Des centaines de rapports de mission font état d’une structure pirate de taille gargantuesque. D’après nos espions sur Thelios, il semblerait que les pirates possèdent une Grande Porte. Espen se redressa d’un bond sur son fauteuil rembourré. Le pauvre avait eu la vie dure et était entaillé à de nombreux endroits. Butor nota dans un coin de son esprit de penser à lui en faire livrer un autre, le sixième en deux semaines. La fillette, qui bientôt n’en serait plus une le regardait comme un regard qui le dérangeait. Qui le dérangerait toujours. Un mélange de plaisir enfantin et de furie barbare. J’ai fait dépêcher douze cent sondes pour la cartographier. Il semblerait que les pirates la laissent allumer en permanence. Et mieux encore, ils n’ont pas montrés de signe d’hostilité. Les sondes ont pu établir un modèle tridimensionnel de la porte. Nous avons même réussi à traverser.
Le Premier Général marqua une pause. Sous l’excitation, l’impératrice avait serré la lame qu’elle tenait dans ses mains et s’était entaillée. Il s’attendait à devoir plonger pour éviter un éventuel projectile. Cependant, il ne vint pas. Espen se contenta se lécher la plaie en faisant un signe de sa main valide, un signe montrant une impatience grandissante.
Un des pirates que nous avons capturé nous a dit que le cadran de destination de la porte s’appelait le Corridor de Verdon. Il s’agit d’un cadran d’à peine un millier années-lumière d’après une première estimation. Et il semblerait qu’une troisième porte mène jusqu’au cadran d’Aelron. Nouvelle pause. Les yeux de l’infante lançaient des éclairs. Les seuls contacts que le Comptoir avait avec Aelron provenaient de la Station Diplomatique Centrale, une immense structure permettant de relier les réseaux de communication des différents cadrans. Et visiblement, Espen avait déjà une liste de cibles. Il poursuivit son rapport, mais elle ne l’écoutait plus.
Yelena Sokov n’avait pas eu une vie facile. Orpheline, elle avait appris très jeune que l’argent était essentiel. Elle avait vendu son corps pour survivre, laissant des porcs abuser d’elle en échange d’une poignée de crédits. Puis elle avait découvert les Sœurs de la Piété. Cet ordre ancestral n’était en fait qu’une couverture pour un réseau de prostitution de luxe. Elle avait d’abord pensé qu’elle n’avait pas bougé d’un pouce. Mais avec le temps, elle se rendit compte que ses clients étaient plus attentionnés, et surtout, plus puissants et fortunés. Elle avait quitté les bas-fonds sordides où se mêlaient poivrots et coupe-jarrets pour boire des cocktails dans des soirées mondaines au bras d’un industriel ou d’un politique. Certes, elle se vendait toujours comme une marchandise mais au moins, elle pouvait profiter des plaisirs qu’apportait sa « fonction ». Et les drogues lui permettaient de s’évader quand sa condition lui pesait.
Le soir de son trentième anniversaire, elle accompagnait un magnat d’Erh Egor. Elle riait à ses blagues vaseuses, remplissait son verre et exhibait ses courbes dans une robe coutant plus cher que son appartement. Le travail habituel. Cependant, ce jour devait marquer un tournant dans sa vie. Un de ses talons -démesurément hauts comme le voulait la mode sur la planète- se casse et elle tomba à la renverse. Sa chute aurait marqué la fin de sa carrière et aurait provoqué un éclat de rire général. Mais un bras salvateur la retint et son pirouette passa inaperçue. Alors qu’elle allait remercier son sauveur, elle se décomposa. Celui-ci n’était autre que Septi Egor, l’actuel gouverneur et petit-fils du fondateur de la colonie. Elle resta plantée là, embêtée comme une vache devant un train magnétique, en équilibre sur un pied tandis qu’il la dévisageait.
Le gouverneur était un homme de la quarantaine d’année, plutôt bel homme sans pour autant être un canon de beauté. Il avait succédé à son aïeul quand celui-ci avait décidé de se retirer et il avait développé la planète avec brio, la transformant en centre industriel d’un royaume en plein expansion. Il mit un genou à terre, soulevant légèrement sa robe et lui enlevant ses talons. Puis il se redressa et l’attira à l’étage. De toute sa vie, jamais elle n’avait aimé un homme comme elle l’a aimé. Et cette nuit marqua le début d’une relation passionnée, tout du moins pour elle qui allait la conduire à sa place actuelle.
Quatre années s’étaient écoulées. Yelena était devenu la favorite d’Egor, faisant d’elle la femme la plus influente de la planète. Elle avait vécu mille et une choses fantastiques, allant même jusqu’à voyager dans un vaisseau de luxe jusqu’à Elenia, la planète capitale du royaume. Elle avait rencontré Espen, sa future reine et Belir, son père, le roi. La jeune princesse allait sur sa douzième année et sa beauté avait frappé la favorite. Elle se sentait fade à ses côtés. Ils rentraient à peine de leur séjour qu’un soldat se présenta à l’entrée de leurs appartements. Celui-ci était nerveux et pressait le gouverneur pour qu’il rejoigne le centre de contrôle, quatre-vingt étages plus bas. Un message de la plus haute importance l’y attendait. Le roi était mort. Il avait été assassiné. Sa fille, Espen s’était nommée impératrice et demandait à tous les anciens serviteurs de son défunt père de lui prêter allégeance.
Yelena ne comprit pas la réaction de son amant. Celui-ci se rebella et refusa de reconnaitre Espen comme son impératrice. Elle apprit le lendemain que l’infante avait elle-même poignardé son père et avait pris sa place sur le trône. Les Egor avaient toujours été fidèles au roi et Septi, en tant que dernier représentant de sa lignée ne comptait pas changer cet état de fait. Ainsi, Erh Egor fut déclaré monde paria et une armada de sécurité fut dépêchée de la bordure extérieure du nouvel empire pour aller y mater la rébellion. Il lui faudrait cinq mois pour arriver et le gouverneur avait bien l’intention de mettre ce temps à profit pour se préparer. Il nationalisa toute l’industrie et transforma les usines en fabriques d’armes. Il sonna la mobilisation générale et enrôla plus de dix-huit millions d’hommes et de femmes pour les former au combat.
Pendant ce temps, Yelena était seule. Son amant dormait peu, ne rentrant plus qu’une fois par semaine. Elle se sentait de plus en plus délaissée. Pour combattre l’ennui, elle alluma l’astracom. Même si l’empire, qui avait pris le nom de Comptoir d’Espen avait coupé toute possibilité d’envoyer des messages, ils continuaient d’en recevoir. La femme se perdit dans le flot d’information qui arrivait. Sur les quatre colonies qui composaient le royaume, deux d’entre elles avaient fait sédition. La seconde était Rok, une planète peu développée sur la bordure orientale de l’empire. La jeune impératrice y avait envoyé la troisième flotte de défense pour y faire régner l’ordre et purger la planète. Krya, la capitale avait été rasée depuis l’orbite. Quarante millions de morts en quelques secondes. La planète avait capitulé dix-sept minutes plus tard. Mais Espen avait refusé la capitulation. Et la purge avait commencée. L’ensemble de la classe dirigeante -du gouverneur, tiré de son bunker par des troupes de choc au petit haut fonctionnaire- avait été pendue sur un échafaud construit sur les ruines encore fumante de l’ancienne capitale. Cent vingt millions de personnes furent déportés vers les autres planètes de l’empire.
Yelena était fascinée et effrayée à la fois. Elle savait qu’Erh Egor pouvait résister un temps à l’impératrice. Mais ils finiraient par manquer de tout, la planète ne pouvant subvenir aux besoins des trois cent millions d’habitants. D’un coup, l’astracom émit un bip sonore. Le son caractéristique d’une annonce officielle. Intriguée, la femme valida la transmission et commença à regarder la jeune impératrice. Celle-ci était sur le pont d’un vaisseau, en arrière-plan, Elenia resplendissait. Le discours avait déjà commencé.
…L’avènement d’une nouvelle ère. Finies ces années d’immobilisme où une poignée d’individus, pourris par l’argent et le pouvoir ont freiné le progrès en marche. Le Comptoir a rejoint le Dominion Zetran. Bientôt, le Comptoir règnera sur des dizaines de mondes, des centaines de mondes et ce, sur des milliards d’années-lumière. Nos troupes s’emploient actuellement à traquer et à punir tous les traitres et les dissidents, où qu’ils soient. Une explosion retentit. Il fallut à Yelena un moment pour comprendre qu’elle ne provenait pas de la vidéo. L’image se brouilla pendant une bonne minute. Puis elle revint.
Soyez loyaux, soyez fiers et vous serez l’avenir de l’univers !
Puis une alarme se déclencha et un soldat ouvrit la porte en trombe. Il s’arrêta à quelques mètres de la favorite.
Vous allez bien ? Il semblerait qu’une bombe ait explosé dans le bâtiment des finances. Il menace de s’effondrer. Mais vous etes en sécurité ici. Ne sor… Le malheureux n’eut pas le temps de finir. Un homme s’était glissé derrière lui et lui avait tranché la gorge. Il regarda sa victime se vider de son sang pendant quelques instants puis se tourna vers Yelena. Il la pointa avec son bras, sur lequel était fixée une arme cinétique.
Vous etes seule ? Apres un temps, la femme acquiesça. L’homme ferma la porte et y posa un verrou magnétique. Puis il sortit une combinaison et un module de propulsion dorsal de son sac et commença à s’equiper, tout en menaçant Yelena de son arme. Celle-ci le regardait avec insistance, puis lui demanda :
Pourquoi faites-vous cela ? L’homme arrêta sa besogne, la dévisageant un instant.
Parce que je suis loyal à l’impératrice, et vous devriez en faire autant. Puis il finit de s’équiper. Faisant fi de toute discrétion, il changea de cible et pointa une des baies vitrées de la pièce. Trois projectiles partirent de son gantelet et traversèrent le verre haut résistance comme si ça avait été du papier, projetant les éclats dans la rue deux cent mètres plus bas. Avant qu’il ne saute et prenne son envol, elle lança avec un ton proche de la supplication :
Mais je ne suis qu’une femme, je ne peux rien faire. Il tourna la tête vers elle.
Espen n’est qu’une fillette après tout Puis il abaissa la visière de son casque et sauta dans le vide avant de repasser deux secondes plus tard devant la fenêtre, s’envolant grâce à son propulseur.
L’incident eu un effet dévastateur sur le moral des combattants. Outre les soixante-quinze morts dans l’attentat, c’est surtout le sentiment que la guerre avait vraiment commencé qui minait les troupes. Jusqu’à présent, ils n’avaient fait que s’entrainer, peu d’entre eux était vraiment préparés pour un vrai combat. Le gouverneur avait tenté à plusieurs reprises de remotiver ses hommes, sans grand succès. Yelena ne le quittait plus d’une semelle, le suivant à chaque réunion. Ce que lui avait dit le terroriste le travaillait. S’ils continuaient comme ils le faisaient, ils allaient tous mourir, emportant avec eux une bonne partie de la population. Mais ils ne pouvaient pas non plus se rendre et s’exposer à la purge. Elle ne trouvait pas de solution et maudissait son inutilité.
Le troisième jour de Volahn, la seconde flotte de défense sortit de l’hyperespace à moins d’un milliard de kilomètres d’Erh Egor. L’armada était composée de quarante-quatre vaisseaux de tonnages divers. Au milieu de la formation trônait Lerhech, fleuron du royaume devenu empire. D’ici sept heures, les forces du Comptoir seraient à portée de canon. Mais la flotte de défense coloniale, fidèle au gouverneur ne résisterait pas plus de quelques heures. L’état-major était rassemblé dans le centre de commandement, bunker enfoui à plus d’un kilomètre de profondeur. Tous attendaient car à partir de maintenant, leur sort n’était plus entre leurs mains.
Yelena sursauta. L’écran principal montrant l’avancée de la flotte avait soudainement changé. Espen, avachie dans le fauteuil de commandant du croiseur lourd était apparue. Malgré son jeune âge –l’impératrice avait alors d’à peine plus de douze ans-, elle ne ressemblait pas à une enfant. Son regard était empli de tristesse, comme celui d’un vieillard repensant à ses amis disparus. Puis elle se redressa et son air enfantin revint. Son visage se para d’un sourire qui aurait fait fondre une brute.
Mes salutations Septi Egor. Je suis attristée de vous perdre aujourd’hui. Vous avez été un gouverneur de génie. Vous auriez eu votre place dans mon empire. Mais vous avez tout gâché. Elle affichait toujours son sourire. J’avais une seule question à vous poser. Pourquoi ?
Le dernier descendant d’Egor la toisait avec mépris. La fillette qu’il encensait une année auparavant été devenu pour lui un être répugnant et perfide.
Vous avez craché au visage de vos ancêtres. Vous avez détruit en un battement de cils ce que votre père avait mis plus de quarante ans à bâtir. Et vous avez le culot de demander pourquoi je refuse de vous suivre dans votre folie.
L’infante détourna le regard un instant. Un colonel apparu à l’écran. Il se pencha légèrement vers l’impératrice mais ses mots étaient parfaitement audibles.
La flotte coloniale est à vos ordres. L’amiral Strak a prêté allégeance. Bek et ses hommes attendent leur feu vert. Il se tourna vers l’écran. Yelena sursauta à nouveau. Elle avait reconnu l’homme qui s’était enfuit par la fenêtre de ses appartements.
Bien, rejoins le et commencez. Puis elle fixa à nouveau son attention vers le gouverneur. Vous appelez ça de la folie. Cependant, un sacrifice est parfois nécessaire pour assurer le bien d’un plus grand nombre. Je vais détruire la pourriture qui gangrène le Comptoir. Mais je n’ai plus à vous convaincre, vous avez choisi votre camp.
Septi s’était levé. Il bouillonnait de rage. Il allait répondre quand il vacilla. Yelena avait enfin compris. Elle s’était elle aussi levée. Et elle avait plantée la dague qu’elle portait à la ceinture dans le dos de son amant. Sans que personne ne réagisse, elle s’approcha de l’écran, couverte du sang de l’homme qu’elle avait aimé.
Moi, Yelena Sokov Sa voix dérailla. Moi, Yelena Sokov prête allégeance au Comptoir et à son impératrice, Espen. Ma vie vous appartient. Elle se retourna sans attendre de réponse. Les amiraux et généraux présents la regardaient, médusés. La femme se pencha sur le cadavre du gouverneur. Puis elle se releva, l’arme de son amant en main. Elle ouvrit le feu jusqu’à ce que son chargeur soit vide, jusqu’à ce qu’il ne reste plus personne en vie à part elle.
Yelena n’avait pas eu une vie facile. Elle se remémorait chaque épisode de sa vie avant chaque rencontre avec son impératrice. La catin était devenue gouverneur, maitresse et guerre et tant d’autres choses au fil du temps. Mais l’heure n’était pas aux souvenirs. Sans plus attendre, elle franchit la porte qui devait la conduire jusqu’à Espen. Butor était là. Il n’avait pas changé depuis la première fois qu’elle l’avait rencontré, dans cet appartement. Mais elle avait changé. Elle avait énormément changé. Alors qu’elle entrait, il s’inclina respectueusement et sortit. La presque femme commença sans préambule.
Tu pars immédiatement. L’amiral Jinta t’attend à bord du Cerni, il t’expliquera les ordres de missions à bord. Mets en ordre tes affaires, tu pars pour plusieurs années. Puis l’infante fit pivoter son siège en direction de la baie vitrée donnant sur le spatioport, signe que la discussion était close.
Le Premier Corps Expéditionnaire du Comptoir était une flotte impressionnante. Le Cerni, cadeau du Consortium d’Hyansun au Comptoir était accompagné de vingt et un croiseurs d’escorte, de cent trente croiseur d’interception et de cent deux ravageurs. Mais outre la formation de croiseurs, l’armada pouvait compter sur plus de quatre cent mille chasseurs, dont cinquante mille Aigles Rouges, les nouveaux chasseurs lourds à armement polyvalent et cinquante mille chasseurs lourds à torpilles à plasma. Jamais Yelena n’avait vu de flotte aussi imposante de ses yeux. Pour parfaire le tout, trois millions de soldats, choisis parmi les forces d’élites de Yelena avait embarqué dans les Ruches. Elle ne connaissait pas encore exactement les cibles, mais la maitresse de guerre savait qu’ils allaient regretter de s’être mis sur le chemin d’Espen.
Jinta l’avait rapidement briefé. Ils partaient pour Aelron. Yelena avait demandé comment l’armada comptait s’y rendre, mais l’amiral ne lui avait pas répondu. Maintenant, elle comprenait. La structure était encore à un demi-milliard de kilomètre, mais elle éclipsait déjà des planètes entières. A cette distance, elle ne distinguait pas encore l’effervescence qui régnait autour de la porte pirate. Mais elle se doutait bien que les pirates et autres contrebandiers devaient pulluler.
Alors qu’ils s’approchaient à portée de tir, une communication arriva. Un homme borgne apparut à l’écran. Il contrôlait cette structure et demandait ce que venait faire des zetrans aussi loin de leurs territoires. L’amiral se contenta de lui donner une série de chiffres. L’homme sembla satisfait. Il leur dit qu’ils pourraient traverser le vortex et qu’ils pouvaient passer boire un coup s’ils le désiraient. Ce n’était pas souvent qu’on le payait aussi grassement. L’amiral accepta son invitation et décolla un quart d’heure plus tard, accompagné d’une centaine d’hommes. Yelena préféra rester à bord du Cerni et contempla pendant plus d’une heure la surface changeante du vortex. La porte était tellement grande que la flotte n’avait même pas besoin de rompre la formation. Quand Jinta revint, tous les vaisseaux traversèrent.
Verdon était un petit cadran. Plus petit encore que les territoires zetrans et ceux-ci ne représentaient qu’un cinquantième de Varden. Contrairement aux abords de la portes –car il y avait une structure identique à l’arrivée avec un pirate à peu près similaire à sa tête, mais avec deux yeux- le reste du cadran était désert. Certains hommes ayant discutés avec des pirates parlaient d’une planete, appelée Havre Noir qui leur servait de base dans ce cadran. Mais Yelena doutait que des pirates puissent s’entendre suffisamment pour ne pas se massacrer s’ils se retrouvaient sur une même planète plus de quelques jours. Malgré le peu de distance séparant la porte menant au cadran et Varden à celle menant à Aelron, le trajet fut long. Il leur fallut plus de six mois pour enfin arriver dans la dixième région d’Aelron.
A peine avaient-ils traversés queJinta déclara l’état d’alerte maximal. Ils étaient à présent isolés du Comptoir et ne pourraient recevoir de renforts. Mais qui pourrait ne serait-ce que résister à une telle puissance de feu. Rapidement, ils rejoignirent une porte spatiale à l’abandon. En quelques jours, les techniciens l’avaient remise en marche et une photopile fut déchargée d’un Moissonneur Rouge pour l’alimenter. Alors qu’elle inspectait le stock, Yelena tomba sur une salle que son niveau d’habilitation ne pouvait ouvrir, chose incompréhensible vu qu’elle possédait le niveau le plus haut après Espen et Butor, plus haut encore que l’amiral Jinta lui-même. Par l’intercom, elle contacta le commandant du transporteur pour obtenir plus d’informations.
Je suis actuellement devant le sas 14-07-12. Mon pass ne fonctionne pas. Ouvrez moi, je dois contrôler les stocks. L’homme la regarda avec amusement. Puis il se rappela qu’il avait à faire à la personne la plus dangereuse après l’impératrice.
Je ne peux pas ouvrir ce sas, ni les deux suivants. Et heureusement. Les compartiments contiennent des bombes à photopiles. Les ingénieurs ont verrouillés les accès donnant vers l’intérieur par sécurité. Ils doivent être largués sur la cible
L’intercom sonna, coupant la communication. Jinta lui demandait de rejoindre la passerelle de son vaisseau, ce qu’elle fit sans tarder. Puis il lui exposa le plan.
Deux heures plus tard, le vortex s’ouvrit et l’armada arriva sur le monde-capitale de l’Imperator Silesvar, l’actuel dirigeant de l’Empire Amaranth. La bataille spatiale ne fut pas spécialement impressionnante. Les forces amaranthes furent balayées et les bombardiers commencèrent à cracher leurs projectiles en direction de la planète. Pendant trois jours, les vaisseaux pilonnèrent les villes principales, puis secondaires pour enfin tirer sur ce qui semblait encore tenir debout. Quand les canons se turent, ce fut à Yelena d’agir.
La maitresse de guerre attendait à bord de son vaisseau de débarquement. Construits sur le modele de l’E-Sidus Gloriae, choisis pour sa coque renforcée, et surtout, sa capacité à entrer dans l’atmosphère à une vitesse supérieure à bon nombre de vaisseau, les Porteurs de Désolation étaient réservés aux troupes de chocs. Chacun des quatre vaisseaux contenait un bataillon complet de tripode et cinq bataillons choisis personnellement par Yelena. L’objectif était simple, ils débarqueraient avant le gros des troupes, trouveraient l’Imperator et l’exécuteraient sur le champ.
Pendant les quinze minutes de descente, rien ne se passa. La défense semblait avoir été exterminée par le pilonnage. Et effectivement, les survivants étaient peu nombreux et désorganisés. Yelena n’avait pas enfilé d’armure de combat depuis plus de trois ans. Mais un enfant aurait pu en utiliser une si on la concevait à sa taille. Les servomoteurs accéléraient les mouvements et décuplaient la force tandis qu’un subtil cocktail de drogue de combat augmentait les réflexes et l’acuité visuelle. La femme avait désactivé l’IA de visée et profitait pleinement de la décharge d’adrénaline qui précédait le combat. Elle voulait tuer, c’était tout ce qui lui importait à cet instant. Et c’est ce qu’elle fit.
Dans les ruines de ce qui avait été la capitale de la planète, des conscrits s’étaient retranchés. Mais ils ne faisaient pas le poids. Yelena fit exploser le mur d’un bunker à l’aide d’une roquette puis s’engouffra dans la brèche d’un bond, franchissant les trente mètres de no-man’s land qui la séparait de sa première victime. Elle l’attrapa au vol, arrachant sa tête d’une baffe. Puis elle fit une roulade et activa son gantelet cinétique, projetant des milliers de projectiles et balayant la pièce. Elle allait achever le seul survivant quand elle se rappela son ordre de mission. L’homme avait abandonné son arme et rampait pour se mettre à l’abri sous une table. Elle lui écrasa la jambe, broyant les os sous le poids de son armure. L’homme poussa un hurlement de douleur. La maîtresse de guerre l’attrapa et le souleva pour que sa tête soit au niveau de sa visière qui commençait à devenir translucide.
Où se trouve l’entrée du bunker de commandement ? Où se trouve ton empereur ? Parle et j’abrégerais tes souffrances. L’homme pleura, implorant la femme de lui laisser la vie sauve. Mais il finit par parler. Il lui apprit que l’empereur n’était pas sur la planète. Il n’était pas là au moment de l’attaque. Il était parti une semaine plus tôt pour une visite de contrôle sur une colonie. Yelena fracassa le crâne du lâche et activa son communicateur, ordonnant à ses hommes de se retirer. Les troupes régulières n’avaient pas encore débarqués mais ils se chargeraient de prendre le contrôle de la planète et de récupérer ce qui pouvait l’être.
Tandis qu’elle retournait au vaisseau, elle remarqua un édifice pas encore entièrement détruit. Par curiosité, elle s’en approcha. L’IA lui apprit qu’il s’agissait d’une aile du palais impérial. Elle inspecta rapidement les salles qui ne s’étaient pas effondrées et finit par trouver un trône richement orné. Exténuée, elle s’affala dessus, le fissurant en de multiples endroits. Elle resta là jusqu’à ce que son second l’appelle et l’informe que tous les hommes étaient rentrés et qu’ils l’attendaient.
Le retour en orbite fut court. Mais il lui sembla durer une éternité. La chance s’était jouée d’elle et elle n’avait pu accomplir sa mission. Elle aurait aimé tuer de ses mains le chef de ces impériaux décadents. Elle dut se contenter du spectacle de l’explosion des bombes à photopiles atomisant les structures orbitales.