Les échos s'amplifiaient dans les voutes du tribunal Impérial.
Situé dans le complexe du Palais, cette structure imposante faites d'arches et de colonnes marbrées accueillait en son sein un vaste amphithéâtre demi-circulaire, au centre duquel trônait un épais bureau de basalte noir. Issu d'un caprice des premières heures ; le juge suprême, l'empereur Nickitchi, avait très vite mesuré l'important inconfort d'un siège assorti à son support de travail. Aussi s'enfonçait il dans le panel de coussin écarlates qui, non contents de lui assurer une posture des moins stables, s'évertuaient à se disperser avec une méthode presque sadique, tant et si bien que l'Empereur contrit était souvent contraint à un changement aléatoire de position.
-"Il faudrait vraiment que je pense, à faire fixer ses trucs ... grommela t'il en se redressant péniblement."
-"Votre suzeraineté ..."
C'était la voix de Morten Sorensen, colonel des armées et ministre de la justice. Le jeune homme aux yeux verts se tenait à côté du "trône", droit comme un I, et avait remué les lèvres sans baisser les yeux de l'assemblée qui occupait l'amphithéâtre.
Un homme s'agitait depuis un certain temps devant le pupitre situé en face du bureau juridique, sa voix était puissante et portait loin, et les échos qui se répercutait dans les voutes avaient un tel air de vérité absolue que quiconque les eut écouté aurait eu immédiatement la certitude en son coeur de penser à l'identique.
-"Il a bientôt fini ? demanda le monarque en changeant de position."
-"Oui, il attaque la dernière partie de son plaidoyer."
-"Et le jury ?"
-"Il est indécis, comme d'habitude."
En effet, le petit groupe de personne vêtus de noir, qui occupaient toute la partie centrale des sièges de l'amphithéâtre s'agitaient alors que la voix inquisitrice de l'avocat général les assiégeait dans les confins de leur propre sécurité morale. Ils chuchotaient, murmuraient, s'enquéraient de l'avis des autres, et semblaient presque mal à l'aise pour certains, fixant avec étonnement l'homme énergique qui bombardait leur position à coup de moralité et d'effets rhétoriques qu'ils n'eussent jamais cru entendre ailleurs que dans la bouche de leurs professeurs d'université.
Le public, quant à lui, assistait à la scène d'un air partagé, le regards des uns et des autres fuyant dans l'obscurité des poutres, ou dans la sécurité rassurante de l'espace séparant leurs deux pieds. La majorité de ces hommes et de ces femmes vêtus de manière hétéroclite semblait en tout cas porter beaucoup d'attention aux échos qui s'attardait dans les voutes, et paraissaient même y croire.
-"Et qu'est ce qu'il veut ?"
-"Que l'accusation soit amoindrie, que l'on compatisse avec le sort de ce malheureux, que l'on ..."
-"Oui le discours du faux innocent en quelque sorte ..."
-"C'est à peu près ça."
Un coup de tonnerre retentit alors que l'avocat abattait implacablement ses mains sur le pupitre de bois, et l'assistance sembla se figer. L'Empereur se tortilla dans ses coussins.
-"Il est temps Messieurs les Jurés, de regarder la vérité en face ! Mon client a déjà beaucoup souffert du courroux de la justice, et son entreprise ne pourra supporter un nouveau coup de poing non justifié ! Comprenez que l'avenir de notre nation est en cause !"
Souriant à cette dernière réplique, se retournant un cours instant pour apercevoir la face ravie de son client qui siégeait parmis le public, l'avocat fixa lourdement son suzerain. L'Ortania Corporation comprenait en effet une part importante des profits de l'état, et sa part dans l'industrie sidérurgique faisait de nombreux jaloux, il avait acculé l'état au pied du mur, et il le savait.
C'est alors que le seigneur Nickitchi se leva, dans son éternel habit militaire rouge, alors que l'éclairage de la pièce faisait scintillé d'or les bordures statuant de sa magnificence.
-"Maître Untog."
-"Oui Votre Majesté ?"
Le ton de l'avocat général se faisait complaisant, presque hypocrite, aussi le Seigneur de Nendalawen se retint t'il de le faire exécuter sur le champ.
-"Rappelez moi les accusation je vous prit."
-"Assassinat d'esclave de classe 1."
-"Le crime a t'il été jugé par la cours ici présente ?"
-"Oui, hier."
-"Et qu'a dit la cour ?"
-"Qu'elle reconnaissait la culpabilité de mon client."
-"Aussi sommes nous là pour juger de la peine encourue par le prévenu, n'est t'il pas ?"
-"C'est indéniablement Votre Majesté."
-"Très bien."
S'appuyant sur le basalte poli.
-"Vous êtes bien entendu au courant que le meurtre d'esclave de classe 1 est strictement prohibé."
-"Ce n'était pas a proprement parlé un assassinat votre honneur, c'était un accident."
-"Pourtant la loi établi clairement le mot "homicide", répliqua l'empereur, qu'il soit involontaire ou du à un excès de travail, une mauvaise alimentation ou autre, c'est au maître d'entretenir ses esclaves."
-"Votre Majesté, mon client emploie énormément d'esclaves !"
-"Et ?"
-"Et bien nous ne devrions pas nous appesantir sur le sort d'un seul ..."
-"Vous voulez que nous parlions des autres ?"
-"Des autres Votre Majesté ?"
Nickitchi tourna la tête vers Morten, qui lui tendit une feuille manuscrite avec un sourire amusé.
-"L'Inspection Générale du Respect de la Condition des Non-Citoyen a dénombré l'année précédente trois décès suspects dans l'une de vos usine. Il s'agissait d'esclaves de classe 2. On a ensuite noté une insalubrité quasi-permanente des logements réservés à vos esclaves de classe 1 dans le quartier de Nuj, de plus, de nombreux témoignage ont été reçu de la part d'esclaves renvoyé à la ville sans nouveau propriétaire. Votre client semble manqué à nombre de ses devoirs de maître ..."
-"Votre Majesté ... mon client à de nombreuse obligations et s'est vu contrait de faire des économies drastiques ..."
-"Il n'avait qu'à revendre ses esclaves."
-"Cela aurait engendré une baisse de production ! Et l'état aurait eu de nombreuses pertes à déplorer !"
-"Et a qui en avez vous référé ?"
-"Les conseillers juridiques de mon client lui ont conseillé cette alternatives !"
-"Et il les a écouté je vois."
-"Pour la sécurité de la nation mon Seigneur !"
-"Et depuis quand la nation demande t'elle aux citoyens d'agir pour elle sans lui demander son avis ?"
-"Mon client est noble votre Suzeraineté !"
-"En quoi cela change t'il quelque chose ?"
Le juge suprême reporta son attention sur la feuille, s'appuyant nonchalamment d'une seule mains sur le bureau.
-"Je vois que les affaires ont plutôt bien marché pour votre client ces derniers temps je vois ..."
Silence.
-"Combien avez vous été payer Maître ?"
-"Je ... je vous demande pardon ?"
-"Votre Majesté ..."
-"Que ..."
-"Vous avez oubliez de me nommer, je vous reprenais c'est tout."
-"Heu ... que ... je ..."
-"Allons ne vous mettez pas dans cet état ..."
Le suzerain leva les yeux.
-"... ma question était pourtant simple. Combien avez vous été payer pour mentir à la cours et faire passer une trahison pour un acte de foi ?"
-"Votre Majesté ..."
-"Voici mon point de vue mon cher : Votre client a tout simplement contourné la loi sous un prétexte futile, se réfugiant derrière des justifications vaseuses et allant même jusqu'à prendre l'Etat en otage pour se défendre. Ô je ne doute pas que son entreprise fait marché nos industries, mais toujours est il que ses méthodes n'ont pas été approuvé par l'Etat qu'il sert, et qu'il a ignoré cet état de fait. Pourquoi ? Pourquoi devrions nous pardonner à un homme qui ouvre la porte au vice et à la débauche derrière des prétextes moraux ? Croyais t'il que je serai aveugle et dupe ? Croyais t'il que j'allais laissé passer cette trahison ? Qui trahi la loi doit s'attendre à la punition, surtout lorsqu'il se réfugie derrière sa propre lâcheté pour palier à son manque de détermination ! Nous ne pouvons toléré qu'un Noble ait cette attitude, nous ne pouvons nous permettre qu'un Citoyen ait cette attitude, et un esclave qui tiendrait ces propos irait droit à la classe 3 !"
Il se tourna vers les jurés, posant sa feuille sur le bureau.
-"L'Etat réclame la perte des droit civiques pour meurtre et non respect des droits non-civiques messieurs, délibérez, mais sachez que l'Etat ne peut se permettre que l'on ignore ses lois, surtout lorsqu'il s'agit de la vie de ceux qui ont encore le droit de l'apprécier !"
L'avocat général n'ajouta rien, se contentant de fixer son client avec un haussement d'épaule impuissant alors que celui ci s'étranglait de la tournure qu'avait pris les évènements. Le juré principal se leva après une brève délibération à mains levée.
-"La cours condamne le prévenu à la suppression de ses droits civiques, il sera desormais esclave de classe 1 au service du palais impérial. Ses biens seront saisis par l'Etat et ses possessions misent aux enchères selon la loie 201 du code pénal. Il ne pourra racheter ses droits qu'après un délais révolu de 352 jours."
-"La séance est levée."
Se levant et tournant le dos à une face livide, l'empereur quitta la pièce, suivit de son officier.
-"Suppression des droits civiques ? Je suis étonné que cette sentence soit passée."
-"Les jurés ne sont pas dupes, ils lisent la presse comme moi, et la réputation du prévenu à fait le reste."
-"Allons nous mettre Ortania Corporation au enchères au prochain congrès de Noblesse ?"
-"Non, elle sera très bien sous la coupelle de l'Etat."
-"Vous êtes ignoble patron."
-"A qui le dis tu !"