait vaguement un bureaucrate de "confiance", Fritz Spoal et il s'est reposé sur lui et le fils de l'ancien Grand Chancelier pour se "préparer". Fritz aux archives et Grand Coordinateur, Erias Torn Junior Grand Chancelier et, pour finir, Créon en haut. Tout en haut. Si haut qu'il en perd l'équilibre.



    *****


    C'est drôle. Je ne sais pas ce qui me prend comme ça à avoir envie de vous parlez. Bien sûr, je vous parle depuis le début et, qui plus est, cet aparté ne va pas changer grand chose puisque je ne vais rien dire d’intéressant. Ceci dit, ne pensez vous pas que cette histoire, tout ordinairement extraordinaire quelle qu'elle soit doit quand même surprendre quelqu'un ? Enfin, au moins une personne que cela va interpeller, qui va s'identifier... Mais si seulement quelqu'un avait connaissance de ce que je raconte ! Mais bon. Autans continuer ce que j'ai entrepris.


    *****


    Le gars était là, en face du bureau de Créon, ce dernier étant assis, presque sur le bord de son fauteuil, les coudes sur le bureau, son menton dans les mains et le moral dans les chaussettes. Le "gars" était un triste technocrate, engoncé dans un costume tout de noir, au ton morne et didactique. Le somnifère parfait. La caricature parfaite aussi. Il parlait de l'écoulement des eaux usées qui posait quelques problèmes dans la cité extérieure à cause de gangs qui avaient dressé des barrages dans les égouts pour stocker des armes, de la nourriture et diverses autres choses. L'affaire était ridicule en fait. Mais narré par ce triste Nicolas Assainit, ce ne l'était pas, on aurait presque cru que c'était sérieux et d'une importance capitale. Peut être même que la survie de la nation en dépendait, alors, luttant comme le sommeil on écoute comme ça et puis...
    Un soupir. Que faire ? Que lui dire ? A peine quelques jours et le nouveau Duc avait déjà envie de se pendre. Entre ce genre d’individus, les clampins serviles et autres sycophantes niais et insupportables, il y avait matière à faire un petit génocide. Peut être même que balancer tout ce beau monde dans un soleil ou sur une planète tellurique en fusion, ou gelée encore, peu importe, serait hautement instructif et ferait avancer la science vers des horizons nouveaux !
    En tous cas, cela permettrait à Créon d'avoir une santé mentale légèrement moins bancale.


    Comme à son habitude, le nouveau Duc congédia ces sycophantes infernaux aux doigts crochus (des lutins peut être ?) et resta seul, sans avoir songé à donner un ordre concernant le problème afférant. Des dossiers, ridicules ou importants, s'amoncelaient ainsi et attendaient d'être traités.
    Que faire ? Que dire ?


    Ce qui est certain, c'est que dans un coin du bureau de Créon, une lueur d'un bleu gris luisait faiblement, comme hypnotique. Le réseau Magister, cette IA chargée de « porter la volonté du souverain » avait été remise en service. Ou plutôt on l'avait de nouveau rendue accessible car dans les faits, personne ne savait comme désactiver Magister. Mais peut importe. Ses interfaces étaient de nouveau disponibles. La ville s'était remise à frémir légèrement avec une certaine fièvre moite et, on ne savait pourquoi, il y avait un sentiment général d'attente de lassitude et de vacuité, un spasme étrange flottant dans l'air et se propageant de personne à personne, un peu comme un feu follet doué d'une volonté propre court d'un buisson à l'autre.

    Au plus profond du Sanctuaire, sous des centaines de mètres de terre et de structures composites, en vase clos, un ''œil'' plus semblable à un prisme de saphir s'agitait et revivait de nouveau. Magister était bel et bien de nouveau actif pleinement, quand bien même il n'avait cessé d'observer, gardant une main invisible et flasque sur tous les systèmes de la ville et parfois, il faisait infléchir certaines choses dans un certain sens. Effaçait certaines lignes de codes dans un certain but et laissait vagabonder certains programmes dans une certaine lubie, un peu comme dans ces histoires anciennes portant sur les fantômes dans la machine. Mais toutes ces histoires datent de la guerre d'indépendance, la lutte contre la république tout cela. C'est loin vous savez. Une époque où les machines, alors aussi intelligentes que des pommes lunatiques passèrent tout d'un coup à un stade bien au dessus. On les regardait soudain avec une sorte de vénération.

    Mais Créon ne regardait pas l'interface Magister présente sur son bureau avec cette crainte et cette vénération qu'avaient eu d'autres avant lui. Il la regardait avec une franche indifférence en fait. Il ne la voyait pas et essayait de se dépatouiller d'une myriade de problèmes en mêmes temps. Un peu à la manière d'un trafiquant d'influence traître à la patrie exilé fiscal qui a la bonne idée de plaider coupable.

    Puis il y eu comme une connexion.

    Nul ne sait ce qui se passa vraiment durant cet instant fatidique, quelle pensée étrange, quel déclic passa, quelle fusion eu lieu, mais ce qui est certains, c'est que les yeux de Créon prirent une teinte blafarde, presque vitreuse et opaque, illuminés par une lueur étrange semblant provenir du fond des âges, ayant en elle quelque chose de primaire et raffiné à la foi. Il avait touché par sa pensée à ce fruit interdit qui était là, disposé en évidence au milieu de la rumeur cacophonique de l'immense champ. Il avait beau être seul dans son bureau, sous son regard, ce dernier semblait grouiller et s’animer de mille feux follets fantomatiques. N'était-ce pas Aeon I, ici, qui faisait les cents pas ? Et là ? Le neveu de ce premier des Ducs, Aeon II, qui joue aux échecs seul contre lui même ou un ennemi imaginaire, à moins que cela ne revienne au même, tout en jouant de la main avec un vieux médaillon d'étain, vide. Soudain, Lianne Iere passe au bras d'Oreste, le seul homme qu'elle aura jamais aimé mais qui ne l'aura hélas, malgré tous leurs efforts, jamais comprise. Il y avait là cinq personnages d'une tragédie s'étalant sur siècles et millénaires poussiéreux, personnages aux yeux hallucinés et fiévreux, tremblants et durs à la foi. Dans cette nuit où de terrifiants borborygmes roulaient le long des murs, se glissant sous le plancher, se faufilant entre les tapisseries, tout était pourtant d'un silence assourdissant, et la nuit grouillait de mille choses fantasmatiques, sifflantes et feullantes, dans cette nuit, où le temps semblait enchâssé dans une clarté noire et où le trouble de la vision semblait montrer un lieu illuminé par une lumière blanchâtre et sale, dans cette nuit, enfin, où une lune verdâtre qui n'était pas là et ne le serait probablement jamais trônait haut dans le ciel déchiré ouvrant ses entrailles vers l'espace froid infini, dans cette nuit, tout était clair.

    Sa pensée déferlait comme un flot d'idées incontrôlable et qui, jadis fin ruisseau insaisissable, était devenu torrent mortel, semblant vouloir le noyer et l’embraser en même temps d'une sorte de sentiment étrange, étrange au point d'en troubler sa vue et d'accaparer tout son être.
    En cet instant, soudain, tout était clair. Puis, tout s’évaporait et laissait un sentiment de vacuité, de froid et de peur.

    Des idées, comme autans de vendeurs d'assurances assoiffés, venaient se bousculer pour hulrer, toutes contradictoires et complémentaires. Créon n'était plus qu'une limace grise torturé par de multiples sitimulis extérieurs, tandis que les pages blanchâtres du livre s'ouvrait déjà et tournaient à l'infini...



    *****


    Les Domaines ont toujours eu une sorte de tradition... Humaniste. Disons un respect pour la vie en tout cas. Les Domaines à l'origine c'est quoi ? Un agglomérats de barons locaux qui ont désignés un roi, puis ce roi est devenu un Duc pour rester à la mode. Après cela, un bref passage de quelques 300 ans dans une république, et on rechange, on passe à l'empire, puis Domaines c'est à dire, case départ.

    Après les attentats dits « De la Rue Lourde » et la mort de la Duchesse Lianne d'Artois ainsi qui de son époux, le Duc Oreste, un comité s'est réuni il y un mois pour désigner un nouveau Duc. Ce dernier est en fonction depuis environ trois semaines. [...] Le Duc Créon à annoncé à cette occasion que les Domaines d'Ossus étaient dissous et unifiés au sein d'un seul et même duché. Cette réformette peut paraître anodine mais... [...]. Il a été également annoncé que la flotte ne serait plus sous responsabilité détachée. En clair, elle est désormais sous les seuls ordres du Duc et... [...] Les émeutes sur Halis suite à la fondation du mouvement du "Retour des grandes Brassica Oleracea" ont été résorbées le plus pacifiquement possible, même si quelques victimes parmi les plus fanatiques sont à déplorer.[...] La Fondation d'une corporation commerciale sous responsabilité du Duc qui aura le titre de grand coordinateur a été fondée. Son nom reste encore au stade d'étude mais certaines bruits circulent concernant les nominations aux différents postes clefs et les organigrammes, ainsi que les objectifs se précisent. [...] La dissolution des derniers vestiges d'institutions parlementaires a été effective hier. [...] Le Haut Chancellier Erias Torn a été retrouvé décédé dans des circonstances suspectes. Il à été remplacé derechef par l'honorable Fritz Spaol.

    Le réseau Magister, secondé par divers IA dont les « OTI » ont prit en charge à la place des divers organismes humains la totalité de la gestion de la cité du Sanctuaire. Des égouts, entre autres, ont été purgés et les droïdes para -militaires de maintien de l'ordre ont été remis en service. Une toute nouvelle IA du nom de Nastresis a été mise en service et se chargera de tout ce qui concerne l'armée.
    Rassurez vous, tout est sous contrôle.
    Tout est surveillé et calculé. Les bandes passantes sont à peine utilisés. Vous n'avez pas à vous inquiéter le moins du monde. La situation est sous contrôle. Les aléas sont désormais inacceptables, vos erreurs sont prévues et ne pas les commettre serait un horrible crime. Vivez et interagissez, vous êtes mirés dans votre propre reflet.


    *****


    Il ne nous reste qu'à nous draper dans l’ennui et l'incertitude, s'inquiétant et se rongeant, laissant la folie grouiller, s'isolant et se questionnant sans cesse pour l'absurdité des choses qui ne nous comprennent pas et que nous ne comprenons pas, tandis qu'une sourde et lancinante panique nous guette. Au diable l'espoir.
    Ossus
     



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