L'avènement de la Méga-citadelle de Stauf

Présentation de personnages, d'alliances, dialogues et intrigues se passent ici.

  • *Interception d’un message prioritaire*
    *Début de Transmission*

    Journal du timonier Teddy, du vaisseau cargo Timeline
    Date stellaire : *Données Corrompues*


    Des étoiles naissent quand d’autres meurent.
    Des peuples émergent marchant sur ceux qui s’éteignent. Ainsi vont les choses et la seule valeur immuable est le temps.

    Temps … Temporalité …

    La temporalité est une notion. Et comme toute notion, elle diffère selon les points de vue, selon ce que l’on vie, selon ce que l’on fait, selon la personne avec qui on est. Certaines fois le sablier se bouche et ne laisse passer que quelques grains. D'autres fois il devient cylindre et laisse s'échapper tous les instants. Cependant, tout le monde est unanime : le temps transforme. Les animaux deviennent pierre, les hommes deviennent poussière, les paroles s'envolent, les écrits s'effritent et s'effacent et les sentiments s'oublient. Tout s'inscrit dans une spirale parfaite dont chaque anneau représente un fait, un événement. Qui se souvient du premier anneau ? Qui peut le reconnaître et dire qu'il est encore là ? Le temps transforme, le temps se transforme et nous n'y prêtons attention qu'à la fin...

    La fascination dont nous, ex-« citoyens déviants » des Dominions, avons fait montre pour les mécaniques complexes du Temps en général et des causalités en particulier nous a apporté souffrances, malheurs et mises au rebus. Cependant, malgré notre impiété pour la puissance des Dominions, nous étions moins brimés que la plupart des déviants. Nos avancées dans le domaine de la recherche temporelle nous ont même valu d’être considérés comme des citoyens de seconde zone et pas comme des esclaves. J’ignore comment cela se passe dans le reste des mondes régis par les Dominions. Sachez que là d’où je viens, de le monde froid et indécent qui m’a enfanté, certaines ethnies étaient plus brimées que la pire des vermines. Tout allait bien pour les citoyens lambdas et alphas. Mais dès que l’on vous classifiait comme déviant, selon vos centres d’intérêts, votre vie pouvait basculer vers l’enfer le plus horrible. Mes comparses et moi avions une fascination pour le Temps et donc par extension pour la vie, ce qui n’était pas du goût des pouvoirs en place, qui préférait la science au mépris de tout sens éthique.

    Nous avions décidé de nous soumettre, respectant la vie, le temps, leur valeur, leur saveur. Mais le gouvernement n’entendait pas laisser évoluer une ethnie si avancée. Une nuit, l’ordre fut donné d’organiser une grande rafle parmi les déviants de première zone, auxquels nous appartenions. Alors que les premiers d’entre nous furent emmener pour éradication, le capitaine Canisse organisa la fuite d’autant de monde qu’il le pourrait. Avec une poignée d’homme, il mit la main sur un cargo, le Timeline, dans un avant-poste qui offrit une âpre résistance. Lorsque nous nous mîmes en route pour les bas-quartiers de première zone, la plupart des nôtres avait été emportée par la milice du gouverneur local. Nous sauvâmes autant d’âmes que possible et prîmes la fuite sous les feux ennemis. Nous avons fui jusqu’aux confins du système mais cela n’a pas suffi. Un Porte-Nefs nous rattrapa près de la planète que nous avons baptisé Stauf. Sachant le vaisseau perdu, le capitaine décida de le faire évacuer sur le champ et de tenter une manœuvre désespérée.

    Une poignée d’hommes est restée pour l’épauler, et j’en fais partie.

    Nous avançons à vitesse d’éperonnage. Nous projetons le Timeline contre le Porte-Nefs. Mr Tinckles, nous vous laissons le reste.

    Chayanne, je ne pourrai te retrouver comme promis. Je pense à toi jusqu’au dernier instant.

    Je prie pour que cette manœuvre désespérée te sauve.

    Je t’ai-

    *Fin de Transmission*
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  • Journal du Lieutenant Tinckles.
    Aucune date Stellaire

    Je vois les marques du temps courir le long de mes tempes. J’ai les traits tirés par les événements difficiles que nous venons de traverser. J’ai l’air serein mais suis en réalité anxieux. Je doute de la possible survie des gens sous ma responsabilité. Je doute du discernement du Capitaine quant au leg de ses fonctions. Je doute enfin de moi, tout jeune Lieutenant jusqu’alors carriériste et naïf au point d’espérer pouvoir échapper aux vaisseaux des Dominions.
    Comment avais-je pu croire en une telle expédition ? Comment avais-je pu devenir stupide au point d’oser défier l’incommensurable pouvoir des Gouverneurs des Dominions ?

    Un bruit de pas me tire de mes rêveries. Je bois une gorgée de l’eau fraîche d’une rivière avant de m’intéresser à l’homme qui se tient derrière moi. Je tourne la tête vers lui mais ne le regarde pas vraiment. J’ai honte de n’avoir pas eu le courage de prendre la place de son frère dans la bataille qui se déroule loin au-dessus de nos têtes.


    - Qu’y a-t-il Monsieur Teddy ?

    - Je viens faire mon rapport comme vous me l’avez demandé, Lieutenant. L’établissement du camp de réfugiés est presque abouti. Nous avons réussi à tirer le maximum de la capsule de sauvetage pour nous alimenter en énergie pendant quelques mois. Cependant une faille dans un conduit de refroidissement a été détectée. L’ingénieur Michel préconise que nous stoppions le moteur de la capsule à raison d’une fois par semaine pendant une demi-journée. Ce qui veut dire que le camp sera sans défense l’espace de quelques heures une fois par semaine. J’ai donc pris la liberté de doubler la garde pendant la maintenance de l’appareil.

    - Bonne initiative… Autre chose ?

    - Oui, mon lieutenant. Il se pourrait que nous n’ayons pas les connaissances nécessaires pour établir autre chose qu’un camp de base. Nous pouvons télécharger les données autour des colonisations contenu dans les nanordinateurs de la capsule, mais il semble qu’elles soient limitées voire incomplètes. Je préconise que nous mettions à profit les quelques connaissances qu’il nous reste pour envoyer un message de détresse sans que les Dominions ne s’en aperçoivent.

    - Et pourquoi croyez-vous que l’on nous aidera ?

    - Au vue des relations peu chaleureuses que notre gouverneur tient avec le reste de la galaxie, il se peut que nous trouvions des partisans parmi ses détracteurs.

    - Je vois…


    Je regarde le jeune Teddy. Il ressemble à son frère. Sa droiture. Son esprit logique et ordonné, capable d’analyser toute situation dans n’importe quelle condition…


    - Permission de parler librement, mon Lieutenant ? me demande-t-il après quelque hésitation.

    - Accordée, vu que tu te sens si bridé dans ta prise de parole, dis-je d’un air faussement agacé.

    - Pour le bien de tous, il serait préférable que vous ne pensiez plus à la décision prise par mon frère et par le Capitaine. Je vouais la même admiration que vous à ces têtes brûlées. Mais ils sont morts et vous êtes vivants. C’est un fait et vous ne pourrez rien y changer. Ils se sont sacrifiés pour nous tous et il serait de bon ton de mériter toute l’attention qu’ils nous portaient.

    - Et bien pour de la liberté de parole, je suis servi. Rompez !


    Le jeune Teddy s’éloigne. Je crois voir son frère et le capitaine marcher à ses côtés. Non. J’en suis certain. Ce petit a de l’avenir et il pourrait bien surpasser ses aînés. Il est d’une valeur inestimable pour notre peuple. Je bois une dernière gorgée. Le reflet que je vois dans le mince court d'eau me fait honte. Où était passée ma fougue d’antan ? Je balaye l’onde et brouille cette image morne et livide.


    Je sors un communicateur et envoie un message.

    Je sais qu’il arrivera à destination.

    Je sais qu’une personne l’écoutera.


    Je me reprends à espérer …





    [HRP]Et cette personne l'a déjà reçu :wink: [/HRP]
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  • Journal du Lieutenant Tinckles.

    Date stellaire … Oh, et puis mince ! Nous avons eu une réponse ! J’ai beau observer une attitude sereine en entrant dans le bâtiment qui nous sert désormais de quartier général, je jubile. J’exulte, même. Contre toute attente, une réponse à nos appels à l’aide nous est parvenue. Nous venons de trouver des alliés… inattendus.

    Je presse le pas vers l’enclos réservé aux communications et à la collecte de données. Le temps presse et j’ai besoin de réponses.

    « Monsieur Teddy, crié-je, je veux tout savoir sur La Civilisation des Arts et Du Songe ! Leur fonctionnement, leur hiérarchie, leurs relations diplomatiques, tout ! Jusqu’à la couleur de la bure de leurs évêques !

    - Moi je suis d’avis d’accepter leur aide et de chercher qui qu’ils sont après !

    - Votre avis nous importe à tous, ingénieur Michel, soyez-en assuré… dis-je avec une pointe d’ironie. »

    Puis je me retourne vers lui, l’air intrigué.

    « Mais comment savez-vous que j’ai reçu une réponse à un message dont vous ignorez jusqu’à l’existence, normalement ? »

    L’homme rougit, ce qui lui donne passablement un air encore plus niais.

    « Ben… Y s’trouve que quand j’ai du temps pour moi… ben … on va dire que je traînaille un peu sur les canaux d’urgence, voyez ?...

    - Nous règlerons ça plus t-

    - J’ai vos informations ! me coupe Monsieur Teddy. Société matriarcale dont la politique est mené par une élite appelée Prophètes, eux-mêmes mené par la Grande Prêtresse, actuellement prénommée Néfersofia.

    - Bon je retire ce que j’ai dit… je veux bien connaître la couleur de leur bure…

    - Merci pour ce trait d’esprit ô combien constructif, ingénieur Michel. Monsieur Teddy, veuillez continuer !

    - Son titre complet est Grande Prêtresse de Muse et de ses filles …

    - Super, on va se faire racler le fondement par des gonzesses…

    - Sachez, mon cher philosophe à la clef de 12, que Muse est une planète et que ses filles sont les autres planètes du système. Continuez, Monsieur Teddy !

    - C’est une civilisation fondamentalement pacifiste. Les données que nous avons ne relatent d’aucune guerre ouverte dont elle serait l’origine. Leur but est de promouvoir, préserver et développer la Culture et les Arts sous toutes leurs formes. Ils possèdent l’une des plus importantes bibliothèques de l’univers. La dernière Grande Prêtresse a activement participé à l’atmosphère de paix qui a régné sous les Comptoirs de Talminore, une alliance dont l’objectif affiché était de protéger les plus faibles et d’aider l’univers à atteindre la connaissance et la paix. Mais l’organisation à sombré face à l’émergence du Culte de Nyx, premier ennemi notable de nos nouveaux alliés. Je note aussi quelques noms comme Krakken ou Seigneur Dohko mais les données sont illisibles outre-mesure et se présentent de manière aléatoire… J’ai même une recette de cuisine présentée par une certaine Xiang Xue…

    - Je vous ai dit de ne pas coupler le nanordinateur de collecte avec le nanordinateur de bords ! Mais vous voulez jamais m’écouter, à moi !

    - Mais si, Ingénieur Michel. Nous prêtons grand cas à vos recommandations ! Continuez, Monsieur Teddy.

    - Ils ont connu une sale époque quand seules Muse et Erato ont été épargnées des pillages. Et c’est à peu près tout, avec cette photo de la grande prêtresse.

    - Bien… Vos impressions ?

    - Ben je la mettrais bien dans mon lit !

    Je me frotte les yeux, l’air consterné.

    " Merci pour cette touche de poésie absolument nécessaire, Ingénieur Michel. Je suis sûr que notre nouvelle amie saura en apprécier toute la subtilité. Et si vous alliez faire l’inventaire de tout ce qu’il nous manque ? Cela stimulera peut-être le grand philosophe poète diplomate qui sommeille en vous ! "

    L’ingénieur part en bougonnant, les mains dans les poches et nous le regardons s’éloigner.

    « Parfois il me fatigue…

    - Il faudra vous y faire, Monsieur Teddy, c’est le meilleur ingénieur que nous ayons…


    - C’est le SEUL ingénieur que nous ayons…

    - Raison de plus ! Alors, qu’en pensez-vous ? Pouvons-nous aller plus avant dans notre prise de contact ?

    - Écoutez, d’ordinaire je vous dirai de vous méfier des papocraties. Cependant, j’ai plus l’impression que sous ces appellations solennelles se cachent plus un prétexte à la découverte de l’Autre. J’y vois plus des accompagnants spirituels que des guides…

    - Bon sang, Teddy, je comprends qu’elle soit jolie mais il va falloir décoller vos mirettes de son hologramme ! Comment une papesse peut-elle avoir pris le contrôle sans utiliser sa religion comme on utilise l’opium pour contrôler les bas quartiers ?

    - Je crois sincèrement qu’elle n’est que l’ambassadrice d’un peuple libre et démocrate !

    - Ouais … Ce qui ne colle pas avec le fait qu’ils sont toujours en vie, dans ce cas…

    - Sauf votre respect, mon Lieutenant, soyez aussi incrédule que vous le souhaitez, ça vaut quand même le coup qu’on se risque à un deuxième message, vous ne croyez pas ?"

    Je réfléchis un moment. Je me retourne vers le portrait de la Prêtresse. Une jolie jeune femme, grâcieuse, sereine, au regard … solide. Elle respire la douceur, la confiance, l’harmonie. On sent tout de même l’étoffe du leader qui sommeille au fond de ses yeux…

    « Ok ! De toute façon, on est tellement dorés que tout se tente ! Rassemblez toutes les forces vives de ce foutu bourbier, on va avoir du pain sur la planche et il faut qu'ils sachent avec qui on va bosser !

    - Bien, mon Lieutenant ! »

    Le jeune Teddy se met à sourire.

    « Quoi ? demandé-je

    - Permission de parler franchement, monsieur ?

    - Aïe… Allez-y, Monsieur Teddy… Mais soyez bref…

    - Et bien, ça fait du bien de vous voir décoincé. Le côté poète torturé, tout ça… ça ne vous va pas du tout ! J’ai enfin l’impression de voir le vrai Lieutenant Tinckles !

    - Ouais … ben remets-toi au boulot fissa avant que le faux Tinckles ne rapplique et te botte le train !

    « Petit con », rajouté-je silencieusement, non sans un sourire.

    Teddy sort et se met rapidement à la tâche.

    Je saisis de nouveau mon communicateur.

    L'espoir grandit...
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  • Un bar miteux comme on en trouvait beaucoup dans les bas-fonds des Dominions. Dehors, le soleil se couchait. A l'intérieur, la fête allait bon train, comme chaque soir depuis l'annonce d'une possible alliance avec de potentiels sauveurs, tenant son lot de chansons grivoises, de beuveries et de grabuge : tout allait bien ce soir-là

    La porte s'ouvrit alors sur un individu imposant. Un détail retint cependant l'attention de l'assistance. Un bouffon. Le type qui se tenait à l'entrée était habillé en bouffon. La plupart des piliers de bar qui comptaient parmi les clients de l'établissement ne se seraient pas privés de rire à gorge déployée. Mais le sourire de l'individu les figeait. Le docteur Felicio s'avança, se délectant de l'impact de son entrée. Tout bon spectacle méritait une entrée digne de ce nom. Et celle-ci était tout à fait appréciable. Il s'arrêta au milieu de la pièce. Il balaya la salle du regard.

    _"Et bien braves gens ! Avez-vous laissé votre sourire à l'entrée ? Moi qui pensais que cet établissement était réputé pour son ambiance joviale, me voilà servi !"

    Il s'avança vers un petit homme qui pâlit. Felicio fit mine de l'écouter attentivement.

    _"Quoi ? Une blague ? J'adore les blagues ! Vas-y, ne te fais pas prier !"

    Il approcha son sourire carnassier du visage de l'homme qui devint plus blême qu'un mort. Puis il partit dans un grand éclat de rire hystérique. Au bout de quelques secondes, il fit mine de reprendre son souffle.

    _"Par la barbe de mes aïeux, ça faisait longtemps que je n'en n'avais pas entendu une si drôle."

    Soudain, son visage se durcit. Il attrapa le petit homme par le cou.

    _"Alors, tu vois qu'il est difficile de faire rire ?", se mit-il à hurler. "Tu crois qu'il n'en est pas de même pour moi ? Voir que malgré tous mes efforts pour dérider ta face de Raïs, tu reste aussi muet qu'un Figé ? Je te laisse une chance de profiter de tes dents, vermine. AINSI QUE VOUS TOUS ! J'ai conscience de votre errance et je me sens d'humeur miséricordieuse. A l'avenir, quand un bouffon rentrera dans cette gargote, SOURIEZ !"

    Il lâcha le pauvre petit homme qui ne demanda pas son reste et sortit. Felicio se dirigea vers le barman, qui s'efforça d'esquisser un sourire.

    _"Donne moi quelque chose de fort. L'alcool me permettra d'oublier cette bande de Raïs qui te sert de clientèle... et ton horrible dentition, par la même occasion."

    Le barman s'exécuta et servit au bouffon une matière visqueuse et bouillonnante...


    --------------------

    Sue Li avait observé toute la scène, attablée avec d'autres Administrateurs. Ce bouffon était franchement étrange, et elle se serait plutôt attendue à le voir monter sur une table faire des... eh bien, des bouffonneries, plutôt que s'attaquer à un des ivrognes qui trainaient là. Tout le monde peut se tromper après tout, y compris elle, même si elle ne se l'avouait guère.

    Elle reporta son attention sur sa tablée, pendant que le bouffon terminait son esclandre. Eux regardaient justement l'homme en habit de bouffon, une expression tendue sur le visage. Elle ne retint même pas le soupir qui lui franchit les lèvres... S'ils n'aimaient pas ce genre de spectacle, il ne fallait pas choisir un tel endroit ! Le spectacle, s'il fallait appeler ça ainsi, n'était même pas terminé qu'ils s'étaient mis à se serrer les uns contre les autres en parlant à voix basse, la laissant seule à l'autre bout de la table... Quel manque de savoir-vivre!

    Elle se leva, laissant sa cape la recouvrir pour cacher la finesse de sa robe, et s'approcha du comptoir, et donc du bouffon par la même occasion.

    _"Ce fut une entrée remarquée... Une habitude peut-être ?"

    Peut-être saurait-il ne pas l'ennuyer... Après tout c'était un bouffon, même si sa propension à faire peur plutôt que faire rire avait l'air importante. Quitter les crocs du renard pour finir dans la gueule du loup... Non, elle ne se sentait pas l'âme d'un lapin, certainement pas!

    _"Si j'étais vous, je ne pense pas que je gouterai, ça n'a pas l'air franchement buvable..."

    Elle assortit ses mots d'un large sourire destiné aussi bien au bouffon qu'au barman... Oui effectivement, se moquer légèrement de lui comme ça n'était pas vraiment respectueux, et elle ne se chercherait même pas d'excuses...

    _"J'espère que ma présence ne vous dérange pas au moins ?



    --------------------

    Le bouffon ne regardait pas la jeune femme lorsqu'elle lui adressa la parole. Il posa sa tasse sur le comptoir et resta silencieux quelques secondes, les yeux dans le vague. Puis il se mit à pianoter sur le comptoir comme pour jouer une symphonie sur un clavier invisible. Il fit mine d'y mettre tout son cœur. Au bout de quelques minutes, après une magnifique envolée de notes inexistantes, il se leva et salua l'assistance. Puis il retourna s'asseoir au comptoir, encore essoufflé du concert qu'il venait de ne pas donner. Il avala une gorgée de la mélasse, ce qui lui tira un rictus de souffrance mêlée à de l'euphorie. Il se retourna enfin vers la jeune femme.

    _"Mon concert vous a-t-il plu, jeune demoiselle ? C'est le talent de toute une vie que vous avez eu le privilège de ne pas entendre !"

    Il partit d'un grand rire tonitruant, se tenant les côtes et tapant le sol de la canne qu'il portait, ce qui eut pour effet de faire s'agiter les quatre grelots qui ornaient le pommeau en forme de tête de bouffon. Puis soudain, il prit un air grave et approcha son visage à quelques centimètres de celui de son interlocutrice.

    _"Quelque chose me gêne chez vous. Tout d'abord je répondrai succinctement à vos questions : "Oui", "Je sais mais il faut bien mourir de quelque chose" et "Non". Quant à vous ... Vous n'êtes pas assortie à cette immonde gargote. Vous portez une cape dans un endroit comme celui-ci. Or les culs-terreux qui composent la clientèle distinguée de ce trou à rat n'ont pas vraiment les moyens de s'acheter autre chose que des guêtres de miséreux. Vu votre langage, je dirai que vous êtes une érudite. J'irai même plus loin."

    Il pointa du pouce la tablée que Sue Li venait de quitter.

    _"Vous traînez avec eux. Ne le niez pas, même une horde de Toupoutous aurait été plus discrète que vous. Donc, vue la qualité de vos hôôôôtes", dit-il d'un air faussement distingué, "je dirai que si vous n'êtes pas de la haute, vous fréquentez le milieu. Non, là où vous me gênez, c'est que vous n'avez pas le regard dédaigneux que me lancent ces pourceaux tout de soie vêtus."

    Il recula. Il observa son interlocutrice de bas en haut, esquissa un léger sourire et dit :

    _"Vous êtes intéressante, sinon troublante."
    Dernière édition par Mr Tinckles le Jeu Aoû 25, 2011 10:24 pm, édité 3 fois.
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  • La tête des clients du bar quand il se leva et les salua... Tout simplement admirable! La majeure partie n'avait pu vraiment voir son manège et les autres en avaient apparemment toujours peur. Sue Li se permit un léger rire après l'envolée toute lyrique bien que silencieuse. Elle ne s'ennuyait plus, et même s'il était bizarre, il ne lui faisait pas vraiment peur...

    _"Ne pas entendre, oui... Du son aurait gâché les choses je l'avoue fort volontiers, mais je crois que vous devriez revoir un passage, entre les dixième et douzième note, je crois que votre doigt a ripé."

    Elle souriait encore, mais beaucoup moins quand il s'approcha, redevenu sérieux tout à coup. Son souffle avait l'odeur de la mixture qu'il venait d'avaler, et cela lui tira un haut le cœur qu'elle eut du mal à dissimuler... C'était une véritable tirade en plus. Et cela lui donnait l'envie de se justifier : certes elle n'avait pas été discrète, mais n'avait jamais songé à l'être, et parmi cette masse à semi-ivres de réfugiés et autres dont elle préférait ne pas savoir la vocation, être une femme seule n'avait jamais été conseillé. Mais ça il le savait certainement très bien... Ce que tous ne pouvaient savoir c'était qu'elle n'était pas qu'une bourgeoise voyageant en compagnie d'autres. Heureusement d'ailleurs. Mais elle ne voyait pas en quoi cela le gênait qu'elle ne le dédaigne pas... et cela avait tendance à l'intriguer...

    _"Intéressante ? Troublante ? Je prend ça pour un compliment, merci beaucoup! Quant à vous dédaigner, peut-être est-ce parce que je ne suis pas uniquement de soie vêtue, mais si vous y tenez..."

    Le sourire presque ravi qui avait illuminé son visage quand il avait prononcé les deux compliments (si si si c'en était!) avait totalement disparu, remplacé par une moue d'ennui profond, tandis que son nez se retroussait légèrement comme face à une odeur désagréable que l'on voudrait éviter tout en cachant ce geste, et que ses yeux regardaient à travers le bouffon, sans éclat, et preuve de son non intérêt... Expression tout droit venue de sa mère, et qu'elle avait vue trop souvent pendant son enfance...

    Elle repris son air habituel et donna une légère pichenette à un des grelots de son bâton.

    _"Mais peut-être cela vous gêne-t-il parce que votre déguisement de bouffon et vos agissements ne me font pas fuir ? Ou parce que justement, je ne vous dédaigne pas ainsi que c'est le but ?"


    --------------------

    Le bouffon resta interdit pendant quelques secondes, écoutant son interlocutrice. Puis il sourit largement. En plus d'être intrigante, la jeune femme avait aussi du caractère. Il se dit qu'il ne serait peut-être pas seul dans son nouveau monde et cela le rendit joyeux. Il la laissa même jouer avec un des grelots de sa canne.

    _"Jeune fille, tout est relatif ! Un gueux est tout autant gêné par la gangrène qui lui dévore la jambe que l'amant éperdu lorsqu'il reçoit un baiser impromptu. Le mot est si vaste, pourquoi le cantonnerai-je à sa signification la plus sombre ? Quant au fait que ce soit votre attitude qui me gêne, regardez autour de vous !"

    D'un geste de la main non-chalant, il désigna le reste du bar. Les regards cherchaient à fuir le bouffon, et quand la main les désignait, les clients comme le barman faisaient mine d'oublier le bouffon et de s'impliquer dans des discussions vides de sens.

    _"Ces gens-là ont perdu leur humour, l'éclat qui fait d'eux des êtres civilisés. Ils ne sont plus des hommes, mais un troupeau d'êtres décérébrés. Ils ne pensent plus par eux-mêmes. Un petit peu d'or, une pincée de paroles doucereuses et ils vous sont acquis. Un couteau et un regard d'acier et ils se souviendront de vous. Mais qu'en est-il du reste ? Qu'en est-il du monde ? Des Autres ? Ils ne se contentent plus que de penser pour eux, de se soucier pour eux et ne prennent même plus le temps d'observer les merveilles qui les entourent. Ils ne se laissent plus rire aux éclats, surtout vos hôôôôôtes, puisque vous comprenez, ce serait inconvenant. Les gens ne sont plus que de passage dans ce monde. Pour moi, il sont aussi éphémères qu'un holobjet de néophyte."

    Il but une nouvelle gorgée de l'immonde boisson, fit une grimace et se tut, les yeux plongés dans sa choppe. Il joua un moment avec le liquide puis continua.

    _"Alors vous comprendrez que je sois pris au dépourvu quand je rencontre quelqu'un qui a décidé de s'arrêter un peu sur le chemin pour contempler le paysage et taper la causette avec le mendiant que je suis. Quant à mon accoutrement..."

    Il se contenta de sourire à pleines dents.


    --------------------

    Bouffon pensant, et peut-être philosophant un peu trop. Elle n'était pas vraiment d'accord avec tout ce qu'il venait de dire... Surtout qu'il venait de comparer la douce gêne d'un baiser reçu avec la gêne douloureuse d'une gangrène. Certes l'un comme l'autre étaient de la gêne, mais quand même. Elle avait déjà entendu plus poétique, romantique, de beauté angélique et tout autre adjectif en -ique! Mais passé cet instant d'égarement avec gangrène et associé, son esprit finit néanmoins par se reconnecter au bon fil, à savoir le léger flux de paroles venant des lèvres du bouffon...

    _"Je ne pense pas pouvoir être contemplative à ce point, et vous n'avez rien d'un mendiant, vous n'avez pas leur..."

    Un mouvement au coin de son champ de vision la fit se reculer un peu, un réflexe qui l'empêcha de prendre un ivrogne sur le coin du nez! C'était quoi ça ?! L'homme en question s'écrasa sur le comptoir, avant de glisser au sol. Son premier réflexe fut de ramener sa cape autour d'elle pour cacher ses jambes et le reste, tout en posant un regard interrogateur au bouffon.

    Non pas qu'elle pensa qu'il y soit pour quelque chose, mais le mouvement de foule qui s'approchait du lanceur de projectile humain venait de la couper de son groupe de pseudo-collègues... Vive la protection rapprochée!

    Son sourire s'était évanoui, et elle avait quitté sa place, déjà prête à dessiner.

    Elle n'aimait pas cette soirée, cette auberge, et aurait bien voulu être au calme!


    --------------------

    Le bouffon ne prêta pas cas au pauvre hère qui volait vers lui. Il se contenta de l'éviter. Il ne le regarda même pas alors qu'il s'écrasait lamentablement sur le comptoir. Voyant que son interlocutrice esquissait un mouvement de défense, il lui lança un sourire rassurant, enjamba le corps de l'homme évanoui et alla s'asseoir près de l'Administratrice.

    _"Ne nous laissons pas distraire par des querelles de soiffards."

    Il jeta un rapide coup d'œil à la table des Administrateurs qui s'était vidée en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Il laissa échapper un soupir méprisant et se retourna vers Sue Li.

    _"Et bien nous voilà seuls. On ne peut pas dire que vos hôtes ont brillé par leur courage."

    Il se leva, tendit la main vers le bar, prit un verre et se servit de l'hydromel.

    _"Le tord boyau était efficace mais me donne une haleine affreuse... Espérons que le miel de cet alcool n'en fasse pas autant."

    Il but quelques gorgées, fit une moue de déception et continua.

    _"Ne soyez pas sur vos gardes comme cela, ça vous affaiblit les zygomatiques. De toute façon, ce sera bientôt fini ... Comme toutes les querelles d'ivrognes..."

    Il retourna enfin s'asseoir et, d'un geste ample et gracieux, invita Sue Li à faire de même sur un siège voisin.

    _"Où en étions-nous ?"
    Dernière édition par Mr Tinckles le Jeu Aoû 25, 2011 9:50 pm, édité 1 fois.
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  • Il avait gardé son calme, se voulant rassurant... et l'étant puisqu'elle se sentait moins en danger déjà. Autant de calme. Comme s'il en avait très certainement déjà trop vu pour avoir ne serait-ce qu'envie de réagir à ça. Elle aurait pu parier que si elle-même n'avait pas réagi, il n'aurait pas bougé outre mesure... Quel genre d'homme était-ce donc ? Certes, comparé aux pleutres qui lui avaient servis de compagnons jusque là, il faisait presque figure de héros. Un héros vêtu d'un manteau de bouffon, qui voulait se faire passer pour un mendiant, mais qui n'en était pas un.

    Sue Li avait le choix entre la mêlée et le suivre à une table. Ce n'était pas vraiment un choix d'ailleurs. Elle prit une tasse d'eau avant de s'assoir à côté de ce bouffon...

    _"Je suis désolée de ma réaction un peu vive à... tout ça."

    Elle désigna d'un geste de la main la salle où se poursuivait échauffourée.

    _"Et je ne pense pas que mes hôtes comme vous le dites si bien aient plus l'envie que moi de se mêler à ce genre de choses. Ils ne se seront même pas inquiétés pour moi surement."

    Elle lui jeta un long regard, notant son calme, sa relative assurance, et sa grimace en buvant l'hydromel... Elle passa sa main au dessus de sa tasse et se concentra pour bionumériser un chaud thé à l'arôme fleuri.

    _"Je suis d'accord concernant les propriétés de l'autre boisson... Voulez-vous que je change le goût de celle-ci ? Même si ça ne durera pas éternellement... Il suffit de me dire ce à quoi vous voulez que ça ressemble."

    Cela fonctionnerait mieux si elle avait déjà gouté ce qu'il pouvait demandé, mais vu ce qu'il avait déjà bu au cours de la soirée, il y avait trop peu de chances. Elle pouvait toujours essayer après tout.

    _"Quant au point où nous en étions... de mémoire, je disais que contrairement à ce que vous affirmiez, vous n'étiez pas un mendiant. Vous n'avez pas leur regard perdu. Et si cela ne suffisait point, il suffit de voir votre réaction : un vrai mendiant se serait enfui au début de l'éclat, ou se serait joint à la bagarre.

    Vous êtes resté si calme... Qui êtes-vous ?"


    --------------------

    Felicio regarda le fond de son verre. Une bionumérisatrice. Il en avait rarement croisé. Il n'avait jamais parlé avec une personne de leur caste. Non pas qu'il n'eût pas essayé. Mais pour pouvoir entamer une conversation digne de ce monde, il faut bien que l'on daigne vous répondre... Etrange, cette jeune femme. Autant de pouvoir et si humble. Il sourit. Ce n'était pas incompatible, en fin de compte. Il but une gorgée de son hydromel.

    _"Si vous transformez ma boisson, comment pourrais-je l'apprécier à sa juste saveur ? Mon corps me dira que je bois le paradis alors que mon esprit me criera que ce n'est que factice. Le temps de concilier les deux partis, la saveur aura disparue... Si vous créez un alcool de manière permanente, cela restera un holobjet : je mourrai noyé. aucune des deux perspectives ne m'enchante. Je resterais donc à l'hydromel."

    Il se resservit une tasse et la but d'un trait.

    _"Non pas que cela m'enchante. Mais j'ai certains principes et me respecter moi-même en fait partie."

    Il prit un air grave.

    _"Pour ce qui est de ce que je suis ... disons qu'il y a deux réponses à la question. Celle du lucide et celle du fou. Laquelle voulez-vous ? Je vous en offre une. L'autre, il faudra la trouver vous-même. Ou que je trouve qu'elle vaut la peine d'être dite..."


    --------------------

    Il venait de refuser sa proposition... Oh certes très poliment, mais c'était quand même un refus. Elle n'allait pas s'en formaliser, mais la majorité des gens auraient accepté ce genre d'expériences... Peut-être se méfiait-il des Bionumérisateurs ? Ou des Holobjets en général. Ou alors il se méfiait juste d'elle. Elle savait que chez certaines personnes, les capacités dues à la bionumérisation étaient très mal vues, mais elle n'aurait pas pensé qu'il en fasse partie.

    Toujours était-il qu'il venait de lui poser un léger dilemme. Deux réponses... L'une des deux était probablement qu'il était un fou... Mais était-ce la réponse lucide ou celle du fou ? Et quelle pouvait être la vraie réponse ? En même temps, elle n'allait pas le laisser languir des heures!

    _"Je prends la réponse du fou!"

    Restait le problème de sa possible gêne face à son don de Dessin. Le mieux était surement de le lui demander directement... Du moins s'il acceptait de répondre. Encore qu'il ne donnait pas l'air d'éviter une question qui peut être gênante. Ah si, le coup de la double réponse, ça pouvait probablement compter comme une esquive...

    _"Dites-moi... Le fait que je sois bionumérisatrice ne vous pose pas de problèmes j'espère ? Je préfèrerai ne pas avoir l'impression de ceci..."

    Elle but quelques gorgées de son thé tandis qu'elle attendait la réponse du fou qu'elle avait demandé. Dire qu'elle préparait son esprit à réfléchir à la possible réponse du lucide aurait été faible. Elle avait l'impression d'entendre presque ses propres rouages tourner pour essayer de trouver la réponse.


    --------------------

    Le bouffon sourit à sa dernière question.

    "Ne vous inquiétez pas, damoiselle, que vous soyez bionumérisatrice ou bien impératrice n’enlève en rien la saveur de cette discussion. Vous êtes ici, vous discutez avec moi, ça me suffit. Je n’ai pas rencontré assez de gens de votre caste pour pouvoir me forger une opinion sur votre caste. Et quand bien même ce serait le cas, je ne me permettrais pas de vous mettre dans le même panier que la bande de couards qui vous accompagnait… "

    Il termina sa tasse et la posa sur le comptoir. Il sortit quelques piécettes et les jeta au barman.

    _"Pour le service, l’ami !"

    Il regarda Sue Li avec intensité.

    _"Quand à la réponse du fou … Je suis ce qui est avant l’avènement de toute chose. L’ombre de la splendeur. Je suis l’inavouable, l’intouchable, le méprisable qui se cache en toute chose magnifique. Je ne suis pas moi pour être moi mais je suis moi pour que les autres deviennent. Je ne suis pas un être, je suis le devenir. Je représente la peur de la justice, l’anarchie de l’ordre… La gravité d’un sourire. Je ne suis en somme que le glaive qui donne vit à de meilleurs jours."

    Il se tut un instant et plongea ses yeux dans ceux de son interlocutrice. La graine de folie que l’on pouvait alors décelait dans le regard du bouffon avait laissé place à quelque chose de plus surprenant. Une petite émotion … comme un regret tinté d’espoir …

    _"Ma réponse vous satisfait-elle ?"


    --------------------

    Elle l'avait eu sa réponse. Et quelle réponse! Compliquée, un peu abrupte, mais en même temps si claire...

    _"Me satisfaire ? C'est une bien longue réponse, mais j'avoue que ma question n'était pas simple. Vous êtes quelqu'un de particulier vous savez... Vous semblez être très proche de la mort et de la fin de tout, mais pourtant dans vos yeux, à part cet air grave, et cette folie qui vous caractérise, je vois de l'espoir, et du regret. Pourquoi ? Vous êtes un personnage intriguant, mais j'ai l'impression qu'on pourrait passer une vie auprès de vous sans jamais vous comprendre. Espérez-vous quelque chose de cette vie au moins ?"

    Elle n'avait pas un ton inquisiteur, mais même si la réponse l'avait perturbée, elle était curieuse de comprendre ce bouffon qui tenait un langage si peu... de bouffon semblait-il. Elle releva ses yeux pers vers le visage du bouffon en même temps qu'elle tendait les mains pour recevoir son bâton de fou. Elle aimait ces clochettes, peut-être un restant de joie de gamine devant leur son léger... Oui elle avait envie de jouer avec, mais ça elle ne l'avouerait probablement pas si aisément.

    Avec un sourire, elle se plongea un instant dans sa transe habituelle, avant d'obtenir un bâton argenté entre les mains, avec juste deux fois le nombre de clochettes, et des rubans colorés... tout simplement en surnombre. Après tout, chacun son bâton, et tout irait bien, même si le sien ne durerait pas. Elle rit légèrement en entendant le son des clochettes qui s'entrechoquaient...

    _"Excusez-moi... Une petite envie"

    Ses joues rosirent légèrement, parce qu'on aurait pu penser qu'elle voulait le singer, même si ce n'était pas le cas. Du coup elle cacha son visage derrière sa tasse, dont elle repris une gorgée.
    Dernière édition par Mr Tinckles le Jeu Aoû 25, 2011 9:51 pm, édité 1 fois.
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  • Le bouffon saisit sa canne et fit retentir les grelots, en écho à ceux de l'Administratrice. Une impulsion, plus qu'un acte réfléchi. Puis il la posa délicatement sur le comptoir.

    _"La plupart de ceux qui ont entendu le son des grelots du fou ont des difficultés à s'en souvenir..."

    Il réfléchit à la première question de la jeune femme. Il l'intriguait ? Bien. Cela les mettait sur un même pieds d'égalité.

    _"J'espère beaucoup de la vie... De celle-ci comme d'une autre ... Avez-vous déjà entendu le son d'une cloche ? Je veux dire au plus près possible ?"

    Il sourit devant l'apparente absurdité de sa question. Il aimait ces moments où lui seul détenait la clef de son raisonnement tortueux.

    _"Prenons une cloche en La, sur laquelle tout le monde s'accorde. Vous la faites retentir une fois. L'effet est immédiat. Vous avez l'impression d'exploser mais dès lors que vous vous serez bouché les oreilles, vous sentirez une vibration grisante. Puis le son laissera place au silence. Mais les effets ne cesseront que bien plus tard. Alors vous aurez apprécié l'expérience. Cependant que se passe-t-il si la cloche ne cesse pas de résonner ?"

    Il fit une pause, le temps de laisser la question s'insinuer dans l'esprit de son interlocutrice. Il tapota un grelot, qui mit étrangement longtemps avant de cesser de tinter.

    _"Cela deviendrait une torture, purement et simplement. Vous basculerez dans la folie. Plus rien n'aura de sens vu que les vôtres seront bafoués. La vie est comme le son d'une cloche. Sa fin la rend plus belle, plus magique. Son éphémérité latente ne rend le processus de vie que plus important. Un processus qui vous fait vibrer de tout votre être si vous ne vous y abandonnez pas trop. Si la vie n'avait pas de fin, nous n'aurions plus besoin d'espoir. Si l'espoir n'était pas là, le processus de vie n'aurait pas d'importance, et sa fin ne voudrait plus rien dire. Or j'ai de l'espoir."

    Il sourit à pleine dent et désigna Sue Li.

    _"Conclusion ?"


    --------------------

    Enroulant ses doigts autour des rubans, ou plutôt les rubans de son bâton autour de ses doigts, elle le regarder faire tinter son bâton. D'ailleurs, sa phrase la surprit. Pourquoi donc on oublierait aisément ce son ?

    _"Je ne suis pas vraiment d'accord... Le léger tintement des grelots, il est inoubliable, à la fois par sa particularité, et ensuite parce qu'en général il est apprécié dès l'enfance. Pourquoi y aurait-il des difficultés à s'en souvenir ?"

    Les propos qui suivirent, elle eut un peu de difficultés à les suivre justement, ainsi qu'à voir où il voulait en venir. Quand il eut terminé, elle lui offrit un doux sourire...

    _"Conclusion, vous vivez avec l'espoir de mourir pour que votre vie soit belle. Je ne suis pas d'accord avec votre définition, votre idée de la vie et de la mort. Une vie peut être très belle sans qu'il y aie besoin de mourir pour ça. Et leur vie à eux... Elle indiqua de la main les ivrognes qui restaient dans la salle de l'auberge. Pouvez-vous dire qu'une mort pourrait rendre belle cette vie qu'ils vivent sans même plus en profiter, la ressentir comme ils pourraient le faire ? Oui la vie est courte, éphémère, mais faut-il pour autant la vivre comme une torture comme cela semble être l'idée maitresse de votre propos ? Le fait qu'elle soit courte devrait inciter à profiter de tout, des découvertes que l'on peut faire, des rencontres, de chaque sensation qu'on peut trouver... C'est cela vivre. Pas attendre la mort sans rien faire... Du moins c'est ce que je crois."

    Elle baissa les yeux sur ses doigts enroulés aux rubans, soudain muette.


    --------------------

    Felicio regarda les ivrognes avec dédain. Ici, un homme vidait son énième pichet en rotant bruyamment puis s'effondrait, inconscient d'ivresse. Là, deux autres se battaient pour une histoire qu'eux-mêmes ne comprenaient pas.

    _"Ils n'ont plus d'espoir. Ils subissent la vie. Ils en souffrent. Quoi de plus beau qu'une mort pour mettre fin à une souffrance inaltérable ? Je les plains de vivre, comme je les envierai le jour de leur mort. Car ils sauront l'accueillir et l'apprécier."

    Il se retourna pour regarder Sue Li. Il sentait la mésentente que ses propos générer et savait qu'ils étaient mal interprétés.

    _"Ne vous trompez pas : je ne vis aucunement la vie comme une torture. Imaginez-vous pendant un repas, au moment du dessert. Un gâteau arrive. Vous en prenez une part. Celle avec la cerise. Vous la gardez pour la fin. Vous appréciez énormément la pâtisserie et au moment où vous arrivez à la cerise, vous regrettez les quelques secondes de bonheur que vous aura procurée votre part. Cependant il y a une chose que vous n'avez pas envisagée : s'il n'y avait pas eu de cerise, si vous continuiez à manger incessamment cette part de gâteau, vous finiriez par en être écœurée..."

    Il fit une courte pause et plongea ses yeux dans ceux de son interlocutrice. Pour une fois dans sa vie, il eut besoin qu'on le comprenne.

    _"La vie est un paradoxe en ce sens que, bien qu'agréable, si elle n'a pas de fin, on finit par ne plus y prendre goût, voire même par en être écœuré. Ce n'est pas une torture. Juste un morceau de sucre, douceâtre, qui vous ferez le détester si vous le gardiez trop en bouche."

    Il resta un moment interdit. Il tapota les grelots de sa canne, pensif. Puis il reprit.

    _"Les belles choses peuvent durer. Mais elles ne doivent pas durer éternellement, sous peine de devenir des malédictions. C'est en cela que, pour moi, la mort n'est pas un démon cornu. Elle est la raison pour laquelle nous apprécions tellement la vie..."

    Felicio se tut et sourit.
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  • Elle l'écoutait, et le regardait sans répondre. Pas spécialement parce qu'elle ne voulait pas, mais plutôt parce qu'il valait mieux attendre d'avoir tout le raisonnement avant de pouvoir donner une sorte de juste réponse. Avant la fin de ses paroles, elle sentit une larme rouler sur sa joue, qu'elle laissa telle quelle.

    _"Je visualise ce que vous voulez dire. Vous n'êtes pas le premier pourtant à m'offrir ce discours, même si vos paroles sont un peu plus sèches... Mais qui donnerez-vous pour la mort de ces êtres qui n'ont plus qu'à l'attendre ?"

    Une larme pour le présent, toute de tristesse, pour les hommes ivres du bar qui ne vivaient même plus, se contentant d'errer sur cette planète et de s'enfermer toujours plus loin dans la morbide succession des jours. Aurait-elle pu faire quelque chose pour ces êtres ? Devrait-elle le faire si la réponse était oui ? Oui c'était triste.

    _"Est-on en droit de les laisser souffrir de la vie sans en profiter ? Ce n'est même plus une question d'éthique ou humanitaire, mais bel et bien individuelle. De quel droit s'arroger le droit de vie et de mort ? Et peut-on vraiment le choisir ?"

    La même larme pour le passé, pleine de bonheur, malgré la main de cette vieille femme qui se mourait doucement dans son lit, à la peau à la fois parcheminée, chaude et tellement douce, et expliquait à sa petite fille que la mort n'était pas un mal, un simple fait qui faisait partie de la vie, et qui lui donnait son sel. Il suffisait de voir le sursaut d'énergie quand elle faisait une bêtise en cachette par exemple. Mais que même si la mort était normale, il fallait vivre de tout son cœur, pour comme elle ne rien regretter à l'aube de sa mort. Les gens qui regrettent n'ont pas assez vécu, et ce même s'ils ont vécu plus de cent ans.
    Sa copie du bâton de fou disparut à ce moment précis d'entre ses mains, et elle les observa un instant en silence. Une lui paraissait égale à celle de sa grand mère, l'autre telle celle de la fillette qu'elle fut.

    _"Vous réjouissez-vous de la mort, monsieur le fou ?"

    Et toujours la même larme pour l'espoir qu'elle avait qu'à l'aube de sa mort, elle la prenne avec le sourire, car elle aurait vécu comme il fallait vivre, avec joie et entrain...


    -------------------

    Felicio remplit une dernière fois son verre et but d'une traite.

    _"Lorsque l'on vous coud votre prison en forme de guêtres de bouffon sur le corps... Lorsque l'on vous oblige à utiliser votre intelligence contre les vôtres... Lorsque vous devenez le bourreau de votre peuple... Lorsque les produits de vos labos servent à gazer votre fille... Vous ne pouvez qu'admirer la mort. Mais je vivrai pour réparer le mal que j'ai fait. Je me dois d'aller de l'avant pour tous ceux qui ont souffert par ma faute."

    Il posa son verre sur la table, prit sa canne et se leva.

    _"Les dominions sont l'origine de nos maux. Mais beaucoup d'entre nous les ont servi, à contrecœur ou pas. Nous avons nous même contribué à nos souffrances... Et je veux que cela cesse. Je veux me souvenir de nos erreurs passées et aider à les corriger."

    Il se dirigea vers la porte. Il s'arrêta, tourna la tête et sourit.

    _"Et surtout je veux voir les gens sourire ! Allez l Salut la compa-**VLAN ! **"

    La porte s'ouvrit soudainement et il eut à peine le temps de l'esquiver. Un individu se précipita à l'intérieur du bar, rouge, essoufflé et ruisselant de sueur. Felicio s'avança vers lui :

    _"Ingénieur Michel, quel vent graisseux vous amène ?"

    L'homme se releva.

    _"Les Bonnasses ont rappelé !"

    Le bouffon parut affligé.

    _"Les Ecclésiastes de Muse et de Ses filles, vous voulez dire ? Et Qu'ont-elles dit ?"

    L'ingénieur se gratta la tête

    _"Ben ... J'sais plus... Venez avec moi !", dit-il en sortant aussi vite que ce qu'il était rentré.

    Le bouffon prit un air affligé. Il s'épousseta, mit sa canne sous le bras, se dirigea vers Sue Li, lui fit un baise-main et dit :

    _"Au plaisir de vous revoir, Madame !"

    Il lui adressa un sourire troublant et sortit à son tour ...
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