Espace Léanth, quelques instants plus tard.
« -Capitaine, réponse des batuléens !
-Envoyez !
- Absolution, vous êtes plus que bienvenus ! L'objet dont vous parlez est un artéfact cetyn rétro-ingénié par un Empire Léanth, dont ils ont totalement perdu le contrôle. Il est connu sous le nom de Canon Trium. Voici ses spécificités.
-Capitaine, données entrantes !
-Affichez sur l’écran principal. »
Des dizaines de lignes se mirent à défiler sur l’écran principal de la passerelle, contenant toutes les données techniques connues sur le vaisseau. Les techniciens présents se mirent à analyser la quantité massive d’informations leur parvenant, et petit à petit, des morceaux spécifiques, comme les caractéristiques de propulsion, d’armement et de protection furent mises en surbrillance. Backen lu rapidement les données, et se massa les tempes.
« -Bon… Finissons la mise en formation avec les batuléens. Placez les cuirassés en première ligne, les croiseurs lourds derrière. Trajectoires pseudos-aléatoires, mais restez en position de tir. L’ennemi reste peut-être, si jamais il y a encore des vaisseaux en route, en supériorité numérique, mais niveau puissance de feu, nous avons de quoi leur tenir tête.
-Capitaine, d’après nos estimations, le canon se dirigerait vers la planète-mère d’un des empires présents ici.
-Pardon ? C’est quoi cette histoire ?
-Lagidia, planète mère de l’Archontias Lagidiens. D’après nos relevés, on a certains de leurs vaisseaux juste en face de nous.
-Magnifique ! Et je suppose qu’il ne s’y dirige pas juste pour aller dire bonjour aux habitants. Ce truc pourrait détruire la planète ?
-Un instant, capitaine… La couper en deux, nous ne savons pas, mais détruire toute forme de vie, c’est probable.
-Capitaine, les batuléens sont prêts à se lancer à la poursuite du Canon.
-Répondez-leur que nous les suivrons au besoin. Au point où on en est, je pense qu’on n’a pas grand-chose à perdre.
-A vos ordres, capitaine. »
Sur la passerelle, alors que Backen observait la dense formation des vaisseaux Melrehns, plusieurs indicateurs passèrent au rouge, et une alerte sonore retentit. Les données du Canon affichées sur l’écran principal laissèrent la place à une carte tactique, où un seul et unique missile fendait l’espace en direction de l’Absolution. Les batuléens ripostèrent sans tarder, tirant trois missiles, qui foncèrent sur celui venant d’être lâché par le vaisseau Léanth.
« -Capitaine, les vaisseaux Léanths s’apprêtent à quitter la zone ! Il y a de fortes chances pour qu’ils se dirigent vers Lagidia.
-Très bien. A tous les vaisseaux, préparez-vous à la translation ! »
C’est alors que le missile Léanth explosa, avant qu’il ne soit intercepté par ceux lancés par les Batuléens. Les senseurs de l’Absolution et de ses semblables furent aveuglés pendant un court laps de temps, mais assez pour que les derniers vaisseaux Léanth en profitent pour quitter la zone.
« -C’était quoi ce truc ?
-Aucune idée, capitaine !
-Tant pis, pas de temps à perdre ! A tous les vaisseaux, translation ! »
A bord de l’Absolution, les officiers en charge des systèmes de propulsion paramétraient rapidement les derniers systèmes, entrant les coordonnées de saut, avant que les générateurs de distorsion ne poussent la flotte loin de cette zone à présent dénuée d’intérêt. L’officier chargé des opérations entama un rapide compte à rebours, quelques secondes avant le saut.
« -Vecteurs de translation verrouillés. Translation de trois, deux, un… Lancement ! »
Seulement, rien ne se passa. L’Absolution ne bougea pas d’un pouce, alors que les ingénieurs reprenaient rapidement leurs esprits, et pianotaient frénétiquement sur leurs consoles pour savoir ce qui venait de se produire. A quelques mètres d’eux, Backen, assis sur son siège attendait, visiblement impatient.
« -Lieutenant…
-Un instant, capitaine…
-Capitaine, Cinétique et Vengeur viennent de nous informer qu’ils ne peuvent pas non plus passer en distorsion. Et les Batuléens non plus, semblerait-il.
-Mais c’est quoi cette histoire de fou ! Un canon Cetyn-Léanth pouvant raser une planète, des vaisseaux dont l’hyperpropulsion est HS, tout ça en plein territoire Léanth, mais on va où la ? Bref, y’en a encore pour combien de temps ?
-Ce n’est pas trop une question de temps, capitaine, mais plus de distance. On a une zone d’interdiction de saut de cinq milliards de kilomètres.
-Bordel de… Bon, propulsion conventionnelle à pleine puissance. Combien de temps ?
-Un peu moins d’une trentaine d’heures, capitaine. D’après nos infos, les batuléens sont légèrement plus lents.
-Restez à leurs cotés, ça ne sert à rien de partir sans eux. Moi, je vais m’entretenir avec l’Amiral.
-A vos ordres, capitaine. »
Cinquième Flotte, à quelques centaines d’années lumières de là.
« -Amiral, si je puis me permettre, je ne sais pas dans quel pétrin vous nous avez envoyé.
-Faîtes-moi un résumé de la situation, capitaine. »
L’hologramme de Backen hocha la tête, et se mit à raconter ce qui s’était passé depuis leur arrivé, sous l’oreille attentive de Langer et de son état-major. Visiblement contrarié, Langer ordonna à l’Absolution de continuer son chemin avec les batuléens, et de sauter dès qu’ils le pourraient. De toute façon, ils ne pouvaient pas faire grand-chose de plus.
« -Bon ? Et maintenant ?
-Si ce truc s’apprête à raser une planète, et s’il n’est plus sous le contrôle de personne, je pense qu’on peut raisonnablement le considérer comme une potentielle menace.
-Ce n’est pas pour autant que je vais envoyer toute la flotte à sa poursuite, surtout en territoire ennemi.
-D’après les dernières infos, nos alliés auraient déjà des renforts en route, pour tenter de ralentir le Canon. Nous pouvons éventuellement faire de même.
-Vous préconisez d’envoyer de nouveaux cuirassés ?
-Ils sont trop lents. Des croiseurs de combat pourraient faire l’affaire ; ou un classe Ombre, un bombardier de préférence.
-Mouai. Disons l’Implacable, la vingt-quatre et vingt-cinq de croiseurs de combat. Départ immédiat. On peut retrouver les renforts batuléens ?
-Affirmatif.
-Dans ce cas, qu’ils prennent le sillage de ces vaisseaux. Et ils se placeront sous le commandement de Backen dès qu’ils auront retrouvés l’Absolution.
-Et juste, pour cette zone d’interdiction de saut ?
-Transmettez aux ingénieurs du QG, dîtes leur de se plonger sur le problème en urgence. S’ils peuvent débloquer la situation, ça ne sera pas de refus. »
Les huit croiseurs amiraux modifiés et le bombardier d’Ombre Implacable se séparèrent du reste de la Cinquième Flotte, qui se retrouvait amputée de quelques éléments supplémentaires. Le petit détachement passa sans difficultés en distorsion, prenant petit à petit le sillage des renforts batuléens, qui allaient, à quelques centaines d’années lumières de là, se retrouver aux prises avec le Canon Trium. A cette vitesse, les neufs vaisseaux allaient surement dépasser l’Absolution, bloqué dans l’espace conventionnel, surtout qu’ils n’étaient pas limités par la lenteur d’un cuirassé. A présent, deux détachements de l’Alliance attendaient que leur voyage se finisse, en plein territoire Léanth : le premier, dans l’espace conventionnel, attendant de pouvoir sortir de la zone d’interdiction de saut pour ensuite rejoindre Lagidia ; l’autre, dans l’hyperespace, attendant de rejoindre les renforts batuléens, eux-mêmes chassant le Canon. Dans le même temps, l’effervescence était de mise dans les laboratoires de la Marine. Les données transmises par l’Absolution et les autres vaisseaux étaient décortiquées par de nombreux ingénieurs. Les supercalculateurs situés quelques dizaines de mètres sous leurs pieds se mirent à chauffer, pendant qu’une quantité phénoménale de formules étaient appliquées aux simulations en cours, dans l’espoir de libérer les vaisseaux manticoriens de leur large prison sphérique. Mais autour de l’Absolution, l’univers semblait comme distordu, comme si le vaisseau se trouvait dans le champ d’influence d’un autre générateur de distorsion. Malheureusement, les données qui ressortaient des simulations étaient que seule une protection préliminaire du générateur semblait être en mesure de parer l’attaque. Désormais, en ce qui concernait Manticore, tout ou presque reposait sur l’Implacable et les huit croiseurs de combat qui l’accompagnaient dans sa folle course hyperspatiale. En espérant qu’ils arrivent à temps…