Mémoires d'un Orakor.

Présentation de personnages, d'alliances, dialogues et intrigues se passent ici.
Mar Avr 26, 2016 4:21 pm

  • Cette entreprise, que je soupçonne fort d’être vaine, me tient néanmoins à cœur depuis longtemps.

    Je me demande si je peux écrire cette histoire, ou si, à chaque page, transparaitra un peu de cette amertume que je croyais éteinte depuis longtemps.


    Je m’imagine guéri de tout dépit, mais, quand je pose ma plume sur le papier, les blessures d’enfance saignent au rythme de l’écoulement de l’encre, et je fini par voir une plaie rouge vif sous chaque caractère soigneusement calligraphié.




    Arahël manifestait un tel enthousiasme chaque fois que l’on parlait d’écrire l’histoire de notre lignée, que j’ai fini par me persuader que sa en valait la peine.


    Je me suis convaincu que cet exercice détournerait mes pensées de mes souffrances et m’aiderait a passer le temps. Mais chaque évènement historique que j’étudie ne fait que réveiller en moi les ombres de la solitude et du regret.
    Je crains de devoir abandonner cette tâche si je ne puis accepter de revenir sur tout ce qui m’a fait tel que je suis.


    Aussi remets-je encore et remets-je encore sur le métier mon ouvrage, pour m’apercevoir que je décris les miennes, plutôt que nos, origines.


    Dois-je coucher sur le papier une vie comparable à une toile, tissée de secrets ? Peut-être.




    Mes souvenirs remontent à l’époque de mes cinq ans.
    Avant cela, un vide, un gouffre, qu’aucun effort de mémoire n’a pu combler.
    Avant ce jour sur Tenarbos, il n’y a rien. Mais à cette date, les images apparaissent, avec une richesse de couleur et de détails qui me laisse pantois.


    Certains souvenirs me semblent par trop complets, et je me demande parfois si ce sont réellement les miens.

    Leur origine est-elle mon expérience personnelle, ou, d’inlassables répétitions de la même histoire ?
    Peut-être ai-je entendu ce récit si souvent, de sources si nombreuses, qu’il est devenu pour moi un vrai souvenir ?

    Mes souvenirs sont presque physiques : je ressens encore la tristesse froide du jour finissant, la pluie implacable…

    Même la rudesse de la main qui enserrait la mienne, toute petite.
    Cette main était dure, et rêche, et elle tenait la mienne comme dans un étau.

    Elle était pourtant chaude, et sans méchanceté ; ferme, tout simplement.
    Elle m’empêchait de déraper sur le sol détrempé, dans les rues verglacées, mais elle m’empêchait aussi d’échapper à mon destin. Aussi inflexible que la pluie grise et froide.
    Les battants de bois étaient hauts. Pas seulement aux yeux d’un enfant de cinq ans : des géants auraient pu les franchir sans courber la tête, et, même le vieil homme, pourtant bien bâtis, en paraissait rapetissé.


    Elles me paraissaient étranges, ces portes, bien que j’ai du mal a imaginer que type de porte ou d’édifice aurait pu me paraitre familier à l’époque.

    Simplement, ces vantaux sculptés, décorés d’arabesques impressionnantes, et d’un heurtoir en airain luisant, ces vantaux ce situaient en dehors de mon expérience.


    Je me rappel de mes vêtements détrempés, de mes pieds, glacés ; et pourtant, je n’ai aucun souvenir d’aucun trajet dans le froid. Tout commence là, devant les portes de l’académie de Tenarbos.
     




    J’arrête d’écrire, la migraine menaçant de me submerger, repensant à ma première rencontre avec Umbre.

    Contrairement à ce que j’aurais pu croire, si je n’avais connu cette histoire que par ouï-dire, ce ne fut pas un serviteur qui ouvrit.
    Ma mémoire me montre un homme longiligne, les cheveux un peu grisonnants, qui a la démarche particulière, comme je le sais maintenant, des bretteurs aguerris.


    malgré ce que j’écris, je revois toute mon enfance rien qu’en fermant les yeux, les quelques années, passées à vivre au sein de la « demeure familiale ».

    Il y avait là-bas de nombreux « amis », parfois cousins au premier ou second degré, que je côtoyais chaque jours, mais je ne me suis jamais sentis proche de personne, dans cette immense forteresse de métal. Ils n’étaient pas -tous- méchants, simplement, j’étais hors de leur cercle.





    Mes vrais amis, sur Prime, ne vivaient pas avec moi. Mais je les retrouvais, de temps en temps, quand j’arrivais à m’échapper de la vigilance indulgente d’Umbre, et de gardes qui n’avaient aucune envie de s’assurer de ma sécurité.



    Là, je descendais dans les quartiers proches des quais, et, nous sentant hardis, et malins, nous coupions l’herbe sous le pied des garçons plus âgés, portant des messages par les rues escarpées pour un sous de moins qu’eux.
    Nous nous dépêchions ensuite d’aller les dépenser dans les tavernes, ou je me délectais en écoutant les colporteurs de ragots, piliers de comptoirs jamais à cours d’histoires concernant les célèbres pirates du verdon.

    Je buvais ces récits délicieusement terrifiants, jusqu’à ce que la taverne la plus étouffante me paraisse glacée, et alors, nous retournions dans la rue, pour gagner un nouveau sou ; mais cela ne durait jamais plus de quelques heures, avant qu’Umbre, que j’ignorais alors être mon complice, ne vienne me chercher, me houspillant de la voix, tandis que son regard amusé s’employait à éviter le mien.


    Trempant ma plume dans l’encre précieuse, je poursuivais mon récit, bien que ne sachant quand celui-ci arriverait à son terme.



     Est-ce dans la nature du monde, que tout chose aspire à un rythme, et ce rythme, à une sorte de paix ? C’est en tout cas ce qui m’a toujours semblé. Tous les évènements, aussi cataclysmiques ou bizarres soient-ils, se diluent au bout de quelques instants, dans les habitudes de la vie quotidienne.
    Des hommes arpentant un champ de bataille à la recherche de survivants s’arrêtent, pour tousser, ce mouché… Je vis de mes yeux des fermiers imperturbables, labourer, semer, pendant que des vaisseaux s’entre crochetaient a quelques milles de la, nettement visibles dans ciel.


    Il en fut de même pour moi : tout fini par passer, le temps, surtout, et, les mois, puis les années, s’écoulant, je fini par trouver ma place à « l’Académie de Tenerbos ».

    Je n’oublierais jamais, les recommandations d’Umbre, le premier soir, tandis que, terrifié par ce nouvel environnement, l’enfant que j’étais s’efforçait de ce montré courageux, contrôlant ses tremblements.


    « Dorénavant, tu te lèvera avec le soleil ; tu étudieras avec moi, et avec des érudits, chaque jours.
    Tu apprendras le maniement des armes, l’Art, la lecture, les chiffres, l’histoire…

    Ce que tu feras de tout ça, je n’en sais encore rien, mais apprend bien, que Dame Héréna, ta mère, soit satisfaite. Je ne voudrais pas être celui qui la mécontentera, et, toi non plus. »


    J’appris rapidement à savoir ou j’étais le bienvenu, et où je ne l’étais pas.

    J’étais membre de cette petite communauté, tout en ne l’étant pas. Je fuyais les uns, j’observais les autres, et j’obéissais a certains. Mais je ne me sentais de lien avec personne, à part Umbre, qui, plus qu’un professeur, me faisait l’effet d’un père. C’était du moins l’image que je m’en faisais, peut-être, car c’était ce qui s’en approchait le plus, dans ma maigre expérience personnelle. 
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Mar Avr 26, 2016 4:23 pm

  • J’ai remarqué quelque chose, chez les gens maigres : certains, tel Umbre, semblent si attirés par l’existence qu’ils en oublient de manger ou, au contraire, qu’ils brulent jusqu’à ce que la moindre miette de nourriture au feu de la fascination passionnée que leur inspire la vie.

    Mais il existe un autre type d’individus, ceux qui travers les jours avec des allures de cadavre, les joues hâves, les os saillants ; on sent bien que ce bas monde les dégoute tellement qu’ils n’en absorbent le moindre élément qu’avec la plus grande réticence. En voyant Galen, j’aurais juré qu’il n’avait jamais vraiment apprécié la plus infime bouchée de nourriture ni une seule gorgée de liquide de sa vie.


    Ma première journée en sa compagnie –dans le courant de ma onzième année- fut l’une des plus éprouvantes ; nous nous haïssions mutuellement, dès que nos regards ce croisèrent.


    Il m’ordonna de me tenir là, les bras le long du corps, et de lui prêter attention.

    J’écoutais donc son discours, debout, dans l’air froid du sommet de la tour.


    Votre mère, que tous les dieux l’honorent et la bénissent, votre mère pense que vous avez du potentiel, et veut que vous passiez entre mes mains expertes ; je m’incline devant sa volonté. Elle veut que j’essaye de trouver, en vous, qu’êtes de sang inferieur, la force de caractère, la pureté d’intention et la rigueur d’âme, qu’exige le statu d’Hazuni.



    Je fis un mouvement, une douleur assaillant mon mollet.

    D’un bond, il fut devant moi.



    « Eh bien, on s’ennuie ? On se lasse des bavardages du vieux ? »


    « J’avais une crampe au mollet… monsieur. » Répondis-je étourdiment.


    Du revers de la main, il m’assena une gifle.


    « Tais-toi et reste immobile, Ou va-t’en ; ça m’est égal. »



    Je tremblais intérieurement, envahis d’une profonde répulsion.

    J’avais déjà été frappé, j’avais eu des malaises provoqués par Umbre lui-même lorsqu’il m’apprenait les points sensibles du corps, les techniques de strangulations.

    Mais je n’avais jamais vu personne frapper avec un tel plaisir, avec une telle anticipation.




    Il me dit qu’il m’apprendrait à me contrôler moi-même, et que la privation physique serait la clef de son enseignement.

    Le lendemain, il me faudrait arriver avant le lever du soleil ; je ne devais porter ni chaussures, ni chausses, la tête nue, le corps d’une propreté scrupuleuse ; il m’exhorta à prendre exemples sur ses habitudes alimentaires et autres, à éviter les viandes, les fruits sucrés, les plats assaisonnés, le lait et les « nourritures frivoles », il fit l’éloge du gruau, de l’eau froide, du pain complet et des tubercules a l’étuvée.

    Je m’abstiendrais désormais de toute conversation « inutile », surtout avec les représentants du sexe opposé ; il me mit longuement en garde contre les appétits « sensuels » de toute espèce, envie de manger, de dormir, ou d’avoir chaud, inclus.





    Ensuite, commença une série d’exercice.


    Fermer les yeux, et les basculer vers le haut aussi loin que possible, et sentir la pression ainsi créé ;

    Les yeux toujours clos, me tenir sur une jambe, et rester parfaitement immobile.

    Trouver un équilibre du corps, mais aussi de l’esprit ; « en chassant toutes les pensées viles, on pouvait demeurer indéfiniment dans cette position.»
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