Histoire d'une non-découverte

Présentation de personnages, d'alliances, dialogues et intrigues se passent ici.
Lun Avr 01, 2019 7:11 pm

  • Les événements qui seront relatés ici se sont produits durant l’année 17.985 TSU, ou bien, d’après le Système Logiciste Temporel employé par la lointaine planète Laterre, en la première année du mois d’Avril, de la 2019ème Période Stellaire ; lesdits événements donc, eurent lieu non pas sur Laterre, mais sur Ker Skida, une colonie de l’Anarchie Remirehn connue pour son haut taux de savants excentriques (constant depuis un peu plus de sept siècles TSU). C’est d’ailleurs l’un d’eux qui vous parle.

    Qu’on me permette de vous conter l’histoire de Baraz Anoduin, un savant parmi tant d’autres dans l’Univers…

    Ce jour-là commença comme tous les autres. En arrivant au laboratoire de Physique où nous officiions, mon collègue Baraz ne pensait pas que ce serait le jour où il… mais commençons par le commencement.

    Baraz arrive donc, avec à la main le dossier contenant ses dossiers en cours. Il n’a jamais voulu acheter de sac. D’après lui, c’est « le meilleur moyen de se faire dérober et copier ses travaux sans s’en apercevoir ». Il semble un peu plus excité que d’habitude, mais ça n’est pas si rare. Tout se passe normalement jusqu’à la pause-café, où nous avions l’habitude de tous nous retrouver entre chercheurs pour discuter des projets en cours et plaisanter sur les labos concurrents (vous connaissez celle du chimiste qui se précipite ?). Sauf que ce coup-ci, Baraz nous pose un lapin.

    Avec les collègues, nous lui aurions bien dit deux mots. Nous avons donc investi son bureau. Et c’est ainsi qu’on l’a trouvé en train d’y faire une expérience, au mépris de tous les protocoles qui veulent que les bureaux servent à la théorisation, et le grand labo commun à la mise en pratique. Bon, c’est vrai aussi qu’il était un peu mal vu au labo depuis qu’il avait réussi à y faire régner une horrible odeur de poisson pendant trois jours, en essayant de mettre au point un détergent capable de venir à bout des taches de méthyle-chloroglucomate de potassium quadribenzènique (dont un magnifique exemplaire orne d’ailleurs le plafond du labo, qui a déjà triomphé de sept ans de tentatives de nettoyage ; il faudrait refaire le labo pour s’en débarrasser).
    Ce qui n’excuse rien. Je commence donc à le tancer.

    « Dis donc, Baraz, tu nous fais quoi, là ? Tu abandonne la pause-café pour une paire de résistances ? Expliques-nous l’intérêt que ces deux morceaux de métal bêtes et inertes ont par rapport à nous, ça nous intéresse.
    Ah, vous tombez bien, j’allais aller vous chercher ! J’ai besoin d’un volontaire pour poser la main successivement sur ces deux résistances (dont une seule est en métal, soit dit en passant).
    Deux résistances étaient en effet posées sur son bureau, reliées à un générateur électrique.
    Bon, je me dévoue…

    La résistance de droite était légèrement chauffée. Celle de gauche, en revanche, était froide.

    C’est celle de droite qui est branchée… Aucun intérêt.
    Justement, si.
    Non.
    Les deux sont sous tension. Tension que je vais maintenant monter… »

    À ce stade, on a tous compris que c’était un canular. Mais Baraz méritait au moins un pourcent la réputation de Ker Skida, à lui tout seul. Voir comment tout allait tourner serait sûrement intéressant.

    « Je commence à droite. »

    Il monte son générateur à pleine tension, en focalisant le couplage sur la partie droite du circuit. Et comme c’est un bon modèle de générateur, puisqu’il vient de chez nous, la résistance rougit comme une tomate, et la température grimpe rapidement dans la pièce.

    « Où est l’intérêt de faire ça en été ?
    Nulle part. Je la débranche et je passe tout le jus sur l’autre, qui vous intéressera sans doute plus. »

    Dès qu’il le fit, la résistance de gauche se mit à luire faiblement, d’une étrange lueur bleue. C’était donc celle qui n’était pas en métal, vu qu’aucun métal ne réagit comme ça à l’électricité.
    La chose intéressante vraiment intéressante est que la température baissa, et aussi vite qu’elle était montée.

    « Vous aimez l’air frais, j’espère ?
    Mais ça n’a pas de sens ! Cette résistance bafoue toutes les lois de l’entropie et de la thermodynamique ! »

    Les autres ne dirent rien, trop éberlués. Et ils avaient raison.

    ***


    Le lendemain, trois représentants de l’Assemblée, appelés à la rescousse, vinrent constater la toute nouvelle existence de la résistance réfractaire à presque toutes les lois connues de la physique. Baraz leur offrit donc une démonstration en règle, et dans le labo, pour une fois. Le premier, un homme grisonnant et arborant un parterre de médailles sur son uniforme de l’Armée, expliqua rapidement aux deux autres en quoi une résistance capable de descendre en température lorsqu’électrisée n’était pas un phénomène normal, tandis que Baraz baissait la tension du générateur, histoire de ne pas frigorifier les représentants.

    « Vous le savez peut-être, un courant électrique est une sarabande d’électrons qui tournent dans un circuit comme des enfants dans un manège. Ce faisant, ils dérangent les enfants sages… non, excusez-moi. Ce faisant, les électrons en mouvement perturbent ceux qui restent immobiles, causant une perte d’énergie, qui, d’après les cinq lois de la thermodynamique (surtout les trois premières, en fait), se traduit toujours en partie par une élévation de la température.
    Jusque là, c’est clair, répondit le second, une femme à la coiffure extravagante.
    Mais alors, où bien ces lois sont fausses, ou bien cette pièce n’a pas été rafraîchie par le dispositif d’Anoduin ! »

    Ce raisonnement peut paraître étrange. C’est parce que celui qui l’a émis était visiblement membre d’une quelconque mouvance plus ou moins post-néo-pré-moderno-hippie. Lui, j’ai l’impression qu’il vient aussi de Ker Skida.

    « Ces lois sont fausses, ou du moins incomplètes. Nous avions bien vu que tous les systèmes de climatisation du bâtiment étaient débranchés, et il ne refroidirait pas de lui-même par une telle chaleur.
    Ce qui nous conduit à trois questions et une affirmation : cette résistance peut nullifier l’entropie, pouvez-vous développer une science à partir de cela, de quel budget auriez-vous besoin et quels débouchés envisageriez-vous ? »

    Apparemment, il mérite ses médailles.

    « Dans l’ordre : en effet. Bien sûr, pour qui nous prenez-vous ! Un instant, je vous prie. »

    Il ouvrit un logiciel de calcul sur son ordinateur, et pianota sur quelques touches.

    « D’après mes premières estimations, entre 5 et 36 milliards de zircans, pour commencer. Quant aux débouchés, ils sont immenses ! L’entropie est présente absolument partout. Les pièces qui se brisent en vol sur nos vaisseaux les plus modernes, sans raisons apparentes, la consommation exponentielle des Concentrateurs, et tant d’autres choses encore, sont en partie voire totalement dues à l’entropie !
    Les Concentrateurs ? Expliquez-nous ça. »

    Je ne laissai pas à Baraz le temps de répondre, personne n’aurait rien compris.

    « Si la consommation en énergie augmente de plus en plus vite lorsque l’on surcharge un Concentrateur, c’est parce que les mécanismes de la Photopile en cours de création opposent une résistance et transforment une partie de cette énergie en chaleur, du fait de l’entropie. Ainsi, un Concentrateur de niveau 15, chargé à 250% peut charger entièrement une photopile en environ quatre fois moins de temps qu’avec une charge de 100%. Mais il utilise cent fois plus d’énergie, ce qui diminue sa rentabilité énergétique de 96% (par rapport au Concentrateur non surchargé). Nous ne surchargeons nos Concentrateurs que parce que la rentabilité énergétique est négligeable en face de la rentabilité temporelle.
    Mais en développant une Maîtrise de l’Entropie, on pourrait au contraire garder cette rentabilité énergétique à 100% ! Pour la même concentration, ce Consommateur aurait donc une rentabilité temporelle de 100 Photopiles par jour.
    Voilà qui suffit déjà à justifier le développement d’une telle science. Vous avez aussi évoqué, je crois, l’entretien des vaisseaux…
    90% du temps, un vaisseau de guerre reste à quai — en temps de guerre ! Son entretien durant cette période concerne donc uniquement les pièces défectueuses. Bien sûr, les batailles sont si dévastatrices, de nos jours, que leurs réparations représentent facilement la moitié des frais d’entretien d’un vaisseau, toujours en temps de guerre…
    Et vous vous proposez de supprimer l’autre moitié ?
    Tout à fait !
    Vous citeriez quoi comme applications civiles ? »

    Là encore, autant éviter que Baraz ne réponde.

    « L’entropie maîtrisée, il ne serait plus nécessaire non plus d’entretenir les bâtiments tels que les logements. Les loyers baisseraient, ce qui faciliterait l’accès des plus pauvres à un niveau de vie plus aisé. De même, on pourrait considérablement réduire le prix de l’électricité, car les câbles qui la transportent peuvent la perdre de deux façons, toutes deux liées à l’entropie : ou bien en chauffant, ou bien, dans le cas des supraconducteurs, en nécessitant un refroidissement constant et coûteux en énergie. Et ne parlons même pas des baisses de prix de la climatisation !
    A propos de coût, pouvez-vous nous expliquer ce chiffre en milliards de zircans ?
    Comme vous le savez depuis que l’Assemblée a financé la Maîtrise de l’Espace, il faut une quantité de données colossale concernant les anomalies à partir desquelles on travaillera. Dans le cas de la Maîtrise de l’Espace, il a suffit d’ouvrir 25 Portes, pour engranger assez d’exemples de distorsions spatiales pour pouvoir les comparer de telle sorte que les lois les régissant émergent. Mais ici… L’anomalie de base est une résistance.
    Donc ça coûterait moins cher qu’une étude comparative des Trous Noirs d’une Région entière ?
    Non. Une résistance ne permettra jamais de déterminer un modèle physique.
    En effet, il va falloir quelque chose de plus signifiant, et ceci afin d’affiner la précision. Il se trouve qu’une étude comparative des Trous Noirs de la Région est mon point de départ.

    Ensuite, les expériences en laboratoire, si elles sont comparables à celles qu’ont nécessité les Maîtrises déjà explorées, demanderont également une certaine quantité de matériaux et d’énergie sous forme photopilique.
    D’accord… Pourrais-je examiner votre résistance, s’il vous plaît ?
    Bien sûr ! »

    Elle prit l’appareil et commença à observer la lueur bleue. Puis elle sembla prise d’un doute.

    « Au fait, les radiations émises ne sont pas dangereuses, j’espère ?
    Non, c’est juste un peu de lumière. Par contre, ne brusquez pas trop la résistance, il y a quand même une fraction assez importante de KVr 7-24. »

    Quand je vous dis que Baraz est farfelu ! Il n’y a que lui pour mettre un explosif pareil dans une résistance.

    « Attention ! Cette chose pourrait souffler tout le labo !
    Mais non, il n’est pas assez concentré… »

    Trop tard. Dans un mouvement de panique, la représentante lâche la résistance. Le médaillé réagit au quart de tour, essayant de l’attraper avant qu’elle ne touche le sol. Il ne réussit qu’à la repousser plus loin ; sur mon pied, pour être précis. Et ça ne rate pas : elle explose.

    La concentration en KVr 7-24 n’était en effet pas très élevée, le souffle de l’explosion n’a affecté que moi (évidemment), Baraz et le générateur. Celui-ci a pris feu, probablement du fait d’un court-circuit maintenant que le système auquel il était relié avait été éparpillé. L’ennui, c’est que le dossier de Baraz était posé à côté. Toutes les traces de ses recherches ont brûlé. Quant à Baraz lui-même, sa tête a heurté une paillasse et il a perdu tout souvenir des cinq dernières années.

    C’est ainsi que l’Humanité a failli accéder à une nouvelle science. Failli.
    "Le temps... est sans importance..."
    Pas sur Celestus.
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    Anarchie Remirehn
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