Carcasse déglinguée
Vent de poussière
Une rivière de sang vit
« Pureté de l'air: 1.8. Le port d'une aide respiratoire est consei...
-Ta gueule. »
La vieille navette émit un gémissement métallique lorsqu'elle perça la couche de nuages gris, subitement éprouvée par la densité de la basse-atmosphère. River déploya les ailettes sans précautions, et le vaisseau lui rendit la faveur par une brutale secousse, lui tapotant gentiment la tête sur le métal du fauteuil de pilote. Elle émit une vague protestation à l'adresse du vaisseau, avant de se pencher sur l'ordinateur de bord. Le scanner de profondeur n'indiquait aucun signe de vie sur la planète sur ou sous la carcasse métallique de la planète. Tant mieux.
« -Exécuter séquence d'atterrissage. » Dit-elle à voix haute.
« -Ordre reçu » Répondit le vaisseau d'une voix artificiellement enjouée.
Elle sortit du poste de pilotage, se laissa trébucher sur les attaches de la chaise pour se glisser sous le chambranle de la porte et se rattrapa in extremis à une poignée dont la fonction initiale lui restait inconnue. La navette était une vieillerie, et son espace d'habitation était d'origine. Entre les tâches d'oxydation, à peine plus de quelques mètres cubes d'espace, un lit spartiate, un bureau sommaire, un projecteur et une instakit pour la bouffe. Pourtant, elle s'y déplaçait comme un poisson dans l'océan, sans heurts et sans reproches.
Le Trouble réalisa un arc parfait pour se loger dans l'anfractuosité d'une superstructure métallique qu'elle avait repéré depuis l'espace. Ce qui avait été un ancien parking de taxis était maintenant une coque vide, éventrée, mais elle avait l'avantage d'une position dominante sur le lieu du deal. La planète entière était une étrange beauté, une Méta-Cité désaffectée, toujours parée d'une robe de métal dont les cratères d'obus se couvraient de plantes rampantes, chiches et épineuses. Le rendez-vous avait été fixé au creux d'un canyon puissant, deux parois massives, lisses, d'un beau rouge écarlate, protégeaient les habitations d'un soleil un peu trop proche. Il faisait une chaleur étouffante.
Le canyon avait aussi protégé le lieu du plus fort d'un bombardement orbital oublié des livres d'Histoire, et la ville ailleurs dévastée ne semblait ici qu'endormie.
Sur un crochet posé au mur, elle attrapa le holster qui portait son arme. Le Flingue, comme elle l'appelait sans affection, était plus vieux encore que le vaisseau. C'était un long pistolet charmant, un semi-automatique à percussion qui se comportait comme un gentleman sur le retour. Il était lent, dur à la détente et plus tout à fait reluisant, mais il ne manquait jamais sa cible. River savait que le jour ou Flingue s'enrayerait, il ne tirerait jamais plus, préférant partir comme un prince que revivre dans le déshonneur.
Sentant les patins du Trouble glisser sur le métal, elle ceint rapidement le hostler, et le recouvrit d'un trench-coat. Autrefois été teint d'une belle couleur brune, le temps avait son manteau rendu brun. Elle en remonta le large col autour de sa bouche et l'attacha. Elle avait grandi sur un module minier, et c'était là tout ce dont elle avait besoin. Ses poumons étaient d'acier. Sa besace était posée sur son lit, chargée pour une brève expédition. Elle la passa sur ses épaules et ouvrit la trappe qui devait contenr une capsule de sauvetage pour se laissa tomber sur le sol.
Une bourrasque chargée d'un torrent de fine poussière rouge arrachée au flancs du canyon s'engouffra dans son col et ses paupières en si peu de temps qu'elle ne put même pas lever les bras.
"-Ah putain!" Dit-elle, avalant au passage une quantité généreuse de sable ocre qu'elle cracha brutalement. Elle se hissa d'une main dans l'abri du vaisseau, inondant le sol impeccable d'une marée sèche de sang.
"-Dangerosité de l'air: 1.8. Le port d'une aide respiratoire est conseill...
-Ouais, ça va, ça va."
Cette fois munie d'une respirateur et de lunettes, elle entreprit de rejoindre le poste d'observation qu'elle s'était choisi. Des décennies auparavant, il s'agissait du petit appartement occupé par le gardien du parking. Aujourd'hui, elle appréciait son mur extérieur défoncé et sa délicieuse vue sur la grande esplanade qui devait lui servir de point de rendez-vous. Elle s'assit le plus confortablement possible derrière un pan de tôle déchirée. Au moins, elle était hors de vue et hors du vent, une longue attente se préparait.
Sept heures d'immobilité plus tard, elle commençait à sentir son corps se pétrifier lentement. Seul le léger mouvement du poignet qui amenait à son oeil la lunette de visée ôtée à un fusil la sauvait d'une paralysie totale.
Elle amena de nouveau la lunette à son oeil. La réalité augmentée l'informa, comme depuis plusieurs heures que la visibilité était d'à peine quarante mètres avec le vent. Elle ne pouvait que distinguer les pavés blancs de la place, mais les extensions lasers ne captaient aucun mouvements. Elle consulta encore une fois l'extension de scanner posée sur ses genoux. Il n'y avait pas plus de sources de chaleurs aux alentours.
C'était loin d'être assez pour qu'elle considéra sa reco comme un succès, mais ce n'était qu'un deal parmi d'autres. Seul une profonde manie qui l'habitait la poussait à planquer ainsi. Elle n'avait jamais eût le moindre problème sur des boulots organisés par les soeurs.
De toute façon, elle n'aurait jamais pu payer du carburant si elle devait compenser ses commanditaires. Un crédit était utopique, quand à imaginer les doubler, c'était la voie la plus sûre pour se retrouver pendant quelques mois du mauvais côté des rideaux d'un bordel sur Tyrium.
Elle se releva lentement, épargnant à ses muscles des mouvements trop brusques. Mais elle senti subitement son épaule gauche l'élancer, avant qu'une flèche de glace n'embrase ses os. Elle plaqua son bras le long de son corps, tentant fébrilement d'en contrôler les tremblements de toute la force de son esprit. Utilisant son bras valide, elle dégagea de sa besace un petit injecteur dont elle envoya une dose directement dans sa carotide. La douleur reflua lentement jusqu'au bout de ses doigts avant de s'évanouir.
Serrant les dents, elle rangea l'injecteur et agita prudemment son bras. Il avait retrouvé une mobilité à peu près normale.
La place était encore plus battue par le vent que le parking. Elle s'était assise sur les deux caisses qu'elle était chargée de livrer. Retranchée dans son manteau, elle avait les yeux rivés sur le scanner, qui y voyait bien mieux qu'elle à travers ce brouillard ocre mouvant. Si le client avait décidé d'être ponctuel, jamais une certitude dans ce genre de travaux, il devrait être là d'ici à quelques instants. Mais les senseurs du vaisseau, resté caché là ou elle avait atterri, n'indiquaient rien.
Subitement, en moins de temps qu'il ne fallait pour sortir le museau de son col, ce fut le calme plat. Là ou des vents tourbillonnants de poussière rouge emplissait l'atmosphère une seconde avant, elle avait une vue magnifique qui portait à des kilomètres. Elle eût juste le temps d'apercevoir les tourbillons de sable ocre s'éloigner et disparaître dans le dédale des bâtiments et du métal, comme le fantôme d'un dragon.
Prise d'un pressentiment, elle ouvrit son manteau. Quand l'extension de commande commença à jouer une petite mélodie, fort gracieuse, de signaux d'alertes.
D'un geste, elle élargit la vue de l'orbite jusqu'à son voisinage immédiat. Le scanner venait de se couvrir de petits points, d'un splendide rouge écarlate. L'un était tout au sommet du bâtiment d'où elle avait planqué, un autre quelquepart sur une bretelle d'aérovoie qui croisait à quelques centaines de mètres de là, un troisième complétait le triangle depuis le minaret effondré d'une synaquée. Le quatrième était...
"-Et mer...
-Bonjour Mademoiselle River."
La voix était toute proche. D'un geste fluide, River dégagea Flingue de son holster et le pointa sur son origine. Elle manque de la lâcher aussi sec. Un Melrehn se tenait face à elle. Légèrement plus petit qu'elle, il avait la peau très sombre, marquée par de magnifiques tatouages rouges. Il portait des vêtements typiquement Melrehns, vaporeux, destinés à cacher le mouvement à l'oeil sans les gêner. Il montrait ses deux mains, d'une finesse remarquable, en signe de paix:
"-Allons. Je pensais que vous entre toutes les personnes, n'oseriez jamais tirer une arme devant des snipers.
-Vous êtes le client?"
Le Melrehn laissa échapper un râle sifflant. Elle avait beau savoir que c'était ainsi que leur race riait, River songeait plus à un serpent avant l'attaque. Elle raffermit sa prise sur Flingue.
"-Oui, et non. Répondit le Melrehn. A vrai dire, cette livraison n'est guère importante. Quelques babioles que nous aurions pu nous procurer avec bien moins de complications et pour un tarif bien moindre. Vous, en revanche, êtes une personne très difficile à trouver.
Il n'était clairement pas familier avec la langue universelle. Il la prononçait avec une lenteur sifflante, une profondeur presque inquiétante. Elle ne pouvait décrocher ses yeux des siens, d'un noir uniforme, sans pupille. Elle répondit en s'efforçant de garder un ton neutre:
"-Je veux quand même le paiement.
-Haha. On nous avait prévenu que vous étiez susceptible de réagir ainsi. Très bien."
Il extrait d'une poche intérieure une Z-tab et la lui envoya. Elle essaya de l'attraper, sans cesser de garder le Melrehn en mire.
La douleur fut si intense qu'elle tomba à genoux. Elle avait la sensation qu'on venait de lui arracher le bras avec une pince chauffée à blanc. Elle se laissa tomber sur le dos, toute raison perdue devant la douleur. Flingue gisait à côté d'elle. Emplie de terreur, elle vit le Melrehn debout au dessus d'elle. Sans comprendre, elle crût lire dans ses yeux une infinie mélancolie, une bonté profonde, une joie intense et une colère froide. Et ses os continuaient de prendre feu alors qu'il se penchait sur elle et fouillait dans sa besace pour en sortir l'injecteur.
"-Oui...Nous savons pour ça aussi. Dit-il. Et cette fois elle sentit définitivement de l'empathie. Il consulta l'injecteur.
"Déjà une dose aujourd'hui? Dommage..."
Il se releva et se tourna vers quelquechose, quelquechose en dehors de son champs de vision.
"-Amenez une civière et transportez la à l'intérieur. Amenez là directement à la Marquise. Les caisses aussi."
Elle sentit que deux paires de bras la saisissaient, mais elle ne pouvait détacher ses yeux du Melrehn. Quand elle s'évanouit, il lui semblait que ses tatouages formaient un joli sourire de sang.
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Notes sur le RP:
-Le titre est sensé être un haïku. Je sais, je peux faire mieux...
-Oui, ce RP est le début d'une série. Encore une fois, je ne sais pas jusqu'où j'aurais la foi d'aller. J'ai beaucoup d'idées, et peu de temps pour écrire. Attendez vous quand même à quelques épisodes à suivre.
-Pour les adeptes du "tl;dr". C'est dense, et c'est fait pour, no comment. Merci à ceux qui ont tout lu par contre, j'espère que cela aura répondu à vos attentes
[HRP]Yep', je signe mon "grand" retour dans l'univers Celestus; ou certains m'ont connu comme "The Observer", fondateur du mort-né "Network". L'arrivée de la V3 s'est associée aux vacances à de bonnes idées de RP pour me ramener ici.
Attendez vous à plus de RP que de gros jeu ingame en revanche.
Ingame, vous pouvez me trouver sous le nom de "The Linked Eyes", même si j'envisage déjà un reset. Vu que j'aime pas le "The". J'aurais préféré "Linked Eyes" tout court en fait.
Bref. A bientôt![/HRP]
