Prima Phoenix resplendissait à travers les baies vitrées de l'immense station. Une étoile millénaire source de convoitise, qui avait vu passer plus d'hommes et de vies que n'importe laquelle des millénaires civilisations d'Aelden, qui les avait vu naître, s'épanouir, et mourir aussi, pour beaucoup.
Les trois hommes admirant l'éclat embrasé de l'étoile dans la froideur de l'espace n 'échapperaient pas à la règle, inflexible, celle de la vie. Tout comme beaucoup, ils étaient nés, avaient prospéré et souffert dans leur existence ici bas, puis avaient finalement ouvert leurs corps et leurs esprits vers les cieux, la grandeur et la gloire. Ils avaient beaucoup combattu ces hommes, pour accroître leur influence, survivre ou s'emparer de richesses dantesques. Oui, les fondateurs Phoenix avaient réussi dans leur projet de porter haut les couleurs du Dominion Zetran, d'en faire une faction majeure reconnue par toutes les civilisations d'Aelden. Ils étaient nés, avaient prospéré... venait donc le moment de mourir. Phoenix était la plus grande puissance militaire d'Aelden, de façon nettement mesurable, zébrant l'espace de ses vaisseaux divers et menaçants. Un Phoenix était au sommet du classement des puissances militaires depuis plus de 60 années, malgré de nombreux combats dantesques, ce fait était devenu une constante de l'univers plus que l'objet de concurrence étrangère. Un Phœnix, également, était arrivé premier en terme d'investissement, contrôlant la limite de productivité améliorée des nations émergentes, en cent-vingt ans à peine, quand d'autres y avaient travaillés durant plus de mille ans. Un Phoenix encore, était le plus avancé, sur le plan technologique, de l'Univers connu. Lorsque l'on arrive à des capacités d'assembler des structure de rang 48 selon les analystes économiques, on n'a plus grand chose à envier à des Lorkhanons ou aux fanatiques d'Arnor, par exemple. Un Phoenix, enfin, dépassait de loin les plus vénérables et ancestraux empires en terme de production annuelle, dégageant une quantité de matières premières rendant ridicules les anciens empires, trop fiers de leur propre développement pour se rendre compte qu'ils étaient dépassés, et obsolètes, en la matière.
Sous-estimés par les nations Aelronnites aveuglées par leur propre persuasion d'être trop avancées pour être rattrapées, et cachant longtemps leur avance, les empires Phoenix étaient devenus les plus influents de tout Varden, et rivalisaient pour certains avec les millénaires empires de l'Univers.
Cependant, nulle puissance n'est invincible, nulle puissance n'est éternelle, au mieux peut-elle espérer être durable. Phoenix avait atteint tous ses objectifs, dominait Varden même face à Cidre ou à Magni Praesidio Obscura pourtant fort avancées, et Aelron n'avait pas le moindre intérêt à leurs yeux, qui n'était pas leur Univers quoi qu'en pensent certains Thélios trop stupides pour s'abstenir de relier les deux réalités. Quelle perspective d'avenir leur restait-il ? Pourquoi croître encore lorsqu'on a déjà dépassé toutes ses espérances ? Pourquoi déséquilibrer l'équilibre des forces et à quelle fin ? Finir comme le projet Oloness, mourir d'ennui et être défait par le temps, ou attendre qu'un dangereux terroriste use de l'arme satomisatrice à leur encontre, voilà quelles étaient leurs options. Phoenix refusait de finir ainsi, trop fière pour s’éteindre telle une étincelle balayée par les ouragans des années s'égrenant inlassablement, peu encline à disparaître sous le triste éclat de la Lumière Blanche comme nombre d'autres puissances du passé.
Non, les fondateurs Phoenix aspiraient à mieux, à disparaître avec honneur et panache à l'heure où leurs corps fatigués les rappelaient à la réalité. Ils déploieraient leurs ailes vers la voûte Céleste et connaîtraient un dernier et ultime flamboiement, avant de sombrer dans le néant, à jamais. Les trois hommes usés mais aux yeux encore pétillants se regardèrent en souriant, comme toujours nul besoin de paroles pour se comprendre, ils se connaissaient trop bien pour ça et pensaient tous à la même chose.
Ils étaient Zetran, peuple de la guerre et des combats, ils offriraient donc à Aelden un spectacle comme il n'en avait que peu connu, rendant leur dernier souffle dans un déluge de plasma.
Dans leur dos, l'armada de Mizuro scintillait sous l'éclat agressif de Prima Phoenix, attendant de répandre la mort pour l'honneur et le goût de l'affrontement dans un Univers se suicidant régulièrement au satomisateur avec une frénésie frisant l'hérésie.
Par les vitres de la station Phoenix, les trois compères contemplaient leur foyer, un léger sourire flottant sur leurs lèvres. D'Hara, Daiguren et Lyrania étaient magnifiques et plus puissantes que jamais en cette belle journée... puisse leur avenir être radieux loin des seigneurs qui les avaient bâties.
La formidable Flotte fut rejointe par trois sombres vaisseaux issus des industries Lyraniennes, trois bijoux de technologie pour trois seigneurs désireux d'en finir avec honneur et respectabilité. Les bâtiments de guerre passèrent en hyper espace, se dirigeant vers la seule force de l'Univers capable de les intéresser.
Trois mois plus tard, le cortège faisait face aux quatre-vingt-quatre vaisseaux amiraux Zetrans et à la petite centaine de bombardiers Zetrans du seigneur Melrehn Curtis Newton, ayant vu approcher ses ennemis, celui-ci avait compris la portée et l'importance de l'affrontement, pour finalement choisir de rester et de relever le défi, un geste tout à son honneur.
La plus grande bataille jamais réalisée en Varden pouvait donc débuter. La puissance de Curtis était invraisemblable. Elle ne put cependant rivaliser avec la plus grande des armadas Phoenix dont la puissance égalait presque à elle seule celle des éclaireurs d'Ophélia, à la sortie du Celestus de Varden plusieurs années auparavant.
Il ne sera pas fait d'éloge sur cette bataille, son ampleur se suffisant à elle-même. Les plus anciens jugeront qu'un tel déploiement de force était inutile. A cela, nous répondrons que la « rentabilité », les « pertes minimales » et autres doctrines sacrées furent volontiers sacrifiées à la beauté de l'instant, et que tâcher de sauvegarder nos forces n'avait pas grand intérêt à l'heure de notre mort. Nous, fondateurs Phoenix, saluons respectueusement l'ensemble des civilisations d'Aelden et leur souhaitons prospérité et réussite sur la dure voie des étoiles, sans distinction de race, d'opinion ou de pratique de quelque sorte que ce soit. Que le grand Créateur soit bénit pour son œuvre et que jamais la source de son inspiration remarquable ne se tarisse.
Celestus, plus qu'un jeu, une autre réalité...