Hyneria était la colonie la plus récente de la Confédération, et, comme tous les mondes récemment colonisés, elle était en plein boom. De lourds modules du construction Mark II étaient stationnés en orbite basse, et les fondations de la future méta-cité constellaient de vastes superficies sur les trois continents. Parmi les rares bâtiments déjà entièrement opérationnels, se trouvaient un spatioport et un radar à longue portée, dont l'édification avait été rendue obligatoire par la proximité de la Grande Porte.
« Tour de Contrôle, ici Transport Javelis, demandons autorisation d’atterrissage.
- Bien reçu, Javelis. Veuillez décliner immatriculation et justification.
- Charlie-Uniform-Sierra-Charlie-Un-Un-Neuf ; provenance planète Dyton, Varden ; Transport de colons, et deux tonnes de blanquette de Bip-bip.
- Merci, Javelis. Piste 4, trois minutes.
- Affirmatif, contrôle. Terminé. »
Bien évidemment, le Javelis ne transportait pas deux tonnes de blanquette. Il s'agissait d'un des nombreux codes protocolaires de la Force, indiquant qu'un officier se trouvait à bord incognito. C'est ainsi que quelques heures plus tard, le Colonel Protev se trouva devant les portes du Siège de l'État-Major sur Hyneria, ayant un message de la plus haute importante à transmettre au Contre-Amiral Coronata.
« Amiral. Colonel Protev, Sierra-Papa-Alpha-Romeo-Tango-Alpha.
- Colonel, bienvenue sur Hyneria.
- Merci. Je suis envoyé par le Général Granger, j'ai un message à vous transmettre.
- Et pourquoi n'est-il pas passé par les canaux habituels ?
- Un de nos informateurs au Mariage a récupéré des informations sur certaines études conduites par un empire bien plus avancé que la CSB, aussi le Général voulait-il éviter que ce message soit intercepté.
- Bien sûr.
- Donc, il semblerait qu'un planète habitable dans les environs d'Hyneria soit au centre de ces recherches, dont le but nous est pour l'instant inconnu. Le Général souhaiterait que vous envoyiez un vaisseau enquêter sur place.
- ...naturellement.
- La planète se site dans la dixième région, système 771, deuxième lune de la douzième planète.
- Effectivement, à deux pas d'ici. Je m'en occuperai. »
Dans cet immense hangar qu'était le spatioport s'alignaient plusieurs centaines de vaisseaux. Certains étaient même encore en construction. La plupart étaient identiques, et ressemblaient à des intercepteurs tels qu'il s'en trouve sur tous les mondes melrehns, mais ils présentaient des réacteurs sur-dimensionnés, ainsi que des canons à des endroits inhabituels. Il s'agissait des derniers nés des bureaux d'études batuléens : des destroyers de classe Omega. L'un d'entre eux, le Nimrod, était en train d'être préparé pour son prochain décollage.
A peine une heure plus tard, le vaisseau filait dans les méandres bleutés de l'hyperespace en direction de cette mystérieuse planète.
« Attention, sortie d'hyper dans trente secondes à mon signal... Top.
- Coupure de l'hyper-navigateur.
- Sortie d'hyperespace réussie.
- Parfait. EVA, retransmet tous les rapports vers Hyneria.
- A vos ordres.
- Effectuez un scan actif de la planète, toutes longueurs d'ondes, tous senseurs.
- Bien capitaine !
- Oh, et commencez à rechercher un site d'atterrissage intéressant.
- Affirmatif. »
Le Nimrod était désormais stabilisé en orbite basse, et des drones explorateurs se chargeaient de relever le plus de données possibles sur ce monde.
« Capitaine, nous relevons quelque chose d'étrange...
- Ah ?
- C'est comme si la planète était... creuse.
- Vous vous fichez de moi ?
- Non, enfin, ce n'est pas comme si elle était entièrement creuse, mais les relevés de densité montrent qu'il existe de nombreuses et vastes cavernes sous toute la surface, à près d'un klick de profondeur.
- De quelle origine ? Naturelle, ou bien... ?
- Impossible de le déterminer. Les senseurs sont perturbés par d'importants champs magnétiques, en provenance de la planète.
- Hum... voilà qui est pour le moins inhabituel. Cela en fait donc une planète digne d'intérêt, n'est-ce pas ?
- Effectivement. Cette reclassification implique de lui donner un nom.
- Mettez Armaghast.
- A vos ordres.
- Quoiqu'il en soit, pouvez-vous nous posez près de l'entrée de ces cavernes ?
- Négatif. Nous n'avons pas détecté d'entrée, et il serait trop risqué de se poser.
- A cause des perturbations magnétiques, je suppose.
- Affirmatif.
- Alerte, vaisseau en approche. Alerte.
- Merde, qui ça peut bien être ?
- Croiseur d'origine Ducale, concordance à 86 %.
- Ami ou ennemi ?
- Et bien, au dernières nouvelles, nous sommes plus ou moins alliés avec les Domaines, et..
- Code Noir. Le vaisseau inconnu est sur une trajectoire d'attaque. Sabords avant ouverts.
- Merde, merde ! Enfin, on a un des vaisseaux les plus rapides de la galaxie, on peut les distancer, non ?
- Je... je vérifie ça, capitaine !
- Simulation terminée. Probabilité de destruction : 100 %
- Mais comment c'est possible ?!
- Je ne sais pas, Capitaine.
- Bon. Tout le monde en position de combat, on partira pas sans lutter !
- Aye ! »
Le Nimrod changea de trajectoire, fonçant vers l'assaillant, dans le but d'augmenter sa force de frappe par l'énergie cinétique. La fenêtre de tir serait très brève, aussi toutes les armes étaient-elles parées à l'utilisation.
« Nous serons à porté de tir dans une minute »
La tension était à son comble dans la passerelle du vaisseau, alors que les écrans affichaient le compte à rebours avant le contact. Les hommes n'auraient rien à faire, les armes allaient parler, et, étant donné la vitesse relative des deux vaisseaux, l'échange serait trop bref pour toute forme d'esquive.
« Contact »
Alors même que la voix sans émotions d'EVA annonçait la triste réalité, les tirs fusèrent entre les deux bâtiments. L'espace les séparant devint rapidement un cauchemar surchauffé de plasma, de missiles et de débris.
Si la plupart des civilisations spatiales tendent à utiliser des armes à énergie dirigée, comme les canons lasers ou plasma, la Force avait toujours eu un faible pour les armes autopropulsées à guidage actif.
Autrement dit, des missiles.
Ainsi, ce furent près de trois cents missiles qui se retrouvèrent dirigés vers le vaisseau ducal, et qui entamèrent la première phase de leur processus de détonation : un réservoir d'hydrogène surpressurisé solide fut envoyé en avant du missile, entre lui et sa cible.
Puis, le réservoir s'activa et sublima cet hydrogène, créant un nuage qui allait se disperser très rapidement dans le vide spatial. Mais l'ogive thermonucléaire arrivait aussitôt après, et sa charge à triple étage fission-fusion-fission de deux cent mégatonnes s'activa. C'était la seconde phase, celle où une arme lourde explosait au cœur d'un nuage encore très dense de gaz, permettant ainsi la propagation d'une onde de choc.
Le problème aurait été suffisamment intéressant pour les membres d'équipages des cibles si, en plus, les concepteurs n'avaient pas jugé opportuns de rajouter à leur ogive un certain « coté farce », au prix de l'idée que leurs cibles pouvaient se faire du fair-play : L'hydrogène du nuage était en fait un mélange deutérium-tritium, qui possède une certaine tendance à rentrer en fusion lorsqu'il est soumis à d'intenses rayonnements. Comme ceux dégagés par le dernier étage de fission de la bombe embarquée.
Pour résumer clairement : chacune des soixante ogives ayant survécu aux défenses actives eut le même effet qu'une explosion de deux cent mégatonnes se produisant dans l'atmosphère, à ceci près que l'onde de choc n'était pas une onde de pression poussant de l'air, mais une onde de pression propulsant un mélange d'hydrogène en pleine fusion thermonucléaire.
La cible fut balayée avec suffisamment d'énergie pour la déchiqueter, et envoyer les restes dans une demi-douzaine d'univers parallèles. Mais la technologie et la science des matériaux peuvent faire des miracles, et bien que salement amoché, le croiseur, ou du moins une partie de la superstructure, demeurait peu ou prou opérationnel.
Les senseurs du Nimrod étaient saturés par l'IEM résultante de l'explosion, aussi l'équipage ne vit-il pas surgir de derrière la boule de feu deux intercepteurs, qui furent à posteriori eux aussi assimilés par EVA à des nefs ducales. Les deux bâtiments rapides prirent l'Omega en chasse, étouffant son bouclier sous un feu nourri.
« Impact. Boucliers à 78 %
- Bon sang, on tiendra jamais...
- Impact. Boucliers à 45 %. Impact. Impact. Impact. Boucliers à 8 %. Impact. Boucliers hors-service.
- Merde. »
Le son sourd de la détonation fut entendu dans tout le vaisseau.
« Merde, c'était quoi ça ?
- Impact sur flan babord.
- Rapport de dégâts ?
- Hangar d'appontage détruit. Dépressurisation ponts sept à neuf.
- Scellez les sections !
- A vos ordres !
- Impact sur propulseur. Vitesse réduite de 77 %.
- A-t-on toujours l'hyper-navigateur ?
- Affirma...
- Impact.
- ...négatif.
- ...ce fut un honneur que de servir avec vous.
- De même, Capitaine. De même...
- Impact. Impact. Impa... »
La fière nef batuléenne disparu à son tour, transformée en une boule de matière surchauffée en expansion.
*****
Quelques heures plus tard, sur Aegaeon, quartier général de la Flotte en Aelron.
« Comment ça, détruit ?! Mais je croyais que nous étions alliés avec les Ducaux ! »
L'Amiral Beaumont était réputé pour être assez colérique, et la moindre mauvaise nouvelle pouvait facilement l'énerver.
« Je... je ne sais pas, Amiral. Nous ne sommes même pas sûr qu'il s'agissait bien d'un croiseur Ducal.
- Bon, et bien, dans ce cas, c'était quoi ? Une crevette en chaussettes ?
- Je...
- Et puis, pourquoi ? Pour une pauvre planète inutile !
- Elle est de catégorie II, et été baptisée. Armaghast.
- Oh, vraiment ? Et qu'est ce qui lui a valu cet insigne honneur ?
- De grandes cavités d'origine artificielle, ainsi qu'un fort, trop fort même, champ magnétique.
- Je vois... Ce qui ne nous dit toujours pas à qui nous devons la perte d'un Oméga. »
« Si y'a moins de pages sur le RP que de vaisseaux sur le RC c'est pleutre. »
Confédération Stellaire Batuléenne