Chroniques du Troisième Exode

Présentation de personnages, d'alliances, dialogues et intrigues se passent ici.
Sam Juin 04, 2011 1:11 am

  • 3 Aout 844 du calendrier Titanien
    Bureau du Lord Amiral Ehmen Terenseth, centre de commandement provisoire
    Planète mère Terra Incognita, Amas de Varden

    «-Docteur Monteïnes, vous commencez doucement à me briser les noix!» Cela faisait à peu près un quart d'heure que durait l'entretien entre le commandant de la flotte représentatnte de l'Empire Titanien dans l'amas de Varden, et Zeteï Monteïnes, docteur en mécanique quantique en charge du projet de reconstitution des connaissances scientifiques de la flotte. Bien que son interlocuteur avait perdu toute notion de tenue et de self-control depuis un bon moment, l'astro-physicien gardait malgré tout un stoïcisme exemplaire, même si les premières marques de son impatience commençaient à percer sa cuirasse.
    «-Amiral, pour la énième fois, je vous répète qu'il manque bien trop de données essentielles pour retracer les plans d'un module d'antigravité dès maintenant, et que vu les connaissances des civilisations alentours, pour le moment, développer un nouveau...
    -Bon, puisque vous aimez les répétitions je vais vous demander de clarifier encore une fois la situation. Si j'ai bien pigé, voici le topo: je dois reconstituer une flotte civile et militaire dans les plus brefs délais, on s'est trimballé un putain de chantier spatial embarqué sur je sais plus combien de trouzmillions de parsecs, on l'a posé sur ce foutu caillou de mes deux (parce que je suis désolé, mais une planète couverte de verdure moche où la forme de conscience la plus avancée atteint le niveau intellectuel du morpion, j'appelle ça un caillou), il est prêt à servir, et vous venez me dire qu'on saura même pas quoi faire des vaisseaux qui en sortiront vu qu'ils seront cloués au sol? C'est bien ça??
    -Oui.
    -Et que maintenant on va devoir cracher le peu de ressources qu'on a pour construire un chantier en orbite, juste parce que les débilos qui nous servent de nouveaux voisins connaissent pas l'antigravité?
    -Oui.» A cet instant précis, et même si il était tout à fait conscient que l'homme qui se trouvait en face de lui n'avait rien à voir avec ses problèmes, Ehmen sentit le besoin pressant de déverser sa colère sur la première personne dont la tête ne lui revenait pas ; ce fut donc tout en désignant la sortie de son doigt engoncé dans un gant de cuir (le chauffage interne étant tombé en panne pour la quatrième fois de la semaine) qu'il invita, avec l'élégance et l'amabilité que vous pouvez imaginer, le Docteur Monteïnes à quitter son bureau. Le rideau pourpre (la porte coulissante n'était pas encore installée) tenant lieu de cloison une fois tiré, la vice-amirale Alexandra Rosenwald, commandant en second et amie du Lord Amiral, eut à peine le temps de formuler intérieurement sa phrase qu'elle fut coupée dans son élan sarcastique:
    «-La ferme, Alex, la ferme!...»
    Son aspect burlesque s'était soudain évaporé, et il semblait désormais se morfondre. Il s'assit de travers sur un fauteuil bancal. La situation n'était pas désespérée, loin de là. Lui, en revanche, était harassé. Physiquement tout comme moralement. Alexandra sentait que ces 5 mois de voyage avaient poussés sa motivation déjà vacillante à bout. Ses nerfs le lâchaient, sa volonté s'effaçait. D'un pas vif elle se dirigea vers l'une des valises qui servaient de placards temporaires, saisit 3 bouteilles différentes, deux verres et deux cuillères.
    «-Monaco?» Sans même attendre sa réponse, elle versa savamment les trois ingrédients avant de lui mettre le verre sous le nez ; les légers reflets rouges que projetait le breuvage sur la table et l'odeur qui s'en dégageait attisèrent enfin ses sens. Elle traina une chaise vers le bureau, s'assit en face de lui et commença à chantonner dans sa langue maternelle des paroles d'une époque reculée.
    «-Reise, reise, Seemann reise, Und die Wellen weinen leise, In ihrem Herzen steckt ein Speer, Bluten sich am Ufer leer...» * Il comprit immédiatement le message. Il leva la tête vers elle, lui fit un léger sourire, se redressa sur son siège et vida son verre d'un trait. Elle l'imita, et saisit une bouteille de whisky Thetysien.
    «-Allez, fini la plaisanterie, on passe à l'artillerie lourde!» Et tandis que, continuellement, les verres se vidaient et se remplissaient, les deux amis se remémoraient les évènements qui les avaient amenés jusqu'ici, sur ce «foutu caillou».

    HRP: ceci est l'intro de mon rp de présentation, qui va, je vous préviens, s'avérer particulièrement long!^^ En effet je présente les faits qui ont amenés le Lord Amiral ici ; pour les anciens de Empire Universe II (je sais qu'il y en a pas mal, bizarrement...), j'étais moi-même sur Australis comme vous allez le voir, et j'y fait donc des références régulières... Allez bonne (et longue :mrgreen: ) lecture, et bon jeu @ tous!

    *dernière strophe de la chanson Reise, reise, de Rammstein, normal que vous n'en compreniez pas le sens dans ce contexte, pour ça il faudra attendre la suite^^
    Dernière édition par Naxos Terrell le Jeu Juin 16, 2011 5:17 pm, édité 2 fois.
    Image
    Avatar de l’utilisateur
    Naxos Terrell
    Cadet
    Cadet
     
    Messages: 24
    Inscription: Sam Juin 04, 2011 12:14 am

Sam Juin 04, 2011 1:10 pm

  • 21 Décembre 843
    Passerelle de l'HMS Arès
    Ceinture d'astéroïde du système planétaire 745, Secteur D9, Galaxie d'Australis

    «-Mon commandant! Le dernier tir a du tailler une brèche, décompression totale des ponts 8, 9 et 11! Tout l'armement bâbord est hors-service!»
    Cela faisait à peu près une demi-heure que les informations alarmantes se succédaient, mais il fallait bien l'avouer, celle-ci surpassaient toutes les précédentes, et de loin. L'amiral Terenseth ne comptait plus les fonctions rendues hors d'usage à bord de son navire. Le cuirassé avait perdu à peu près 70% de sa puissance de frappe et une bonne partie de ses propulseurs directionnels ; quant au bouclier, pas la peine d'en parler, cela faisait belle lurette que la coque était mise à nue. Désormais, l'acier grinçait sous la pluie de projectiles. Ehmen jeta un bref regard vers l'un des deux seuls affichages radar encore en marche malgré les surcharges de courant, et songea aux 23 petits points verts qui y formaient un triangle autour de l'Arès, chacun symbolisant un vaisseau de son escadre. Puis ses yeux glissèrent vers la nuée de points rouges qui, à quelques kilomètres de distance, faisaient face aux points verts ; 18 plus exactement, 18 «petites» stations de guerre de classe Armageddon, chacune environ trois fois plus grande qu'un cuirassé de classe Hadès comme le sien.

    Il se dit qu'il n'avait pas eu d'autre choix, que tenir 25 minutes sous le feu d'une telle force était déjà un exploit, qu'il avait opté pour la seule solution raisonnable: le repli. Pour autant, cette pensée n'effaça pas le goût amer de la défaite.

    «-Chef! Tonna-t-il pour se faire entendre à travers le fourmillement de la passerelle, où en est la réparation des compensateurs inertiels?» L'homme en question, un second maître de 27 ans, mis d'abord un temps pour sortir de son ahurissement, puis pour retrouver les données envoyées par le central opérations.
    «-Heu... Le... Eh biiin... bégaya-t-il d'un air des plus inspirés avant de se reprendre, Ils seront remis en fonction dans quelques minutes, mon commandant!
    -Parfait, maintenant revérifier l'état du réseau d'alimentation du PC machines.
    -Oui mon commandant, et pardonnez-moi mon étourdissement, ça ne se reproduira plus.» L'amiral hésita un peu moins d'une seconde avant de se tourner vers le second maître:
    «-Évidemment que ça ne se reproduira plus, vous serez certainement mort dans moins d'un quart d'heure! Au travail!» Le sous-officier resta figé un instant, avant de se remettre à parcourir les lignes de son écran holographique. Non pas qu'il n'avait pas l'habitude de cette manière à priori quelque peu... brusque avec laquelle l'amiral traitait ses équipages. La légère nuance résidait dans le fait que, cette fois-ci, ce n'était pas uniquement une façon de motiver l'équipage. Il y avait un fond de vérité dans cette phrase, et même un peu plus qu'un fond.
    Il se tourna vers un autre membre d'équipage.
    «-Lieutenant, quel est l'état des propulseurs conventionnels et et du moteur hyperspatial?» Beugla Ehmen d'une voix qui ne lui ressemblait pas. Tout en parlant, l'officier parcourait son écran des yeux.
    «-Les moteurs à impulsions sont tous... non, pardon, 5 des 6 moteurs arrière sont opérationnels, mais ils ne pourront pas fonctionner à pleine puissance... on atteindra peut-être 150, voir 160 impulsions/seconde, pas plus... et les propulseurs supra-luminiques seront chargés dans 4 minutes, mon commandant!» Ce denier alla ensuite d'un pas pressé vers le manœuvrier.
    «-Barreur, lancez le vaisseau sur son vecteur de fuite ; officier com! (il ne prenait même plus la peine de désigner les membres de l'équipage par leurs grades) Ordre à toute la flotte d'effectuer la manœuvre de repli stratégique.»

    Tout en s'agrippant à une console de commande pour éviter de tomber au moment de l'accélération, il se remémora avec ironie la façon dont il imaginait, il n'y a pas plus de ¾ d'heure, que se terminerai cette journée: dans le calme le plus complet. A la base, ce n'était après tout qu'une mission de routine: tests de l'armement et entraînement de l'équipage au manœuvres de combat. Les seuls adversaires rencontrés ne devaient être que des astéroïdes et quelques drones pour rôder les canons. Oui, de la routine, vraiment. D'ailleurs, l'amiral ne devaient normalement pas être là: l'autre moitié de la flotte se trouvaient à quelques dizaines de parsecs d'ici, près d'une colonie alliée, et attendait l'arrivée de nombreux transporteurs de troupes peu protégés ayant l'intention d'envahir la planète. Mais la vice-amirale Alexandra Rosenwald était déjà sur place, et un officier général suffisait amplement pour diriger une escadre...

    Oui ça aurait dut être une journée paisible. Il n'avait simplement pas prévu que 18 stations de guerres ennemies puissent surgir de l'hyperespace aussi près de leur objectif, à seulement moins d'une ua.

    Les quelques centaines de milliers de tonnes du bâtiment de guerre se mirent à glisser dans la brume ténue formée par les tirs et les rejets des réacteurs, puis il tourna nonchalamment sur lui-même, ses canons se turent tandis que ceux de l'ennemi retentissaient de plus belle. Maintenant il accélérait dans la direction inverse à la position des Armageddons, et bientôt les 4 classe Hadès, les 7 Centaures et les 12 croiseurs légers qui l'accompagnaient se mirent à l'imiter.

    Une torpille explosa trop près d'un des propulseurs ; la carcasse d'acier s'ébranla en un crissement atroce ; le frisson qui parcouru la bête projeta l'équipage contre portes et murs. La main d'Ehmen ne put s'agripper assez fort, et il alla s'écraser contre une console de commande à l'autre bout de la pièce, sa prothèse de jambe manqua de se détacher. L'officier en second et l'officier com allèrent relever leur commandant, sonné mais surtout furieux. Quelques bons mots envers l'ennemi prouvèrent à l'ensemble des hommes et femmes présents à la passerelle que, malgré le sang qui commençait à tracer un fin sillon sur son front, l'amiral était encore en «état de marche».

    L'ennemi en question n'était rien d'autre que l'une des plus grosses puissances pirates, un de ces empires qui avaient pris, peu à peu, le contrôle de bon nombre des activités de la galaxie. Ainsi, rares étaient les ressources qui n'étaient pas tôt ou tard destinées à finir dans les soutes de leur cargos. Tout état dépassant une certaine puissance économique et n'étant de ce fait plus protégé par les forces de la Looki.corp (organisation internationale toute puissante, disposant des moyens suffisant pour faire régner sa loi aussi longtemps qu'elle le voulait... la base de la plupart des maux d'Australis) subissait leurs pillages à répétition, perdait flottes après flottes, et ce sans le moindre espoir de répliquer (à moins, bien sûr, de rentrer dans le jeu de certains de ces empires en s'y alliant).

    Certaines alliances pacifistes s'étaient insurgées contre ce système: parmi elles, le FPB regroupaient plusieurs empires voulant évoluer sans avoir à exploiter des nations plus faibles. Il avait été fondé, 4 ans auparavant, par l'Empire Titanien. Il regroupait maintenant une vingtaine d'états, et c'était sous sa bannière que combattait désormais l'Amiral Terenseth.

    «-Lieutenant, état du générateur de saut quantique?
    -En surcharge de... (Gaby, c'était son surnom, attendit nerveusement quelques secondes que les chiffres de sa commande passent au vert) 1, 2%! Initialisation du saut!» Les propulseurs sub-luminiques se coupèrent, les systèmes de leurres stoppèrent, les explosions de torpilles reprirent. Encore 20 secondes. Les rapports de dégâts arrivèrent en masse. 15. L'affichage de l'intégrité de la coque se couvrit de rouge vif. 7. Une goutte de sueur se mêla au sang pour couler sur la joue d'Ehmen. 4. Combien y-a-t-il put avoir de mort sur son bâtiment depuis tout à l'heure? 2. Finissons-en avec cette vie-là, allez finissons-en! 1. Vas-y, une bonne fois pour toute, allez! Une torpille, une seule, et ce sera fait! Finis-moi!

    Un flash parcourut le vaisseau. L'HMS Arès s'était dérobé à son destin.
    Dernière édition par Naxos Terrell le Jeu Juin 16, 2011 5:18 pm, édité 2 fois.
    Image
    Avatar de l’utilisateur
    Naxos Terrell
    Cadet
    Cadet
     
    Messages: 24
    Inscription: Sam Juin 04, 2011 12:14 am

Sam Juin 04, 2011 1:13 pm

  • 27 Décembre
    A bord de l'Arès
    Bordure du système 508, Secteur E10, Australis

    «-Allez, faites-nous revenir à ce bon vieil espace Einsteinien!» Lança le commandant au manœuvrier en guise d'ordre de sortie d'hyper. Cela faisait presque une semaine que les mécaniciens de bord tentaient désespérément de réparer le moteur supra-luminique. Celui-ci, très largement endommagé lors de la bataille (tout comme la grande majorité des systèmes du vaisseau), n'avait pour le moment pas réussi à dépasser les 4000 warps (soit 2 fois moins que sa vitesse habituelle) et avait subi des surchauffes à répétition empêchant de faire des trajets de plus de quelques heures d'affilées et obligeant à effectuer de très longues pauses. Ils avaient néanmoins réussi, tant bien que mal, à rallier le point de rendez-vous fixé à l'avance en cas de fuite. Bien évidemment, les systèmes de communications eux aussi avaient beaucoup souffert : à dire vrai, ils avaient même été totalement détruits. Les rescapés n'avaient donc aucune idée du nombre d'appareils ayant survécu.
    La sortie d'hyper se fit sans qu'aucune avarie ne soit à signaler.
    «-Bon, ça se présente plutôt bien... Lancez le scan du système, chef.» Une tension était toujours palpable dans la voix de l'amiral, mais elle était désormais infondée. De ce qu'il avait vu juste avant de partir, seule la perte de quelques croiseurs légers était à déplorer. Si l'Arès avait réussis à s'en tirer (de justesse, mais il l'avait fait) pourquoi pas les autres?

    Un silence pesant tomba soudain sur la salle, chacun suspendant ses mouvements en attente du résultat du scan ; celui-ci étant superficiel et visant uniquement a détecter les navires amis et ennemis non-camouflés, quelques secondes lui suffisaient. Au bout d'une minute, l'officier détection avait toujours les yeux rivés sur le tableaux de données. Les regards se croisèrent.
    «-Rien lieutenant?
    -Si, mon commandant. Deux vaisseaux titaniens. D'après leurs transpondeurs, il s'agit de L'Illustre, classe centaure, et du transporteur Princesse Helenaï...»

    Une demi-heure plus tard, une navette venant de l'Illustre se posa dans le hangar tribord encore encombré de nombreux débris. Évidemment, l'Arès n'ayant put ni envoyer ni recevoir de transmissions, personnes n'en savait plus sur les raisons de l'absence de la majorité de l'escadre. La porte du sas s'ouvrit, Ehmen était présent pour accueillir les passagers ; il ne fut évidemment pas surpris de voir sortir, à travers l'étroite ouverture, le capitaine de vaisseau Herbert Falcon, commandant de l'Illustre. En revanche, la présence de la vice-amirale Rosenwald lui causa un tressaillement qu'il ne put dissimuler: à ce moment précis, cette dernière aurait dût se trouver à bord de l'HMS Thémistocle, en route pour un nouveau théâtre d'opérations, pas ici.
    «-Pouvez-vous me dire ce que cela signifie, bon sang?
    -C'est malheureusement plus simple que nous le voudrions» répondit Alexandra, plus blême qu'un macchabée. Elle se tourna un instant vers le capitaine, comme désirant lui déléguer cette lourde tâche, avant d'affronter le regard de l'amiral. «Premièrement, toute votre escadre, exception faite du vaisseau du commandant Falcon et de deux croiseurs légers, à été... détruite.» Elle marqua une pause, sentant que son interlocuteur en avait bien besoin. «En fait, la plupart a réussi à passer en hyperespace, enfin si on peut dire ça. Mais leurs coques étaient bien trop entamées pour effectuer le saut, et ils se sont littéralement désintégrés...» A ce moment, elle aurait normalement dut placé un petit «désolé», pensa Ehmen ; ce n'était donc pas tout.
    «- Et deuxièmement, reprit-elle, si je suis ici et non pas à bord du Thémistocle, c'est que..que... (elle respira un grand coup) C'est qu'il a été détruit, tout comme le reste de mon escadre. La force d'invasion ennemie avait pris ses dispositions, malgré ce que semblaient indiquer nos informations. Elle était accompagnée d'une escadre armée. Je suis désolé amiral, la flotte Titanienne n'est plus.» conclut-elle enfin.
    Dernière édition par Naxos Terrell le Jeu Juin 16, 2011 5:19 pm, édité 1 fois.
    Image
    Avatar de l’utilisateur
    Naxos Terrell
    Cadet
    Cadet
     
    Messages: 24
    Inscription: Sam Juin 04, 2011 12:14 am

Dim Juin 05, 2011 1:14 am

  • 2 Janvier 844
    Palais de Nouvelle-Tsa
    Planète Titan239, système 8720, Australis

    Un des murs latéraux de la salle du trône était entièrement constitué d'une vaste baie vitrée, qui offrait une vue imprenable sur les jardins de la résidence impériale ; la cime des platanes, marronniers et autres conifères de la Vieille Terre laissait apercevoir les immeubles des beaux quartiers de Nouvelle-Tsa. Au milieu de la pièce se trouvait une table de conférence, toute aussi moderne que l'ensemble des lieux. Et au bout de cette table, sur un magnifique siège de style contemporain, l'impératrice Andreanov VII, dite «Minerva», appartenant à la dynastie des Iraes, tapotait nerveusement le bras de son «trône» tout en lisant le rapport de son ministre de l'économie. Celui-ci indiquait que la perte de toute sa flotte de guerre avait déjà, moins de deux semaines après que la nouvelle ce soit répandue, des répercussions dans le monde de la finance. D'après les experts du gouvernement, une forte dépression était à prévoir. Elle leva la tête et regarda l'amiral Terenseth, assis à sa droite sur le siège le plus proche d'elle.
    «-C'est encore pire que ce que je croyais, avoua-t-elle dans un soupir, et ce que je croyais était déjà catastrophique.
    -Je cherchais justement les mots définissant le mieux la situation, Votre Majesté...
    -Amiral, je pensais ne pas avoir à vous l'indiquer, mais je souhaite que nous nous passions, durant cet entretien, des formules de bienséance qu'impose habituellement l'étiquette, aussi plaisantes soient-elles.» Le militaire acquiesça d'un signe de tête.
    «-Bien. Si je vous ai convoqué ici, en privé, c'est uniquement pour pouvoir parler le plus librement possible, non pas de notre gestion de cette crise naissante, comme vous pourriez le penser, mais d'un projet en préparation depuis un long moment déjà, et que nos problèmes actuels me poussent à mettre en œuvre.» Les sourcils de l'amiral trahirent son étonnement. «Je sais bien que ces derniers mois, vous aviez d'autres chats à fouetter, mais vous souvenez vous du projet Exeçao-Craor-9-BZ? Celui que vous surnommiez, inter nos, «Inutilia-Ininterresanti-9-BZ»...
    -Ah! Hum... Oui... Vaguement... Je me souviens surtout d'un charabia scientifique strictement indéchiffrable, et également que ce projet ne concernait a priori pas le domaine militaire.
    -Je vais vous rafraîchir la mémoire: il y a deux mois, comme vous le savez, l'Amiral Torvucci a déclaré avoir fait une découverte scientifique majeure, une «porte» exploitant une faille dans la structure spatio-temporelle, menant vers un autre plan, univers ou dimension... appelez-ça comme vous voudrez. Il affirmait également que ce plan hébergeait de la vie, et même d'autres civilisations. Il décida donc, suivi de plusieurs autres dirigeants, de mener une flotte de colons et de lui faire traverser le portail entre nos deux dimensions. Personnellement, j'avais jugée cette affaire comme une nouvelle folie produite par son esprit malade... Cependant, une partie de la communauté scientifique titanienne, dont plusieurs académiciens, m'avait convaincue qu'il serait, sinon important, du moins intéressant de se pencher sur la question. L'ARST * s'était vue débloquer quelques fonds pour mener à bien ses propres recherches. Elle conçue une sonde capable, d'après leurs calculs très approximatifs, de survivre à la traversée de la singularité. Elle était programmée pour passer le portail, puis chercher des émissions électromagnétiques typiques d'une forme de civilisation avancée.» Prenant un léger plaisir à faire patienter l'amiral, elle s'arrêta quelques secondes, le temps de contempler la vue de ses jardins.
    «-Cette sonde est revenue, et elle a réussie sa mission: oui, il y a bien des civilisations avancées dans cet autre Univers.» Ehmen fut bien évidemment interloqué par cette annonce, mais pas autant qu'on aurait put l'imaginer.
    «-Votre Majes... Hum, désolé, l'habitude... Croyez-bien que je me réjouis de cette nouvelle pour le peu... inattendue, mais je vois encore mal le lien entr...
    -Vous allez commander une flotte de colonisation, avec comme figure de proue l'HMS Arès, et vous l'amènerez sur une planète habitable dans cette autre dimension.» Là, il était réellement interloqué. Dans les yeux de la femme de 64 ans (mais qui en paraissait 45 grâce aux technologies de ralentissement du vieillissement) brillait une lueur enfantine, qui adoucissait l'expression grave de son visage. Il fallut bien une minute avant que l'amiral puisse enfin formuler une phrase de bout-en-bout.
    «-Écoutez, je sais bien que la situation vous paraît désespérée, mais sachez que nos problèmes sont essentiellement militaires, et ce n'est pas nouveau... Combien de fois, ses dernières décennies, avez-vous tentée de constituer une force militaire majeure, avant que vos ambitions ne soient écrasées par une puissance déjà établie? Du reste, pour ce qui est des difficultés économiques, sociales voir même politiques qui s'annoncent, elles non-plus ne seront pas totalement inédites... Le peuple Titanien y a déjà résisté, pourquoi pas cette fois-ci?
    -Car cette fois-ci, le problème est bien plus grave: il ne se limite pas à notre empire.» Son trône étant surélevé par rapport aux autres sièges, elle se pencha en avant pour se mettre au niveau de l'amiral. «Ehmen, vous savez parfaitement de quoi je veux parler. La Looki ferme les yeux tandis que le processus qu'elle a mis en route s'intensifie, les petits états se meurent, les puissances pirates s'enrichissent, leurs capitaux grossissent. Ce système, qui à la base devait se fonder sur différentes voies de développements se recentre sur la guerre et la piraterie. Il est pourri, et désormais le moindre signe de faiblesse de la part d'un empire signe la fin de sa liberté. Savez-vous réellement ce qui attend le peuple Titanien si nous ne savons plus le défendre? Les attaques, les raids, les combats au beau milieu des villes, les morts, la terreur, la reconstruction, à nouveau la destruction, la servitude, et ce sans relâche: blood, sweat and tears! ** Et tout cela pourquoi? Pour avoir le privilège de voir l'effondrement de toute l'organisation d'Australis, puis de Boréalis et Polaris, puisqu'elles aussi sont victimes de la gestion lookienne. Et dans le chaos, croyez bien que notre civilisation n'échappera pas à l'ensevelissement. Or il se trouve qu'à 19 ans, j'ai fait le serment de protéger cette civilisation, sa culture, ses arts, ses connaissances...» A bout de souffle, elle dut faire une courte pause. «Plus encore que mon peuple lui-même! Alors oui, vous allez commander cette fichue flotte, oui vous allez sauver la civilisation Titanienne et une minorité de privilégiés, et oui vous allez nous laisser, moi et la grande majorité de mon peuple, affronter seuls le chaos qui s'annonce. Car si je n'ai pas fait le serment de le protéger plus que notre civilisation, j'ai en revanche jurer de rester avec lui dans les épreuves les plus douloureuses. Allez, ce sera tout, vous pouvez disposer ; préparez-vous, un conseil exceptionnel aura lieu ce soir, à cette table, à propos du projet dont je viens de vous faire part. Je vous laisse la surprise des noms des participants, de toute manière vous devez vous en douter.» A la fin de sa tirade, sa fureur bouillonnante s'était effacée, même si une veine particulièrement inélégante ressortait toujours aussi violemment de sa tempe. N'ayant rien à redire à ce discours, Ehmen Terenseth remit sa casquette d'amiral noire aux figures dorées en place et se dirigea vers la porte en faisant attention à ce que son sabre de commandement ne traine pas sur le sol. Au moment où il allait quitter la pièce, l'impératrice l'interpela:
    «-Oh! Un dernier petit détail! Ne prévoyez rien pour jeudi prochain. Vous aurez droit à une cérémonie de décoration: je vous nomme Lord Amiral de la Flotte Spatiale Impériale, si on peut encore parler de «flotte». Voilà, c'était juste ça.»

    *Administration de Recherche Spatiale Titanienne
    ** "du sang, de la sueur et des larmes", extrait du discours de Churchill de 13 Mai 1940, lors de son investiture en tant que Premier Ministre, à propos de la guerre que le peuple britannique s'apprête à affronter
    Dernière édition par Naxos Terrell le Jeu Juin 16, 2011 4:56 pm, édité 2 fois.
    Image
    Avatar de l’utilisateur
    Naxos Terrell
    Cadet
    Cadet
     
    Messages: 24
    Inscription: Sam Juin 04, 2011 12:14 am

Jeu Juin 16, 2011 4:40 pm

  • 6 Février 844
    Parc Leonov, Seteï
    Planète Thétys, système 877, Australis

    Le parc paysager Leonov, le plus vaste de tout le continent nord-est de la planète, était devenu relativement célèbre pour le cadre dans lequel il se situait: planté en haut d'un contrefort naturel surplombant les chantiers navals et spatiaux, ses visiteurs avaient une vue imprenable à la fois sur les vaisseaux en construction, les différents spatioports, le port (Seteï était une ville côtière) et même, encore plus éloignés, les docks destinés au transport de fret. Thetys était principalement orientée vers le commerce, tant à l'échelle interne qu'internationale, qui avait fait d'elle une puissance autonome par rapport à Titan239. Mais depuis quelques temps, s'était également une terre d'exil pour des dizaines de milliers d'habitants de la planète mère, et le balais des ferrys interstellaires animait l'astroport civil encore plus qu'à l'accoutumée.

    Dans une allée de cerisiers, Andreanov, accompagnée de la vice-amirale Rosenwald et du Lord Amiral, admirait l'astronef qui dominait par son ombre une dizaine de bâtiments légers. Elle fixait plus précisément le groupe d'ouvriers et de robots qui, vus d'une telle distance, formaient une tâche sombre sur le flanc droit de l'appareil, juste au-dessus d'une batterie anti-chasseurs. La bête, nichée dans son bassin de radoub depuis plus d'un mois, était en pleine mue: l'inscription «Arès» qu'arborait fièrement sa cuirasse se transformait, sous le fourmillement des travailleurs, en «Athéna». S'était une décision commune de l'ensemble du gouvernement, approuvée par l'impératrice: le premier ambassadeur de l'Empire dans un univers inexploré, auprès de civilisations encore inconnues, ne devraient pas porter le nom d'un dieu de la guerre, de ses horreurs, de la destruction, bref de tout ce qu'allait fuir la flotte de colons. Athéna, à l'inverse, représentait la lutte juste s'effectuant dans les règles, la protection du peuple, la sagesse, la pensée.

    Le léger accent germanique d'Alexandra sortit la souveraine de ses réflexions:
    «-Je sais bien que nous n'avons guère d'autres choix, mais Votre Majesté, vous devez bien admettre que -2°C, un temps venteux et peut-être quelques neiges... On pourrait souhaiter meilleures conditions pour dire au revoir à son monde natal!» Le départ de la flotte Horizon (c'est ainsi qu'avait été nommée la flotte d'exode) devait à l'origine avoir lieu le 14 Janvier. Cependant, une série d'accidents lors de la construction des 11 vaisseaux de colonisation de classe Swallow avait repoussé le voyage au 1er Mars: le début de l'hiver sur le continent nord-est. Déjà, en ce mois de février, et malgré le soleil que presque aucun nuage ne dissimulait et la parure bleue turquoise qu'arborait le ciel, le froid avait commencé à s'implanter dans toute la région. Emmitouflé dans son vieux trenchcoat noir en vraie laine, le Lord-Amiral fit remarquer qu'il était largement temps de faire le grand départ ; les deux femmes acquiescèrent d'un signe de tête. Deux semaines auparavant, une série de raids avaient achevés les défenses de Titan239 et l'armée ennemie avait pris le contrôle des principales métropoles, se servant allègrement dans les stocks de ressources de la planète mère. Trois jours après, la colonie minière de Hope était également tombée, et seuls quelques parsecs séparaient désormais les transporteurs de troupes ennemis d'Hypérion, la cinquième et plus jeune planète titanienne. Situées à plus de 95 parsecs de là, les colonies Thetys et Encelade échappaient pour le moment aux assauts, mais pour combien de temps encore?

    «-Bon, je ne suis pas venue ici pour me replonger dans de sombres pensées, j'ai assez à faire avec les rapports quotidiens des territoires occupés, déclara Andreanov en se tournant vers les deux hauts-gradés. Alors, que pensez-vous de cette traversée, sincèrement?
    -Pour ma part, répondis la vice-amirale, je prend cela avec optimisme... Je veux dire, ce n'est pas la première fois que notre peuple doit se lancer dans l'inconnu, il suffit de regarder les récits des deux Exodes pour s'en rendre compte! La seule réelle différence est que cette fois, nous ne sommes pas les seuls à faire le grand saut, d'autres dirigeants ont opté pour la même option, et avec succès apparemment.
    -Même si je suis globalement de ton avis sur de nombreux point, Alex, il y a néanmoins une chose qui à tendance à m'inquiéter, interrompit Ehmen. On sait désormais que le portail inter-dimensionnel n'est pas stable, et qu'il pourrait très bien nous envoyer à plusieurs centaines, voir milliers de parsecs de notre destination ; il se pourrait même que les vaisseaux de la flotte soient séparés les uns des autres. Comble du risque, nous n'avons toujours pas déterminé de planète sur laquelle nous installer, et si Horizon se retrouve éparpillée dans toute la galaxie, voire au-delà, sans point de rendez-vous précis...
    -Hum, superbe... Quand à vos vaisseaux respectifs, où en sont-ils? S'enquit Andreanov, voulant détourner la conversation.
    -Voilà au moins un point positif, Votre Majesté, fit le Lord Amiral en esquissant un petit sourire de satisfaction. Comme vous pouvez le voir (il se tourna vers l'Arès) notre vaisseau amiral se remet de ses déboires assez rapidement, et nous pensons avoir le temps d'effectuer un ou deux vols tests, en espérant qu'aucune avarie n'aura lieu. Quand à l'Illustre... (Il aperçu le regard en coin de sa collègue)... Eh bien, vice-amirale, comment va votre bébé?
    -Parfaitement bien! Deux vols de tests, et aucun problème à signaler! Je peux vous assurer sans prendre trop de risques qu'il sera opérationnel largement avant échéance!» Contrairement au Lord-Amiral, elle affichait un sourire bien plus large exprimant tout son enthousiasme. La destruction du Thémistocle avait été un désastre pour elle, même sur le plan personnel. Elle y avait perdu plus du tiers de son équipage, des hommes et des femmes qu'elle commandait depuis plus de deux ans. Ça, et le récent divorce d'avec son épouse, Marinaan, l'avaient plongés dans une inquiétante dépression. Sa nouvelle mission, le commandement de l'Illustre (un cuirassé presque aussi imposant que ceux de classe Hadès) et l'espoir de trouver une terre d'accueil pour tout une partie de son peuple lui redonnaient une joie de vivre qu'elle laissait pleinement s'épanouir, malgré la retenue qu'imposait habituellement son poste.
    «-Ajoutez à cela le fait que la construction des Swallows avance maintenant au rythme souhaité et que les 236 000 colons ont à peu près tous été choisis... N'ayez crainte, Lord Amiral, la civilisation titanienne s'apprête à montrer, une nouvelle fois, que nul ne peut la saisir et la réduire en cendre: ni le fracas du chaos, ni les abysses du temps.» Sur ces paroles de pythie, la monarque alla s'appuyer sur le muret marquant la bordure du contrefort, face au vide. Son visage se para d'un air morne, ses yeux se plissèrent sous la froideur d'une légère bourrasque. Ses lèvres se desséchèrent, sa chevelure blonde platine sembla grise sous l'ombre d'un nuage. L'espace d'un instant, ses traits reflétèrent son véritable âge. L'âge de céder sa place, pensa-t-elle.
    Image
    Avatar de l’utilisateur
    Naxos Terrell
    Cadet
    Cadet
     
    Messages: 24
    Inscription: Sam Juin 04, 2011 12:14 am



Retourner vers Station Diplomatique Centrale




Informations
  • Qui est en ligne
  • Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 4 invités