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Le départ du Faucon

MessagePosté: Sam Déc 17, 2016 11:07 pm
de Maison Hardin
Les lumières à la surface des mondes occupés autrefois par les Naahniolais s’étaient presque toutes éteintes. Les colonies étaient abandonnées suivant l’ordre inverse à leur colonisation, et c’était désormais au tour de Solaria, troisième planète colonisées de disparaître.

Le Faucon s’envole vers de meilleurs horizons disait-on. En parcourant les couloirs vides du palais de Gurdio, situé en plein cœur de la luxuriante forêt Solarienne, Ethélie n’avait pas cette impression. Cet endroit avait toujours été calme et apaisant. Et pour cela, de nombreux Hardins l’avaient prisé. Perdu au milieu de la nature, caché de tous sous l’abri des arbres, inaccessible pour qui n’en connaissait pas le chemin. C’était peut-être le seul endroit de tout l’Empire où l’on pouvait se permettre d’oublier l’univers. Mais aujourd’hui, ce calme était semblable à celui d’un tombeau.
La vie semblait avoir désertée totalement les lieux. Comme en prévision de ce qui allait suivre, la planète s'était tue.
Plus rien n'occupait les niches que Néléa dépassait. Tout avait déjà été enlevé par ceux chargés de faire évacuer ces lieux. Il ne restait que du vide. Aucun bibelot historique. Aucune trace de ceux qui l'avaient précédés. Aucune touche de couleur pour égayer cette place. Ni chaos ni ordre. Rien. Rien que le bruit de ses pas sur le sol dallé de ce couloir immense désormais.
A présent elle ralentissait l'allure, gênée par le silence qu'elle brisait, et cette sensation mélancolique qui la gagnait. Elle dépassa une pièce qu'elle surprise ouverte. Face à elle, une fenêtre, jetant les derniers éclats du jour sur les rayonnages, vides, de la bibliothèque du palais. Plus aucune des lourdes et antiques tentures n'encadraient le paysage émeraude. Seul les rayonnages et la table de lecture, intégrés à la pièce occupaient encore les lieux condamnés.

Cette pièce avait été la sienne autrefois. Une habitude héritée de sa grand mère, la seule qu'elle ait jamais eut. Quand petite fille elle doutait, elle se réfugiait ici. Dans les fauteuils aujourd'hui enlevés. Dans les bras de Vilya depuis longtemps disparue. Elle se glissait sous la table, à l'insu de tous, sauf de Vilya et se permettait de rêver pendant des heures, d'être une petite fille sans contrainte. Cet endroit si chaleureux, avec tous ses livres, avec toutes les histoires de sa grand mère et tout son amour. Cet endroit, était si froid désormais. Tout l'avait quitté. Seul les fantômes de ses souvenirs le peuplaient. Bientôt elle aussi le quitterait à jamais.

Elle réalisa alors. Elle réalisa ce qu'il se passait réellement.L'Empire se mourrait. Les Hardin l'abandonnaient. Ils avaient échoué. Son frère et sa sœur prétextaient un renouveau. Un avenir glorieux. Mais ils se voilaient la face. Ils n'avaient plus rien de connu. Et face à cet avenir incertain, Ethélie se sentie désemparée. Elle était aussi perdue que lorsqu'elle était enfant, mais plus personne désormais ne pourrait la réconforter. Hésitante, elle s'avança vers la table, seul repère fidèle dans ce monde désormais étrange. Elle se glissa en dessous, s'adossa à son pied centrale, et ramenant ses jambes contre sa poitrine observa les arbres. Ils avaient vu défiler les siècles. Ils avaient vu cet endroit servir de prison dorée. Ils avaient vu l'amour. Ils avaient vu le doute. Ils avaient vu la vie. Et désormais ils verraient cet endroit disparaître. Ce lieu et ses souvenirs allaient être oubliés. Son histoire perdue.

S'était-elle endormie ? Elle n'en avait aucun souvenir. La nuit était depuis longtemps tombée sur le palais délaissé. . Aucune étoile n'était assez lumineuse pour éclairer ses yeux de Naahniolaise. Seule la lueur d'une des lunes de Solaria la baignait de son éclat laiteux. Elle remarqua alors, sous le plateau de la table, le seul objet qui restait dans ce palais. Une des broches de Vilya, qu'elle lui avait donnée lorsqu'elle était bien plus jeune. C'était seulement, un oiseau d'opale. Elle se souvint qu'elle avait placée ce bijou ici après sa disparition. Ainsi sa grand mère avait toujours put veiller sur elle lorsqu'elle se sentait triste et esseulée. Les années passant elle oublia son existence. Jusqu'à ce que ce palais lui fasse cet ultime don d'adieu.

Elle sortit respectueusement la bibliothèque sans en fermer les portes, après avoir fixé l'oiseau à sa robe. Elle parcourut les longs couloirs vides et obscurs pour la dernière fois.
Elle quitta le palais, prenant soin de le sceller. Elle le laissa sous la triple protection des astres de Solaria, songea qu'elle ne reverrai plus jamais ce lieu.