Melrehn

-La vie est une illusion. Mais bordel, qu’est ce qu’elle est belle.

- Une illusion…

-Oui, mais nous allons nous réveiller.

-Nous réveiller de l’illusion ?

-Non, en mourant, nous nous réveillerons du rêve qu’auront été nos vies.

- Mais nous sommes des Melrehns et…

-Justement, nous sommes des Melrehns. Conclut-il simplement.

Il monta tranquillement les marches qui le séparaient de l’estrade. Encore quelques instants encore et sa sérénité ne serait plus qu’une apparence. Encore quelques instants encore et le doute l’envahirait comme l’ombre de son ombre. Encore quelques instants encore et il ferait la lumière sur toute la noirceur qui alors astreignait son cœur. Encore un sursaut de temps, un fragment de présent, et devant tous, il laissera libre cours à son sentiment. Chaque marche n’était pas plus haute que la précédente, elle était, simplement, après. Marche par marche, pas par pas, il avança. Et le pupitre était là.

Il ajuste sa tenue, resserra sa manchette, tripota le bouton de son gilet et posa sur le pied sur l’ultime marche. En soit, rien ne trahissait la peur qui m’inondait, en sa démarche, tout demeurait parfait. Peu après, le pupitre dans les mains, il s’adressait à qui voulait l’écouter. Simplement, hors des gens, hors de guerres, et par-dessous tout, hors du temps.

« Melrehns, mes frères,

J’ignore où nous allons. Je ne veux pas le savoir, je veux le vivre, je veux le voir.
Mes frères, j’ai vu une ombre.

Souvenez vous de la pénombre qui a gouverné notre passé, souvenez vous de tout ce qui s’est passé. A cet instant, plus qu’à aucun autre, notre peuple est bouleversé. Ce ne sont pas les guerres sans partage, les interceptions volages, les satomisations en ravage qui font chanceler notre puissance, ce ne sont pas les Zetrans, les Leanths qui nous conduisent à ce naufrage. Ce sont simplement nos mémoires qui ont trop d’âge.

Souvenez-vous du noir, de la clarté et n’oubliez jamais que sur les chemins escarpés de la destinée, les sentiers sont pavés de dagues. Nous avons lutté pour être ce que nous sommes, nous sommes devenus ce que l’on est. N’ayez pas honte, n’ayons pas peur, ce ne sont pas nous qui courront au malheur ! Car, aujourd’hui, je vous le dis, Melrehns, j’ai vu une ombre.

C’est une ombre qui ne se détache pas de nous. C’est une ombre qui suit nos ennemis, comme elle suivrait la maladie. Elle ne se détache pas d’eux, elle les trace, et sur leurs carcasses, elle rit. Quoiqu’il fasse, elle perdure, et qu’importe les circonstances, qu’importe la violence qu’ils manifestent, cette ombre là, jamais elle ne s’efface.

J’ai vu une ombre qui est présente et qui jamais ne s’absente. J’ai vu une ombre qui peut tout subir, et qui demeura ainsi dans le long espace de l’avenir.
Et c’est pourquoi, ils la redoutent tous ! Cette ombre du passé, cette ombre à venir parce qu’ils savent qu’elle ne pourra partir. Je ne veux pas vous mentir, je ne veux pas vous blâmer, on m’a vu ce que vous êtes, plus tard, j’ose espérer, vous serez ce que je suis. Un Melrehn.

Les menaces grandissent et les ressources s’appauvrissent. Beaucoup vont mourir parce qu’ils n’auront pas compris l’avenir, parce qu’ils n’auront pas pu saisir cette ombre !

Melrehns, regardez-vous, vous voulez construire, vous voulez bâtir, vous n’êtes plus qu’un ramassis à honnir ! Et pourtant, j’ai vu cette ombre ! Et j’aimerais aujourd’hui, devant vous, croire que je ne l’ai pas inventé…

J’ai vu cette ombre qui resplendissait en nos seins, qui irradiait l’âme comme avant, allez-savoir, cette ombre, c’est peut-être celle de l’âme. Dans les galaxies reculées, dans les nébuleuses clairsemées, dans l’univers tout entier, j’ai vu cette ombre qui rappelait à un Melrehn ce qu’il est … »

Il acheva simplement, il était Melrehn, combien pouvez en dire autant ?