Les nouveaux voisins

Présentation de personnages, d'alliances, dialogues et intrigues se passent ici.
Sam Fév 17, 2018 4:04 pm

  • (HRP : Histoire de ne pas faire de pavé trop brut pour présenter mon empire, j'ai voulu faire un petit RP sur un RC quelconque pour l'introduire de façon plus détournée. Si vous pensez que c'est de la merde au final, faites le moi savoir en mp.)


    Un soleil jaune déversait sa lumière en ce beau matin sur la capitale de l’Empire Cirrhosé. En tout cas, c’est ce qu’un observateur extérieur aurait pu dire si il voyait la planète depuis une station orbitale vraiment lointaine. Au sol, des nappes d’airs polluées nauséabondes stagnaient au-dessus de la ville et laissaient seulement passer vers les habitants l’image d’une petite tâche marron moche. La capitale était un complexe construit pour être le cœur de la méta-cité, mais sans aucunes normes d’urbanisation ou presque : les zones industrielles côtoyaient les habitations, tandis qu’il n’était pas rare de trouver des petits commerces jouxter un laboratoire expérimental du gouvernement. Plusieurs bâtiments étaient par ailleurs complètement en ruine, d’autres partiellement abandonnés, menaçant de s’écrouler sur la tête des passants à tout instant.

    À tous les coins de rues, des soldats. Littéralement, à tous les coins de rues. Et c’est sans compter la police qui patrouille elle aussi ! Mais c’est bien normal dans un pays où le seul travail militaire brut emploie 10% de la population active. Au total, en prenant en compte les milices, les forces de maintien de l’ordre, la police politique, les membres de la marine, les métiers connexes, mais aussi les enfants des soldats et les retraités, c’était le tiers de la population qui était liée directement ou indirectement à l’armée et au gouvernement.

    Concernant ce gouvernement, c’est l’organe connu sous le nom de Conseil Véreux qui tient les rênes du pays. C’est un regroupement de politiciens, de magistrats, mais aussi d’industriels et de militaires, généralement corrompus et malhonnêtes, qui, si ils arrivent à un certain âge, peuvent prétendre à avoir une place dans la plus haute instance nationale. Le président de cette structure se nomme le Grand Kleptocrate et use généralement de pots-de-vin et d’intimidation par la force militaire pour y rester à vie. Toute l’administration est logée dans une énorme tour centrale dans la capitale, qui sert aussi de lieu de réception aux éventuels diplomates. Avec le retour du gouvernement après une longue période d’absence, tous les fonctionnaires étaient en effervescence.

    Tout au milieu des estafettes transportant des caisses, une personne se détachait. C’était une émissaire de la Faction Melrehns, qui venait vérifier les progrès de la nation depuis que le conseil Melrehns avait décidé de le ré-attribuer aux Véreux. Elle était plutôt jeune et son costume soigné contrastait avec les habits crasseux de ceux qui l’entouraient. Elle jetait des regards dans tous les coins tout en consultant ses fiches, et affichait une petite mine de dégout. Les Melrehns sont intelligent et aiment la finesse, tant dans l’esprit que dans l’architecture. Et c’était tout ce qui manquait à l’Empire Cirrhosé. Bien que ses habitants soient eux-mêmes des Melrehns pour beaucoup, leurs yeux n’étaient pas souvent rouges, mais viraient plus vers une couleur verdâtre très laide. Quant à la peau grise typique des Melrehns, l’air vicié des planètes des Cirrhosé lui donnait un aspect dur, presque sale, et c’était fort déplaisant.

    Sans parler de l’état d’esprit des dirigeants qu’elle allait rencontrer. C’était d’ailleurs ça qui l’agaçait au plus haut point. Ce n’était rien de plus qu’un ramassis de politicien véreux, qui portaient décidément bien leur nom. Des gens malhonnêtes qui puent le complot à plein nez. Des gens qui profitent de l’aide de la faction mais qui seront les premiers à quitter le navire si jamais des problèmes arrivaient.
    C’était d’ailleurs incroyable à ses yeux que les hautes instances Melrehns aient bien voulu que le Kleptocrate retrouve sa place sur sa planète. Ils avaient laissé ce pauvre dictateur faire venir tout un tas de criminel des autres factions pour constituer son gouvernement. Pire encore, ils lui avaient envoyé des modules de colonisation mk2 ! Si sa confiance était absolue dans les grands Melrehns, elle se demandait bien ce qu’il pouvait leur passer par la tête, parfois. Mais les Melrehns voient souvent plus loin que le commun des mortels dans leurs plans, alors il devait y avoir une raison.

    Elle poussa la porte qui donnait sur la salle de réunion. Un homme de taille moyenne se tenait derrière un bureau en fer blanc qui devait avoir été récupéré dans une décharge, vu son aspect. Et concernant l’homme, ce n’était guère mieux : il ne se tenait pas droit, et il y avait des tâches rouge sang sur son manteau brun et usé. Son front était large, signe que la calvitie le gagnait, et les cheveux noirs qui lui restaient étaient gras et tombaient sur sa tête en une masse difforme. Autour de lui il y avait un certain nombre d’autres officiers assistants qui, fort heureusement, n’arrivaient pas au même niveau de délabrement que leur patron. Quand il vit l’émissaire arriver, il lui sourit et se leva difficilement de sa chaise.


    « Ah, bienvenue, bienvenue ! s’exclama-t-il. Je suis Mukar, le Grand Kleptocrate et hm, en quelques sortes, dirigeant de cette nation. Je suppose que vous êtes l’émissaire de la faction, mademoiselle… mademoiselle comment déjà ?
    - Mhet… C’est marqué sur la notice que vous avez juste sous les yeux. » lui souffla un officier.
    Mhet poussa un long soupir. La journée allait être longue.
    « Je suis là pour vérifier l’avancée de votre nation. Comme vous le savez, les Melrehns ne toléreront pas que leurs ressources soient à nouveau dispersées dans le vent.
    - Aaah, oui, oui bien sûr, voyez ce rapport, c’est tout ce que nous avons fait dans les derniers mois. »

    Elle prit le papier jaunit. Il indiquait la colonisation bien ordonnée d’une quinzaine de planète, de la mise en place d’une défense minimum en usant des avantages de la guilde des protecteurs, de la construction de quelques vaisseaux sommaires…

    « C’est beaucoup mieux que ce que je pensais, dit-elle en parcourant les pages. Vous avez construit vos colonies diligemment… Mais… vous avez « acheté » des troupes aux Léanths ? Et quelle quantité !
    - Acheté des troupes ? Que voulez-vous dire ?
    - Ça. » Dit-elle en pointant sur le registre des mouvements d’argents à destination d’un centre commercial Léanth prévoyant l’achat massive de troupes au sol.

    « Aaaah, vous vous méprenez ! L’achat d’être humain est prohibé, voyons ! Nous n’avons fait qu’acheter du matériel ainsi que de la documentation pour former des troupes très rapidement. Pourquoi chez les Léanth ? Tout simplement car le seigneur qui nous a vendu ça était le seul du cadran à proposer ces services. Un surplus conséquent de leurs stocks aura fait notre affaire.
    - Soit. Mais pourquoi une telle quantité ? Je veux dire… cent-mille bataillons de chaque type d’unité. Avec les normes militaires standards à 10000 hommes par bataillons, c’est trois milliards de soldats. Sans compter les tanks et les tripodes. Tout cela vous coûte une fortune en entretien ! Alors que vos forces affichent à peine plus d’une dizaine d’intercepteur en service, sans chasse. Cet écart est ridicule. À quoi vont vous servir toutes ces troupes, à part surveiller les carrefours vide de vos rues délabrées ?
    - Vous savez, quand on dirige une nation comme la nôtre, avoir des troupes conséquentes s’avère particulièrement utile… et nous n’avons pas à craindre d’être envahi au sol, avec ça. Sans compter que, bien que cela puisse vous paraitre étrange, mais nous avons une grande culture militaire terrestre ici. Pour ce qui est de la marine en revanche…
    - Vous avez déjà envahi des planètes ? demanda Mhet.
    - Nous l’avons fait. Nous avons conscience que l’invasion de planètes affiliées aux Melrehns pourrait être mal vu par les dirigeants de la faction, mais ne vous inquiétez pas : ceux que nous avons soumis pour tester nos forces étaient si faibles qu’ils ont été vaincus par notre marine. Ce n’est pas une grande perte. De plus, nous nous sommes renseignés auprès des diplomates que nous connaissions, et dans tous les cas, leurs dirigeants faisaient la sourde oreilles aux demandes des Melrehns depuis quelques temps et auraient été destitué de leurs postes par la faction tôt ou tard. Nous n’avons rien fait d’illégal du point de vue de la faction.
    - Mais ça reste passablement immoral. Soumettre par la force d’autres peuple Melrehns…
    - Vous savez, l’univers est rempli d’injustices. » lui répondit Mukar en s’enfonçant dans son fauteuil.

    La vision du dirigeant corrompu vissé dans son siège lui souriant, alors que la pièce s’assombrissait car le jour déclinait, donna un léger frisson à l’envoyée de la faction. Comme elle avait déjà bien discuté et qu’elle ne voyait pas d’autres anomalies dans les rapports, elle mit fin à la discussion et on la conduisit dans une suite aménagée pour les invitées. Elle fut soulagée quand elle y rentra : la pièce était propre et bien rangée.

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    Une semaine après son arrivée, alors que Mhet se préparait à une énième session de réunions avec les dirigeants Véreux, elle reçut une bien mauvaise nouvelle de la part du service diplomatique des Melrehns de la région : afin de mieux cerner la façon de procéder des Véreux, et à des fins de surveillance, elle irait avec la prochaine mission d’invasion. Le premier de ses rapports sur cette pratiqu, fort peu répandue dans l’univers car couteuse et rarement rentable, avait piquée la curiosité des grands pontes Melrehns, qui avaient décidé de s’intéresser un peu à la Nation Cirrhosée. Comme le départ était proche, et qu’elle était la seule disponible, elle était toute désignée. Elle poussa un soupir en se demandant si les autres diplomates n’étaient pas en train de la bizuter.

    Quand elle arriva dans le bureau de Mukar, il y avait plus d’activité que d’habitude. Beaucoup de soldats, entre autres, mais aussi beaucoup de fonctionnaires civils.


    « Ah, mademoiselle Mhet ! Nous avons reçu les derniers chargements que la faction avait conservée pendant notre départ, et en plus nous préparons notre prochaine invasion, alors vous m’excuserez du bazar ambiant.
    - Ça ne peut pas être pire que d’habitude… »

    Une opératrice arriva dans son dos, portant un gros carton dans ses bras.
    « Président ! Vos affaires personnelles nous ont été restituée par la faction, mais c’est terrible : tout a pourri ! C’est dans un sale état.
    - Quoi ? Les enflures ! Je sais que nous avions disparu du jour au lendemain, mais ils auraient pu faire attention à ça ! Je suis le dirigeant d’un monde fédéré quand même ! »

    Le Grand Kleptocrate saisit le carton et l’ouvrit, pour en sortir des livres dans un état pitoyable et des boites de médicaments rongées par la moisissure.
    « Bah, pourtant tout est comme je l’avais laissé… s’étonna Mukar.
    - Ah… Ah bon. Contente que vous ayez retrouvé vos affaires, alors. » lui répondit l’opératrice déconcertée.
    À ces mots, Mhet esquissa un léger sourire. Ouf, tous les habitants de ces mondes ne considéraient pas que 5cm de moisissures sur un objet était la norme, visiblement.

    « Rentrons dans le vif du sujet, si vous le voulez bien. Je vous félicite de faire partie de notre prochain test de nos forces terrestres. La cible est à quelques pas d’ici, une planète sans méta-cité du nom d’Enforcer, pas défendue. L’Empire qui la contrôle a le même niveau de développement que nous. Comme elle est restée sous-développée un long moment, on suppose qu’elle est à l’abandon. Donc pas de gros risques, le départ est dans l’après-midi au spatioport, expliqua Mukar.
    - J’ai aussi pour mission de vous surveiller. Quels seront les officiels qui participeront à la bataille ? »

    Mukar toussa bruyamment, et prit une pleine poignée de pilules. Il reprit son souffle, et tandis qu’il parlait, il frottait l’intérieure de sa main avec son pouce.
    « Aucun des Véreux ne participent aux actions de la guerre. Mais vous allez faire connaissance avec l’autre moitié dirigeante de notre pays. »

    Malgré ces mots peu clairs, elle suivit un officier qui la conduisit dans un hangar du spatioport où les troupes se rassemblaient. Devant elle se dressait une énorme carcasse dodue ; un transporteur mk2 tout neuf. Produit par un seigneur Melrehns renommé dans le domaine du transport, les Véreux avaient tout de suite remarqué le nom de sa classe, « La Pègre, Transport Express 2 ». Pour une nation de corrompus, c’était là la marque de quelqu’un de goût.

    Tandis que Mhet admirait le transporteur se faire charger d’équipement, une personne dans un uniforme militaire plus propre que la moyenne vint se poster devant elle avant de la saluer à la manière des soldats Cirrhosé ; c’est-à-dire en se frappant le torse d’un petit coup sec avec le poing. Mhet la dévisagea un long moment. Déjà parce que le salut Cirrhosé était ridicule et qu’elle retenait son rire à chaque fois. Ensuite, parce que la jeune fille avec son air amorti qui l’avait saluée était jeune, trop jeune. Elle faisait un stage à l’armée ?

    « Vous êtes Mademoiselle Mhet, l’Émissaire ? Je suis Ifrinn Mukar, je serais vice-commandante de la mission.
    - Vice-commandante… pardon ? Mais vous… vous avez quel âge ? balbutia Meth déconcertée.
    - 16 ans. »

    Mhet eu la tête qui tourna. Quoiiii ? Mais comment était-ce possible ? Même elle, prodige de l’académie Melrehns de la diplomatie interstellaire, elle en était sortie à 25 ans ! Quel prodigieux débile avait donc bien pu nommer une fillette à la tête d’une armée ?

    « Si vous voulez bien me suivre, dit la jeune fille, nous allons vous montrer les préparations. »

    En la suivant, Mhet se rappela du nom de la jeune fille : Ifrinn Mukar. Mukar… Aaaaah, elle venait de se rappeler où elle était. Elle venait de se souvenir qui dirigeait le pays… Et tout d’un coup, Ifrinn ne lui semblait plus être un ovni au milieu des soldats crasseux, elle y avait tout à fait sa place.

    « Voilà notre transport, un mk2 modifié. Nous allons embarquer deux cent-milles hommes de troupes, soit selon les normes intergalactiques, cent bataillons de fanatiques et cent bataillons de croisés, mais nous avons notre classification militaire propre. Concernant les autres, ce seront 1250 diplomates, enfin « pacificateurs » et 250 entraineurs militaires.
    - J’aurais cru que vous en envoyiez plus que ça.
    - Nous voulons limiter les pertes en cas de défaite surprise. Nos tactiques ne sont pas encore bien au point.
    - Vous êtes plus intelligent que ce que je pensais… »

    Mhet jetta un œil sur le pont du vaisseau, et remarqua qu’il était le seul à se faire apprêter.
    « Vous n’envoyez pas de vaisseaux de combats ? Seulement un transporteur ?
    - Nous n’en avons pas. L’ennemi non plus. Pas besoin de sortir les croiseurs. »

    Mhet se posa un instant sur une des caisses, elle avait beaucoup marché dans le hangar pendant qu’elle surveillait les agissements des Cirrhosés. En regardant Ifrinn, elle se dit que même si elle avait été placée là par son père, c’était quand même un peu bizarre qu’elle participe à une invasion. C’était dangereux. Normalement quand on pistonne sa famille, c’est à des postes importants et tranquille, et le fait de se retrouver en première ligne contredisait un peu ce principe.

    « Dit voir, ton uniforme est différent des autres, avec les bandes noires, les liserés rouges sur les épaules, tout ça. C’est à cause de ton grade ?
    - Non, c’est l’uniforme de l’UFA. Une autre branche de l’armée à laquelle je suis rattachée.
    - L’UFA ?
    - Un acronyme, pour « Unité Féminine de l’Armée ». Je pense que je n’ai pas besoin de vous expliquer la particularité première de ce groupe…
    - Une branche féminine ? Mais votre armée est déjà mixte.
    - Disons que… Il y a quelques années, lors de la reconstruction de l’armée, les Véreux ont créé une branche séparée pour parer aux cas trop récurent de harcèlement parmi les troupes. Finalement après un remaniement musclé des officiers l’armée régulière est redevenue mixte, mais cette branche UFA a été conservée.
    - Et pourquoi donc ? Je me doute qu’il y a anguille sous roche… »
    Ifrinn se gratta la tête devant le regard inquisiteur de Meth.
    « Je pense que vous connaissez déjà nos pratiques, mais la construction des nouveaux bâtiments pour cette branche a été le théâtre d’intenses détournement d’argent de la part des Véreux. Sans compter qu’une fois terminée, le budget démesuré qui lui a été attribué en a fait une sorte d’unité d’élite où tous les grands pontes de la capitale y ont placé des membres de leur famille. Puis, petit à petit, les générales de l’UFA ont été placée à tout les postes de l’armée, jusqu’à se rendre indispensable au Conseil Véreux. On a autant de pouvoir qu’eux, si ce n’est plus. »

    Mhet réfléchissait, et cela expliquait ce que Mukar voulait dire par « l’autre moitié dirigeante du pays ».
    Et en y repensant bien le fait qu’il se soit présenté comme étant « en quelque sorte » le dirigeant de l’Empire prenait ici tout son sens : il ne dirigeait plus grand-chose, si l’armée avait l’ascendant sur lui. Il allait falloir qu’elle surveille tout ça de près et qu’elle fasse un rapport précis sur l’organisation interne aux Cercles Melrehns.
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    Dans l’énorme transporteur, le voyage n’était pas des plus amusant. La planète visée n’était pas très loin, seulement deux jours de voyage, mais une fois que le vaisseau était passé en hyperespace on ne pouvait même plus se délecter du spectacle lumineux qu’offrait l’infinité de l’univers ; on glissait juste à toute vitesse dans les ténèbres du sous-espace.

    Meth avait donc tout le temps qu’elle voulait pour inspecter le vaisseau. Elle avait été étonnée de voir que beaucoup d’autres membres étaient particulièrement jeunes dans cette armée, et elle avait appris que la majorité ici s’obtenait à 16 ans. Ceux qui voulaient devenir militaires faisaient leurs classes dès 14. Quant aux fameux membres de l’UFA, on lui dit qu’elles étaient en tout environ 5000 bataillons d’équivalent croisés, mais qu’elles étaient quasi-systématiquement déployée mélangée à d’autres unités, sauf dans les cas très spéciaux.

    « Ingénieux, se dit-elle alors qu’elle écrivait son carnet de voyage, cela leur permet d’avoir la mainmise constante sur le gros de l’armée et d’éviter les rébellions. Et comme elles ne sont jamais toutes au même endroit, même une attaque surprise laissera le temps aux autres de venir punir les coupables. Avec un tel contrôle pas étonnant que l’administration branlante du pays soit à leur botte. »

    Le reste du temps, elle s’occupait comme elle pouvait. La plupart des soldats jouaient aux cartes ou utilisaient les écrans inutilisés du vaisseau pour y brancher des appareils de projections 3D. Elle voulut s’y joindre, mais il s’avérait que les films proposés n’étaient que des séries de propagandes dirigées par le régime, mettant en avant la bravoure et le patriotisme de l’UFA dans des scènes démesurées. Mais de ces productions, qui étaient généralement pro-faction et nationalistes, elle ne pouvait rien y redire légalement, bien qu’elle pensait aussi très fort que ce genre de débauche stupide était réservée aux êtres idiots, comme les singes ou encore les Zetrans.

    Le vaisseau arriva enfin en vue de la colonie, et une lumière rouge envahit tous les couloirs. Dans un premier temps, le transporteur vint s’aponter sur le spatioport de la planète. Les quelques policiers désabusés qui gardaient le centre ne furent pas dur à convaincre de donner le contrôle de la station aux forces des Cirrhosés. Les UFA étaient d’ailleurs sorties en premier pour s’assurer que tout allait bien se passer.

    En effet, le transporteur mkII est un colossal monstre de métal, et si il descendait directement sur la planète, on devrait faire dangereusement surchauffer les réacteurs pour le faire sortir du champs de gravité. Et les ingénieurs et pilotes de l’Empire sont loin d’être des as, voir, disons-le clairement : ce sont des gros nazes. Donc autant s’épargner une manœuvre difficile quand cela est possible. Il faut néanmoins que ce soit rapide, pour éviter que le personnel de la station retarde la mise en œuvre de la conquête.

    Les UFA étaient là pour surveiller ça. Il y en avait avec des uniformes comme celui d’Ifrinn, c’était d’autres officiers. Mais d’autres, des combattantes, portaient une armure dérivée des croisés plus standard. Et pour une fois, se dit Mhet, c’était un design convenable. L’armure avait été très largement allégée, les seuls endroits blindés était le bassin, le bas des jambes, la poitrine et les tempes. Tout le reste n’était pas vraiment une armure mais un exosquelette renforcé très près du corps. On avait expliqué à l’émissaire qu’il avait été fait le choix de la vélocité sur la défense pure. Les ingénieurs avaient pensé que puisque les tirs des lasers étaient actuellement suffisant pour passer les armures d’aciers massives que portaient les croisés standards, augmenter la célérité des soldats pourrait être bénéfique. Sur l’avant-bras gauche était intégré un petit canon laser de faible puissance, et elles avaient pour compenser un fusil au plasma lourd plus traditionnel. Dans leur dos, sur la colonne vertébrale de l’exosquelette, deux mini-réacteurs pointaient vers le sol. Ils étaient protégés par un renforcement de plaques d’acier juste au-dessus d’eux, ce qui donnait l’impression que les UFA étaient dotés de petites ailes dans leur dos. Et comme l’armure était peinte en noir, Mhet trouva que leur allure de petits anges de la mort, froid et implacable, collait bien avec l’esprit Melrehns. C’était la première fois qu’elle le pensait.

    Un des policiers de la station tenta quand même d’avertir le sol qu’une invasion avait commencé. Aussitôt, un soldat régulier lui asséna un coup de crosse sur la tête, mais c’était trop tard. La communication venait de partir.

    « Fait chier. Il nous a mit dans la merde, celui-là ! s’écria une UFA. Ils vont s’organiser en bas. On va devoir descendre au plus vite. »

    Des centaines de petites barges de transports partirent du spatioport et arrivèrent sur la planète, près d’un des centres administratifs. Lors de l’arrivée des premières, il y eu bien quelques soldats de garde pour venir à la rencontre des troupes Cirrhosés, mais les croisés tiraient une volée de plasma systématique vers quiconque essayait de s’interposer.
    Une fois bien installé sur la planète, il fallait faire vite : On ne pouvait rester indéfiniment sur une planète, loin des sources de ravitaillement. C’est pour ça que les soldats s’étaient lamenté que la nouvelle de la menace de l’invasion soit parvenue au sol, dans les coins reculés il y avait surement déjà des troupes qui s’organisaient en guérilla.

    Depuis la ville où les troupes avaient prit pied, on envoyait donc rapidement des missions tout autours pour pacifier la zone à grand coups de bombardement. Dans la ville et les alentours, c’était des équipes de pacificateurs et de recruteurs qui allaient parcourir le monde pour le soumettre.

    « Bon, dit Ifrinn, je ne peux pas décemment vous demander de m’accompagner en première ligne, donc je vous propose d’aller plutôt accompagner un groupe de pacificateur et de croisés réguliers. C’est moins dangereux. On va en envoyer direction la banlieue de la mégalopole. »

    Les quartiers plus pauvres de la ville étaient assez excentrés, avec la possibilité pour les rares soldats de défense de mieux s’organiser.
    Au détour d’une rue, une centaine de gardes surgirent et firent feu sur le bataillon de croisé qui escortait les officiels. Action inutile, puisque les croisés disposaient d’une armure complète qui résistait très largement à ce genre de tir. En revanche, les soldats de Cirrhosé disposaient d’une capacité de feu bien supérieur et la riposte fut aussi sanglante que brève, les boules de plasma s’écrasant sans pitié sur les pauvres soldats ennemis, leur armure cédant comme céderait une feuille de papier. À la fin du bref combat, il ne restait plus qu’un amas de cadavres fumant et partiellement vaporisés par le plasma.


    « Je ne suis pas une fine connaisseuse des combats entre armées terrestres, mais celui-là était particulièrement déséquilibré…
    - Ce ne sont que des bataillons de garde. Toutes les colonies les lèvent pour faire face à une invasion, avec plus ou moins de succès en fonction de leurs infrastructures et de leurs technologies. Ils sont sommairement équipés. Nous, nous arrivons dix fois plus nombreux et avec un équipement très supérieur technologiquement. Si ils avaient des vraies troupes entrainés, nous pavanerions déjà moins. Et nous ne sommes pas à l’abri d’un accident, comme toujours. »

    Mhet vit dans les paroles d’Ifrinn qu’elle avait certainement déjà connu pas mal de combats malgré son âge. Et qu’elle avait déjà beaucoup tué.
    Alors que les pacificateurs commençaient à prêcher leur bouillasse nationaliste devant une foule hagard, quelques habitants du monde vinrent contester ce prosélytisme. Des Fanatiques leur barraient la route. Ils voulurent forcer le passage, mais les soldats ouvrirent le feu dans la foule, tirant indistinctement sur les plaignants.
    D’un autre côté, ceux qui s’étaient fait embobiner par les pacificateurs rejoignaient un bâtiment proche réquisitionné pour l’occasion et qui servait de centre de formation aux recruteurs d’élite envoyé par l’Empire Cirrhosé. Certains habitants n’avaient même pas besoin de ça, et en voyant la puissance déployée par les croisés rutilants, ils se constituaient eux-mêmes en bataillons de croisés ou de fanatiques, prêt à servir sous une nouvelle bannière. D’autres, moins avancé dans le lavage de cerveaux, et peut-être simplement plus pragmatique, décidaient de collaborer avec l’occupant en constituant une force de police pour supplanter l’actuelle.


    « Ces invasions sont vraiment terribles, elles doivent laisser une trace conséquente dans les sociétés qui les subissent. Non seulement il y a les morts de la guerre, civil et militaires mais il y a aussi tous ceux qui partiront rejoindre les forces de l’occupant ; ceux dont les voisins auront collaboré, les dizaines de milliers de morts qu’il y aura quand l’occupation se terminera… et tout ça sur des Melrehns, nos frères.
    - Ne vous inquiétez pas, nous n’avons pas l’intention d’agresser éternellement nos proches voisins, nous comptons aussi attaquer d’autres peuples quand notre marine en aura les moyens.
    - Je ne sais pas si ça me rassure vraiment… »

    Elles avaient progressé plus profond encore dans la ville. Mhet écrivait son rapport, tandis qu’Ifrinn consultait les données radio qu’on venait de lui envoyer. Toute la planète était pratiquement sous contrôle, de toute façon la population et les grandes villes étaient toutes concentrées sur la même zone. Ne restait qu’une petite poche de résistance à l’ouest où elles se dirigeaient.
    Mhet regarda un moment Ifrinn pour remarquer qu’elle des quintes de toux de plus en plus fortes depuis un moment. Elle voulu lui demander si elle était malade, mais elle en fut empêchée par une explosion. Elle trouva presque agréable d’être un temps en apesanteur pendant une microseconde, alors que le véhicule était en train de se renverser. Elle fut projetée contre une des parois qui elles-mêmes se faisaient éventrer.

    Elle se remit rapidement debout, pour voir que des soldats embusqués avaient lancé des grenades sous le transporteur. Deux pacificateurs en avait fait les frais, et ils étaient maintenant dispersé un peu partout autour de Mhet. Les autres soldats Cirrhosés étaient eux aussi blessé et ils tenaient mal leur position.
    Ifrinn avait sorti son pistolet laser et résistait tant bien que mal alors qu’elle était coincée sous un morceau de tôle. Elle toussait de plus en plus. Elle tira sa jambe de toute ses forces mais elle fut atteinte par un éclat de bombe au visage. Elle voulu retirer le morceau d’acier planté dans sa pommette gauche mais il était trop bien enfoncé, et le sang la faisait glisser. Ifrinn chercha frénétiquement dans la poche de sa veste et en sorti une poignée de pilule de sa main tremblante, quelle avala.

    Il fallut une trentaine de secondes aux médicaments pour faire effet, mais elle avait cessé de tremble, de saigner, et de tousser. Elle pu soulever sans peine la plaque de tôle qui l’avait bloqué et pu se mettre à l’abris. Pour les autres soldats, la surprise était passée et ils avaient tué tous les assaillants. Au final, un recruteur avait aussi été tué et c’était trois pacificateurs qui avaient trépassé. C’était le dernier coup d’éclats des gardes d’Enforcer, ils avaient visé symboliquement les armes nationalistes des Cirrhosés.


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    Le lendemain, les troupes s’apprêtaient à repartir, Ifrinn briefait les nouveaux venus une dernière fois. Son visage était à moitié couvert par les bandages.
    « Vous vous êtes remise ? Demanda Mhet qui arrivait.
    - J’ai connu pire.
    - Je voulais parler de votre prise de drogue. C’est courant ici ?
    - Ça… permet de compenser la faiblesse de nos armures. Les Zetrans le font aussi.
    - Moui, je suis au courant, mais vous ça semble vous affecter plus que de raison.
    - Il suffit de prendre d’autres cachets pour compenser les premiers.
    - Mais vous n’avez pas peur que ça finisse par vous tuer ? La science de nos jours est puissante, mais elle ne peut pourra pas vous sauver indéfiniment. »
    Ifrinn se retourna, face à Mhet, ses bandages rosés à cause de la cicatrisation en cours bien visibles.
    « Je n’ai pas peur de la mort, je vis pour la Nation. »

    Plus qu’impressionnée, Mhet prenait en pitié Ifrinn, car les Véreux, son père compris, vivaient plus pour eux-mêmes que pour leur pays ou la faction. Elle n’osa rien lui répondre.
    Une fois rentré sur Gangrène, la planète mère de l’Empire, les réunions n’en finissaient pas. Et comme on préparait dans la foulée la prochaine attaque, les officiers mélangeaient les dossiers, ce qui rendait la gestion encore plus complexe.


    Dans la salle de conférence et aussi bureau du Kleptocrate, le président Mukar félicitait les troupes revenues d’Enforcer.
    « Ahaha, ma fille, dit-il en prenant Ifrinn par les épaules, félicitation, félicitation ! Cette invasion est une réussite. Nous avions volontairement réduit les troupes cette fois-ci, et à part un léger incident, tout s’est passé à merveille.
    - Votre fille a failli mourir vous savez…
    - Ahaha, mais elle en est revenue, finalement ! Et notre expérimentation a porté ses fruits.
    - Mais…
    - Si cela a permis de renforcer notre armée, cette blessure n’était pas cher payée. »
    Mhet n’eut pas le temps de contester, puisqu’au même moment une opératrice, la même que d’habitude, entra en courant dans le bureau.
    « Président ! Une communication stellaire vient d’arriver ! De la part du seigneur Spestlrosh, celui qui s’est fait envahir sa colonie il y a quelques jours.
    - Donnez-moi ça ! Argh, nous le pensions inactif. J’espère que ce petit accrochage ne l’aura pas trop énervé…

    « Cher Empire Cirrhosé, pourriez-vous retirer vos forces de ma planète, s’il vous plait ? »


    - Et… c’est tout ?
    - Oui, il n’y avait que ça.
    - Bon eh bien alors, nous pourrions retirer nos troupes de sa planète, puisqu’il l’a poliment demandé. Ifrinn ? Tu enverras une communication aux forces d’occupation d’Enforcer. Visiblement cela devrait suffire… Ifrinn ? »

    La jeune militaire ne répondait pas, et elle détournait son regard pour ne pas croiser celui de son père ou de l’opératrice.
    « Il… il semblerait que j’ai oublié de donner l’accès des canaux de communications militaires aux troupes restées sur place en partant ; donc impossible de les faire partir. »
    Le silence emplit la salle.
    « Bon eh bien, de toute façon la population ne devrait pas tarder à se révolter et à les éliminer d’elle-même, je pense que ça suffira…
    - Vous avez de la chance que ce seigneur soit particulièrement complaisant dans ses relations diplomatiques !
    - Disons juste qu’à la guerre, il y a toujours une part de chance. »

    Mhet avait quasiment terminé son inspection. Les jours qui suivirent, l’Empire s’annonça comme de nouveau actif sur les canaux de l’univers, et fut dans le même temps contacté par le seigneur Avomgg pour rejoindre la grande et puissante coalition formée par l’Empire des Ombres Souveraines. La nation Cirrhosée avait terminé son retour parmi les nations stellaires et son intégration aux Melrehns.

    Quand Mhet quitta Gangrène, une nouvelle mission se préparait et mobilisait encore des milliers de soldats. L’invasion à laquelle elle avait participé n’était déjà plus qu’une note de bas de page des rapports, et ceux qui y étaient mort étaient déjà oubliés.
    Dans le cargo pour Ténébris, elle nota dans son ultime rapport que dans l’immensité de l’espace, les peuples Melrehns avaient maintenant, de nouveaux voisins.
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