Station Diplomatique Centrale, secteur thélios.Une sonnerie cristalline retenti dans la rame, indiquant que le monorail était arrivé à son terminus. L'Ambassadeur Reiw se leva, referma sa veste, et descendit de la voiture, sans se presser – comme à son habitude. Il s'arrêta quelques instant devant un plan des environs, cherchant son chemin, et reparti de son pas traînant.
Enfin, il fut en vue de son objectif. La coursive n'était pas différente des autres, quoiqu'un peu plus large, mais les grandes portes ouvragées aux battants frappés du sceau de la RPSS révélaient la véritable nature du bâtiment. L'Ambassadeur remarqua qu'on le scrutait depuis l'autre côté des fenêtres, et s'amusa du regard paniqué qu'eurent ces observateurs lorsqu'ils remarquèrent le blason confédéral brodé sur son pardessus. Il s'abstint de presser le pas, laissant le temps aux commis diplomatiques de s'adapter à son arrivée impromptue.
Il passa la double porte, se retrouvant dans un hall majestueux bien que sobre. Le sol était dallé avec une pierre probablement typique de Serena, admirablement bien polie. S'avançant vers le comptoir, il ne put s'empêcher de remarquer les regards étonnés que son passage soulevait. Il s'identifia, et on lui indiqua la salle de réunion. L'Ambassadeur fut agréablement surpris, en rentrant dans celle-ci, de voir que des tentures aux couleurs aussi bien républicaines que confédérales avaient été tendues aux murs.
Un homme portant une toge d'une blancheur immaculée, qu'il identifia comme étant l'Ambassadeur Braetus, l'accueilli, et lui proposa de s'installer dans un fauteuil d'aspect confortable. Reiw s'exécuta, non sans avoir pris la peine d'enlever sa veste.
«
C'est un grand honneur, Monsieur l'Ambassadeur, de vous être déplacé jusqu'à nous », attaqua le le représentant Sérenaen. Il attrapa la théière qui était posée sur la table, embaumant la salle de délicats parfums. «
Vous prendrez bien un peu de thé ? ». Reiw acquiesça, et, lorsque la tasse fut remplie de cet odorant breuvage, la porta à son nez afin d'humer le contenu. Vanille, cannelle, et une odeur qu'il ne parvint pas à déterminer. Il commença à boire son thé à petites gorgées, tandis que son hôte poursuivait. «
Mais, je vais vous laisser m'exposer la raison de votre venue.- Merci. Je tiens d'ailleurs à m'excuser pour cette arrivée quelques peu cavalière », répondit le batuléen, «
mais votre message m'a suffisamment intrigué pour en oublier le protocole. »
***BCS Archiduc Canard IX
, destroyer lance-missiles de classe Oméga, immatriculation DDG-47119. Couche êta de l'hyperespace, cap Ouest-Nord-Ouest galactique.Le Capitaine Ulen fixait l'écran de sa console d'un air abasourdi. Comment pouvait-on être aussi... inefficient ? Et cette capitaine Tollenko, ne lui avait-on point appris les vertus du Renseignement ? Certes, espionner des puissances alliés n'était pas la chose la plus élégante de l'univers, mais toutes les forces armées dignes de ce nom y recouraient d'une façon ou d'une autre. Et quand ces missions étaient découvertes, un simple retour à la maison assorti de quelque rhétorique pour l'image faisait largement l'affaire. Nul besoin de ce non-sens de prise d'otage.
«
Capitaine ? » demanda le radio, «
Une réponse ?- Pas la peine », soupira Ulen. «
Nous avons déjà été abondamment clairs sur nos positions. Ils savent à quoi s'attendre ». Il se tourna vers le barreur. «
Maintenez le cap actuel, je veux être sur Dyton le plus tôt possible ». Il resta coi quelques minutes, essayant de trouver comment gérer la suite des événements. Le silence du Central Opération, alors uniquement couvert par le bourdonnement des systèmes de survies, fut interrompu lorsqu'il s'adressa une nouvelle fois au radio. «
Appelez l'Adamantin. Je prendrais l'appel depuis la salle de conférence. Radler, vous avez la Passerelle ». Il quitta son fauteuil, se dirigeant vers l'écoutille.
***TessiaIl n'y avait bien évidemment pas de hublots dans la navette de descente, mais un écran rediffusant ce qu'il se passait à l'extérieur – en l'occurrence, les flammes d'une réentrée atmosphérique. Elona Tremaine était sanglée dans son siège, encadrée par les deux militaires de l'Aube. On ne lui avait pas dit précisément où elle était conduite, si ce n'est une vague indication à propos de "là-bas". Elle restait fixé sur le défilement orangé qu'affichait son écran, perdue dans ses pensées, interloquée par le traitement qu'elle recevait. Elle s'était attendue à être considérée sans ménagement, telle une prisonnière de guerre... et pourtant ses hôtes semblaient la traiter en temps qu'invité.
Étrange, se dit-elle,
ces gens ne semblent avoir aucune consistance. Enfin, c'est pas la même culture, comme on dit.Le bruit des rétrofusées se tut enfin, sans que Tremaine n'ait pu identifier où ils s'étaient posés. De ce qu'elle avait pu en voir, cela ressemblait plus ou moins à une vaste île artificielle. Elle se désangla, se leva, arrangea son uniforme, et attendit qu'un des membres d'équipage ouvrit la porte pressurisée. Descendant les quelques marches métalliques de la rampe d'accès, elle nota qu'ils se trouvaient dans un hangar des plus classiques. Un autre homme en uniforme l'attendait. Elle fut conduite dans une antichambre faiblement éclairée, décorée avec soin. Devant elle se dressait une porte faite dans ce qui semblait être une sorte de bois, chargée de bas-reliefs contant l'histoire de Tessia. Le but était clairement d'éblouir le visiteur. Et bien, qu'à cela ne tienne, elle aussi allait impressionner... quoique ce soit qu'il y ait derrière cette porte. Elle vérifia une dernière fois sa apparence dans un miroir – placé dans un but purement artistique, se dit-elle – et salua par réflexe son reflet, celui d'une femme blonde, un peu plus petite que la moyenne confédérale. Son uniforme de cérémonie, d'un noir aussi profond que l'espace, était composé de chaussures bases vernies, d'un pantalon ajusté, et d'une tunique descendant à mi-cuisse. Cette dernière était assortie de deux séries de boutons dorés timbrés d'une ancre et de la mention "Flotte Confédérale", l'une décorative et l'autre permettant de fermer ce haut sur le côté droit. Un ceinturon accompagnait l'ensemble, lui aussi noir bien que relevé d'une plaque-boucle aux armes du bâtiment sur lequel la Capitaine servait – le
Khilkorann, en l'occurrence. Sur les manches de sa tunique, une série de bandes – une large dorée, une mince dorée, une mince argentée formant une boucle – indiquait son grade. Ces bandes étaient reprises sur les galons d'épaules. Le col, montant, portait sur la fermeture deux insignes en forme de barre à roue, symbolisant son cursus de manœuvrier. Elle portait, sur la poitrine gauche les décorations qu'elle avait obtenu, breloques aux rubans de couleurs – indiquant aux personnes familières avec la Flotte que la Capitaine Tremaine était récipiendaire des Médailles du Service Vardenois, du Service en Verdon, de la Campagne Antipiraterie, de l'Accomplissement Interarmées ; du Sextant de Platine ; des Rubans d'Efficacité d'Escadre et de Bâtiment, de Préparation Opérationnelle. Enfin, elle était coiffée par une casquette dont le dessin n'avait pas changé depuis les temps de la Marine Océanique, pourvue d'une visière enduite noire et d'une coiffe blanche – privilège des officiers commandant un bâtiment – assortie d'un macaron représentant une épée posée sur une spirale symbolisant la Galaxie.
On lui fit finalement signe d'enter. Tremaine passa la porte, pour se retrouver dans une vaste de salle de réunion, aménagée sobrement. En son centre se trouvait une grande table circulaire, entourée de fauteuils simples. Devant chaque assise était placé un écriteau précisant le nom et la fonction de la personne installée là. Tout le monde n'était pas encore arrivé. Elle s'installa à l'endroit où le panonceau indiquait "Capitaine de Frégate Elona Tremaine, Flotte Confédérale Batuléenne, BCS
Khilkorann". Laissant errer son regard en un tour d'horizon, elle remarqua la présence du Princeps Maximus Routhos, qu'elle salua avec toute la rigueur militaire due à un homme de son rang, bien qu'elle ne soit plus très sûre de l'importance dudit rang. En tant qu'officier à bord d'un vaisseau amené à croiser en territoire thélios, elle avait reçu des cours sur les différentes nations du secteur, mais ne se souvenait pas des détails constitutionnels de chacune d'entre elles.
Serenea... République... Démocratique, fini-t-elle par décréter après avoir fouillé sa mémoire. Elle continua son tour de table, et son regard se posa sur l'homme en face d'elle. Elle n'eut pas besoin de lire l'écriteau pour savoir d'où venait l'homme, et quelle était son ascendance. Ces yeux... Ce vert profond, nuancé de quelques reflets gris... Un Daventi. Peu de personnes, hors des Domaines, auraient été capable de reconnaître un tel individu du premier coup d’œil, mais elle avait, quelques années auparavant, lors d'une permission sur la Station Unité, eu une aventure avec un représentant de l'illustre famille Ylnarienne. Un fort bel homme au demeurant, bien que foncièrement orgueilleux, sans cesse à se vanter de son lignage. Elle lut tout de même l'indicateur. "Nyraél Daventi, Duché Central d'Ylnaria". Elle avait vu juste. Elle le salua d'un léger signe de tête, auquel il répondit par un geste tout aussi discret. Un silence gêné planait sur la salle, en attendant que tous les invités arrivent.
*** «
Vous vous fichez de moi, Capitaine ? ». Le ton du Commodore Borodin, Commandant du Septième Détachement à la XIIème Flotte, était sec, tranchant, traduisant le considérable agacement que lui causaient les nouvelles apportées par Ulen. En plus de lui-même – confortablement installé sur l'
Adamantin, son vaisseau-amiral – et de ce dernier, le Capitaine Forsen était également présent, de par son rôle de commandant de l'escadre. Les trois hommes étaient réunis autour d'une même table par la magie de l'ansible et des hologrammes.
«
Hélas », répondit l'intéressé, «
si seulement !-
Que vous ayez été découverts est déjà passablement grave en soi, bien qu'excusable étant données les circonstances. Mais ça », s'exclama-t-il en désignant l'affichage central où défilaient les dernières images en date du
Khilkorann, «
ça ! Ça ne l'est pas ! Un échange de tirs avec une puissance alliée, bon sang !- Hum », intervint Ulen, «
il ne s'agit pas exactement d'un échange de tirs, dans la mesure où eux seuls ont ouvert le feu. Nous n'avons pas lancé un seul missile ». Borodin ne répondit pas immédiatement, perplexe.
«
Mais enfin, pourquoi auraient-ils fait ça ?- Apparemment, ils considèrent la présence d'une mission de Renseignement comme un casus belli.- Mais... » Le Commodore était pour le moins interloqué. Qu'une nation ennemie, dont les relations fussent tendues depuis des années, considère de l'espionnage comme un motif suffisant pour faire parler les armes, cela se concevait, comme l'apex d'une longue escalade. Mais ouvrir le feu à partir de rien, voilà qui était pour le moins inattendu.
«
Ne cherchez pas, nous non plus n'avons pas compris. Il semblerait qu'ils n'aient pas bien digéré le départ de certains de nos bâtiments », lâcha Forsen en ayant deviné à quoi pensait son supérieur.
«
Procédure standard Oscar-November ?- Cela même.- Moui, tout le monde n'a pas la même rationalité sur la retraite », constata Borodin en haussant les épaules.
«
En tous cas », poursuivit Forsen, «
le Khilkorann est coincé là-bas, à titre d'otage. D'après ce que nous avons pu monitorer depuis notre planque, il est possible qu'ils le laissent partir après que la Capitaine Tremaine aie assisté à... une sorte de... réunion.- De réunion ? », demanda Borodin en haussant un sourcil.
«
Affirmatif. Nous ne sommes pas vraiment sûrs de la nature de la chose, ni des... invités.- Je vois. Nous ne pouvons rien y faire, de toutes façons. - En effet », avoua Ulen. «
Il ne nous reste qu'à attendre, et voir comment... »
Une alarme retenti dans la salle virtuelle. Forsen, dont le vaisseau était physiquement sur place, fut le premier à réagir.
«
Et bien, ce ne fut pas long. Quarante vaisseaux viennent de sortir d'hyperespace », ajouta-t-il devant le regard interrogatif des autres. «
Frégates d'escorte de modèle standard... melrehn.- Fascinant », réagit Ulen.
«
Ce n'est pas tout ! Non contents d'être melrehns, ces vaisseaux sont surtout Obscurcis ». Divers cris de surprise ponctuèrent cette annonce. Forsen poursuivi. «
Attendez, ils émettent sur bande large... Tout le système a dû recevoir ça », ajouta-t-il en diffusant le message. Tous en restèrent coi. Le Commodore Borodin repris le premier.
«
Et bien... Il faudra que j'envoie des remerciements officiels à leur hiérarchie.- En effet », surenchérit Ulen. «
Mais dans la mesure où ils ont déjà transféré Elona "là-bas", ça m'étonnerait qu'ils acceptent de la laisser partir sur le champ. - Ils sont même capables d'inviter ce Commandant Terrak à leur "surprise-party" », ironisa Forsen en dessinant les guillemets d'un vague geste de la main à mesure qu'il parlait.
«
Je n'en doute pas un instant », répondit Ulen.
«
En tous cas, Capitaine Forsen, gardez l'oeil ouvert. La situation va devenir... intéressante », conclu Borodin.
***[HRP]Quelques images pour vous aider à représenter la tronche de l'uniforme ^^ J'ai pas encore eu le temps – ni les capacités, à vrai dire – de faire de zolis dessins moi-même, mais disons juste que je me suis inspiré de ça et de ça.[/HRP]