A la découverte des Enfants de Nelrée

Présentation de personnages, d'alliances, dialogues et intrigues se passent ici.

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    [HRP] Au départ, mon idée était de faire venir un explorateur sur ma planète, et de lui faire raconter ce qu'ils voit afin d'expliquer en gros à quoi ressemble le peuple, comment ils vivent et basta. C'est toujours le cas, mais je me suis un peu enflammé, et ça a pris les dimensions d'une petite (ou pas) nouvelle, avec sa propre intrigue. Du coup, c'est évidemment très long à écrire. Mais plutôt que d'attendre des semaines avant de livrer le tout d'un bloc, je vous la livre au fur et à mesure de son avancement. Au moins ce qui est déjà connu pourra servir pour le RP.

    J'ai commencé à y mettre quelques images pour rendre le tout plus digeste et agréable visuellement, mais il m'en manque tellement que j'ai pas eu le courage de continuer. Donc si vous en avez que vous pensez être adaptées pour illustrer le texte, je suis preneur ^^

    Évidemment, toute critique, remarque, commentaire, est bienvenue. De même si vous voyez des "fôte d'aurtograffe" ou coquilles qui trainent (y en a toujours !). Bonne lecture pour ceux qui en auront le courage :)
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    A la découverte des Enfants de Nelrée

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    Par Armann Stresy
    explorateur stellaire

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    L'approche

    Explorateur stellaire n'est pas un métier, c'est une vocation. Il parcours les galaxies sans savoir ce qu'il cherche, par amour de la découverte. C'est une activité à haut risque qui requiert d'infinies précautions et de la chance.
    Imaginez-vous à l'approche d'une planète habitée dont vous ne savez rien. Quel genre de créatures y habitent ? Vont-ils vouloir vous foudroyer sur place ? Si ce n'est pas le cas, communiquent-ils par la parole, par geste, par quelques phéromones ?
    L'approche d'une telle planète est une expérience aussi grisante que stressante et dangereuse. Et c'est naturellement dans cet état que je me trouvais lorsqu'en l'année 14.798 TSU mon holo-transmetteur me fit parvenir l'image d'une lune inconnue, bleue, munie d'une atmosphère et aux continents éclairés par la lumière artificielle indiquant une forme de vie intelligente. Je ne vais pas le cacher, l'expérience était d'autant plus forte que c'était la première fois que je découvrais un nouveau monde habité, un authentique peuple originaire de Varden.

    J'avais mis au point un protocole afin de minimiser les risques et de maximiser les chances de fuite en cas d'hostilité. Je ne le détaillerai pas ici, mais c'est un protocole complexe qui demande une longue mise en place. Il nous aura fallut 3 mois à mon équipage - aussi tendu que je l'étais - et moi-même, pour finaliser ces préparatifs, immobiles dans l'espace. Nous étions bien conscients que malgré le soin accordé à prévoir le maximum d'éventualités, nous nous aventurions en terrain inconnu et que toutes ces précautions pouvaient être finalement bien dérisoires. Un placebo servant plus à calmer nos inquiétudes qu'à assurer notre sécurité.

    L'approche est un moment que l'on n'oublie pas. La gravité artificielle du vaisseau semble se dérégler et vous coller à votre siège. Il n'en est rien bien entendu. L'équipage au complet est dans l'attente muette. Et le silence qui s'en suit sur la passerelle vous fait prendre conscience des moindres tremblements des systèmes de propulsion, du plus petit indicateur sonore des tableaux de bord, du cliquetis d'une ceinture nonchalamment posée sur le dossier d'un siège.
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    Mes yeux étaient rivés sur l'holo-représentation de cette planète qui grandissait à mesure que l'on approchait et mon sang se glaça soudain au son strident du communicateur extérieur. Nous avions reçu un message. Je stoppais l'appareil, précaution élémentaire. Le message était auditif, ça facilitait les choses. Dans ce genre de cas, je pourrais utiliser le transcodeur linguistique implanté dans mon oreille pour prendre connaissance du contenu du message avant d'en faire part à l'équipage, mais ce n'est jamais une bonne décision. Le transcodeur peut parfois se fourvoyer dans le sens de certains mots ou phrases (quand il parvient à faire son travail), mais il est toujours simple de reconnaître l'intention générale du message, et si celui-ci annonce un danger alors l'équipage doit être prêt à réagir dans la seconde, c'est pourquoi je passais le message au transcodeur linguistique de la passerelle, qui après un court instant nous retransmit ceci :

    «La planète Nelreide vous souhaite la bienvenue, voyageurs. Si vos intentions sont pacifiques, nous serions très heureux de vous inviter et vous demandons d'attendre la venue de l'escorte qui arrivera sous peu.»

    Je sentis l'équipage se détendre, quelques sourires étaient esquissés, il en fût de même pour moi, mais nous savions tous que rien n'était gagné. Si le discours n'avait rien d'hostile, qu'en était-il des intentions ? La fourberie est une caractéristique malheureusement commune à toutes les créatures dotées d'une conscience de soi. Mais nous ne pouvions réprimer une lueur d'espoir dans nos yeux.

    Le message était étonnamment simple et direct. Peut-être trop. Le «sous peu» n'était pas très instructif, quelle était leur échelle temporelle ? Le mot «escorte» ne nous était pas non plus d'une grande utilité, allions-nous voir débarquer des créatures mutantes capables de voyager jusqu'à nous ou une quelconque machinerie ?

    Après le décryptage de la fréquence utilisée, il me fallut une bonne dizaine de minutes pour choisir les mots que j'allais utiliser en réponse. Je n'étais représentant d'aucun peuple, d'aucune planète, juste de ma soif de découverte, mais les curieux ne sont pas toujours bien vus. J'optais à mon tour pour un message simple que je passais par le filtre inverse du transcodeur linguistique : «Salutations au peuple de Nelreide. Nous venons à vous sans intention hostile et sommes heureux d'accepter votre invitation. Conformément à vos indications, nous attendrons la venue de l'escorte.» J'avais hésité à utiliser le mot «heureux», les sentiments sont source de confusion mais cela ne me sembla pas un problème en regard à leur utilisation du mot «bienvenue».

    L'attente fût à la fois courte parce que l'escorte ne se fit pas attendre plus de 2h et interminable du fait que nous étions tous dans l'expectative. Ce qui vint à nous était trois vaisseaux spatiaux assez semblables au notre en taille mais au design plus élégant. Aucune arme apparente. Nous les vîmes s'approcher, l'un d'eux se plaça devant nous, les deux autres à droite et à gauche. Cette fois c'est l'holo-communicateur qui retentit. Je ne pu m'empêcher de ressentir une pointe de déception lorsque je vis un être humain de sexe masculin. Un explorateur espère toujours rencontrer des êtres exotiques. Mais ce n'était pas à la mesure du bonheur que je ressentais à pouvoir, après des années de voyages dans le vide spatial, entrer en communication directe avec des semblables. Leur langue était agréable à l'écoute, bien que le transcodeur, traduisant au fur et à mesure ne me permettait pas d'en profiter pleinement : «Je suis le responsable de votre escorte, nous sommes ravis de recevoir des visiteurs, je vais vous conduire au spatioport ou votre vaisseau sera en sécurité. De là nous prendrons une navette pour Nelreide.»


    L'accueil

    Encore une fois le voyage me parut durer une éternité. Le spatioport en question était à l'image des vaisseaux, à la fois installation technique et bâtiment artistique aux formes élancées. J'avais assigné vingt personnes pour rester à bord, avec ordre de s'échapper au moindre signe de trouble. Elles n'étaient pas ravies bien entendu, tout le monde souhaitait rejoindre une terre ferme, ne serait-ce que pour quelques heures, mais je leur avais promis que si c'était possible, un roulement serait organisé.

    L'appontement se passa sans heurt. Lorsque la passerelle fût déployée et que je mis le pied dessus, ma surprise fût grande. Tous les spatioports sont de véritables ruches et celui-ci ne faisait pas exception, mais jamais je n'avais vu un spatioport dans lequel toutes les personnes présentes arrêtaient leur travail et vous attendaient avec le sourire aux lèvres. L'homme que nous avions vu via l'holo-communicateur se trouvait en bas de la passerelle, souriant lui aussi.

    - Je ne connais pas vos coutumes, me dit-il dans sa langue, et ne sais donc de quelle manière vous saluer, mais soyez assurés que vous êtes ici les bienvenus et que nous sommes honorés de votre présence.

    Me prenait-il pour quelqu'un d'important ? Je n'en avais certainement pas l'allure dans mon uniforme rappé et devenu rêche avec le temps, ni la prestance. Je ne sais ce qui me prit sur le moment, mais je lui demandait s'il pouvait m'accorder une minute, ce qu'il fit sans demander d'explication. Je remontais dans le vaisseaux et annonçait aux personnes consignées à bord que s'ils le souhaitaient, ils pouvaient prendre leurs affaires et nous suivre. Ce n'était pas raisonnable bien entendu, mais ces gens là dehors, par leur attitude, m'avait mis en confiance, et sur le moment cela me sembla une bonne idée. Après tout je devais bien ça à ces hommes et femmes qui avaient supporté le vide spatial à mes côtés tant d'années. Ils se concertèrent quelques instants, eux non plus ne pensaient pas cela raisonnable, mais l'attrait de la terre ferme se fît la plus forte, et tous choisir de descendre.

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    A mon retour sur la passerelle, l'homme m'expliqua que s'ils pouvaient faire quelque chose pour notre vaisseaux : réapprovisionnement ou réparation si leurs connaissances techniques étaient suffisantes, il me suffisait de le demander. Il m'assura que notre vaisseau ne serait pas approché dans le cas contraire. Je me contentais de le remercier et de lui dire que je ne connaissais pas précisément l'état de nos stocks et de notre coque mais que je lui ferais savoir ultérieurement le cas échéant.

    Il nous amena à la navette, nous étions escortés par une trentaine d'hommes et de femmes, probablement des soldats, mais ils ne portaient qu'une arme de poing et une arme blanche à la ceinture, pas de plastron anti-laser, pas de signe distinctif de grade. A vrai dire, si ce n'était les armes à leur ceintures, rien ne les différenciait des travailleurs du spatioport. Beaucoup de civilisations accueillent les inconnus de manière ostentatoire, avec de nombreux hommes armés et armurés de pied en cape, quitte à les équiper d'armes fictives mais à l'allure terrifiante pour faire impression sur le visiteur ; lui faire comprendre qu'il n'a pas intérêt à faire un pas de travers. Le fait que ce soit l'inverse ici paraissait encore plus dangereux : des hommes qui n'ont rien à prouver, sûrs d'eux-mêmes. Mais c'était tempéré par l'absence totale d'hostilité que je ressentais, comme s'ils étaient heureux de nous voir, comme s'ils nous attendaient. Je commençais à être persuadé qu'on nous prenait pour quelqu'un d'autre. Durant le voyage je me décidais à dissiper le malentendu, j'expliquais à l'homme que nous étions des voyageurs, que nous ne représentions aucun peuple, aucune civilisation particulière, en bref, que je n'étais pas un représentant officiel qu'il fallait traiter avec beaucoup d'égard. Il me sourit en retour avant de répondre «mais vous être nos invités !».

    Je m'attendais un peu à ce que je vis en approchant de la terre ferme. Nous survolions une ville vraiment magnifique, extrêmement diversifiée dans les architectures, mais le tout gardait une cohérence. Beaucoup d'espaces verts et de jardins étaient aménagés, la ville était stoppée au nord par une chaîne de montagne. Un fleuve la transperçait et se déversait dans la mer. Partout ailleurs c'était une forêt dense de climat tempéré, pas trace de route pour la traverser. Le moment de l'atterrissage arriva enfin. Faut-il vous expliquer ce que l'on peut ressentir après des années dans l'espace, à fouler le sol d'une planète, à être sujet à une pesanteur sans artifice, a respirer l'air naturel, sentir le vent sur son visage, l'odeur de l'herbe qui borde la piste ?

    Dehors deux rangées d'hommes comme ceux qui nous avaient escortés se tenaient de part et d'autre, en rang d'honneur comme lorsque l'on reçoit un officiel. Et en face, une jeune femme d'une grande beauté. Elle était plutôt petite, guère plus d'1m60. Ses cheveux roux, longs et bouclés tombaient en cascade sur ses épaules, seules quelques tâche de rousseurs venaient parsemer sa peau d'albâtre. Ses yeux étaient verts clairs et son sourire franc, elle avait une grâce et une élégance toute de simplicité. Visiblement aucun maquillage, juste un pendentif en guise de bijou et une simple robe rouge grenat descendant jusqu'aux pieds, maintenue à la taille par une ceinture unie un peu plus foncée que la robe. Elle s'avança, me scruta intensément, son regard semblait lire en moi. J'étais impressionné, je dois l'avouer, mais je ne savais pas trop si c'était pas sa beauté, son regard ou l'impression qu'elle dégageait. Puis son sourire se fit plus ouvert, elle fit un signe discret de la main, et tous les soldats présents déposèrent leurs armes au sol et vinrent prendre nos bagages. C'était un spectacle vraiment fascinant et incompréhensible. J'avais hâte d'en savoir plus sur leur us et coutumes, j'en avais presque oublié les potentiels dangers.

    - Je m'appelle Ereah, nous dit la jeune femme. Elle ne s'adressait pas spécifiquement à moi mais à tout l'équipage, ne semblantt pas tenir compte des grades ou des préséances. Je suis votre guide et espère rendre votre séjour sur Nelreïde le plus agréable possible. Vous pouvez rester ici autant de temps que vous le souhaitez. Si vous avez des questions ou s'il vous manque quoi que ce soit, je suis là pour répondre à vos attentes. Mais je suppose que dans l'immédiat vous devez être fatigués de votre voyage. Je vais vous conduire à vos appartements, si vous voulez bien me suivre...

    Nous fûmes répartis dans plusieurs véhicules à suspenseur qui nous conduisirent à un bâtiment, bas et carré, fait de pierre ocre. L'entrée des appartements (car il s'agissait bien d'appartements et non de simple chambres) donnait sur un patio bien entretenu. Chaque femme et homme de mon équipage avait le sien et aucun appartement n'était plus imposant qu'un autre, mais tous étaient différents à leur manière, dans le style d'intérieur, l'ameublement, la décoration, l'agencement des pièces. Le lieu était vraiment grand et le patio en conséquence, imaginez plus de cent-trente appartements d'environ 80m², tous au rez-de chaussé - le bâtiment étant de plain-pied - qui donnaient sur ce jardin intérieur. Notre hôtesse ouvrait une porte et demandait à qui celui-ci convenait. Puis on passait au suivant, jusqu'à ce que tout le monde ait choisi celui qu'il préférait. J'étais le dernier, non qu'aucun des appartements présentés ne me plaisait mais je voulais assister à cela jusqu'au bout, laisser le choix à mes hommes et observer notre hôtesse. Elle était seule avec nous tous bien que je savais possible que des hommes armés soient postés un peu partout. Quand il ne resta plus que moi à loger, une bonne vingtaine d'appartements encore étaient disponibles. Ereah voulu me les faire tous visiter, mais je lui assurais que ça n'avait pas d'importance, elle choisit alors pour moi. Bon choix : cinq pièces séparées par un petit couloir, une cuisine, une salle de bain, une chambre, un bureau, un salon, le tout fonctionnel, simple mais joli. De grande fenêtres donnant sur le jardin intérieur le rendait très lumineux.

    - Des cuisiniers vont venir vous apporter à manger dans deux heures dans le patio, Mr Stresy, je vous suggère de vous relaxer en attendant. Pouvez-vous faire passer le message aux autres personnes de votre groupe ?
    - Naturellement, madame.
    - Ereah, appelez-moi simplement Ereah.
    - Dans ce cas, appelez moi Armann.
    Elle sourit puis sortit.

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    Comme demandé je fis passer le message, en visitant chacun de mes hommes. Tous étaient aux anges. Bien sûr c'était un peu trop beau pour être vrai, mais avant de s'inquiéter, nous profitions de ce qui nous était proposé. Il ne me restait qu'une heure quand je revins enfin dans l'appartement qui m'avait été assigné. D'après l'horloge sur le bureau, les heures ici étaient presque équivalentes aux heures TSU, juste un peu plus longues. La salle de bain était une merveille, je pris un long bain. Certaines personnes préfèrent le «décrasseur», cette machine qui retire toutes les impuretés par rayon, plus commode, plus rapide. Il n'y en avait pas ici, et de toute façon je préfère le contact de l'eau, à la fois vivifiant et reposant. Quand je sortis, une très longue table avait été installée dans le patio, elle semblait avoir le double de places assises que ce qu'il fallait pour nous accueillir, ce qui se révéla être exactement le cas pour les raisons que je vais exposer. Une petite armée de personnes s'occupait à amener assiettes, couverts, plats, décorations de table, etc. Ces serviteurs ne semblaient pas avoir d'uniforme, tous étaient vêtus différemment, on ne repérait parmi cette petite foule que mes hommes, qui eux étaient tous habillés avec la combinaison de repos de mon vaisseau. Parmi les serviteurs, Ereah s'occupait aussi à mettre la table en discutant et plaisant avec les autres. J'avais du mal à comprendre leur façon d'agir. Qui était-elle, une réelle ambassadrice ou une simple servante amenée là parce que les autorités n'avait pas le temps ou ne voulait pas s'occuper de nous ?

    Elle tapa dans ses mains pour demander le silence et une fois obtenu, expliqua qu'ici la coutume voulait que les personnes ayant pris part aux préparatifs, que ce soit les cuisiniers, leurs aides, ceux qui apportaient les plats ou ceux qui feraient la vaisselle, prenaient part au repas avec leurs invités. Elle nous demanda de nous installer en laissant une place libre entre chacun de nous. Quand ce fut fait, les autochtones s'installèrent à leur tour, ainsi, chacun de mes hommes avait pour voisins deux personnes de cet étrange peuple, et chacun d'eux avait pour voisins deux de mes hommes. Je me retrouvais à peu de chose près vers le centre de la table, à l'ombre d'un arbre aux branches et aux feuilles tombantes vert tendre. A ma gauche se trouvait Ereah, et à ma droite, un homme qui se présenta sous le nom de Yann. Le début du repas fut relativement silencieux, mais peu à peu, les murmures se firent plus forts, les langues se délièrent, et tout ce petit monde se mit à discuter comme à un repas de fête - ce qui était le cas pour nous après ces années d'errance. La communication n'était pas aisée à cause du travail que devait fournir nos transcodeurs linguistiques, eux n'en avaient pas, il était par conséquent très difficile de suivre plus d'une conversation à la fois.

    - Ainsi, vous êtes le... Ereah chercha ses mots. Chef de ce groupe ?
    - Je pense que l'on peut dire cela comme ça oui, je suis le commandant du vaisseau, ces personnes sont sous mes ordres.
    - Je vois, répondit-elle simplement.
    - Et vous, quel est votre fonction exacte, êtes-vous responsable des relations extérieures ?
    - Je crois oui.
    - Vous croyez ? Et vous mettez aussi la table... J'avais dit cela sur le ton de la plaisanterie, en prenant garde à ne pas y mettre d'ironie.
    - Et j'ai participé à la réalisation du plat de résistance, répondit-elle en riant.
    - Vous êtes pleine de surprises !
    Elle prit une gorgée de vin doux avant de poursuivre.
    - Vous êtes des invités très spéciaux pour nous, il vous faut le savoir.
    - Je ne comprends pas bien ce qui nous vaut cet honneur, nous n'apportons rien avec nous, comme je le disais à l'homme qui nous a escorté sur cette planète, nous ne sommes que des voyageurs.
    - Oh, mais vous nous apportez beaucoup plus que vous ne le pensez. Vous êtes les premiers êtres vivants ne faisant pas parti de notre planète que nous rencontrons. Nous pouvons voyager dans l'espace depuis peu de temps. Nous savions que la vie existe en dehors de Nelreide, et qu'elle est probablement très riche et variée, nous avons même intercepté des communications, mais nous n'avions encore jamais eu de contact, encore moins en personne, avec quiconque au delà de cette planète. Alors il n'y avait pas eu besoin d'un responsable des relations extérieures avant ce jour. Dit-elle en riant.

    Tout s'expliquait : les gens qui s'étaient arrêtés de travailler sur le spatioport pour nous voir débarquer, les regards furtifs, les sourires, l'accueil digne d’un roi...
    Je savourais quelque bouchées du repas - par ailleurs excellent, bien que je ne connusse pas la moitié des légumes qui étaient dans mon assiette - en méditant sur ce qu'elle venait de dire.
    - Je n'ose presque l'avouer, mais cela me remplis d'orgueil. Ma passion est la découverte, alors rendez-vous compte, je me sens comme un pionnier !
    - Mais vous l’êtes, répondit-elle en souriant.
    - Alors, vous ne savez rien des empires peuplant notre galaxie, rien des factions, des guildes, des alliances ?
    - Rien de tout cela, me dit-elle, l'air très intéressé, nous l'apprendrez-vous ?
    - Et bien, je ne prétends pas en connaître énormément, mais je peux vous apprendre ce que je sais.
    - Fantastique ! s'écria t-elle. Que souhaitez vous en échange ?
    - Ma foi, nous sommes déjà vos obligés par l'accueil que vous nous faites et les connaissances que j'ai sont celles communes à tous les peuples étant entrés en contact les uns avec les autres, elles n'ont pas de valeur marchande... Peut-être me feriez-vous l'honneur de m'en apprendre plus sur cette planète, votre histoire, vos coutumes ?
    - Avec joie ! Marché conclu ! Elle paraissait vraiment ravie. Mais pour le moment, reposez-vous, amusez-vous, l'heure n'est pas aux discussions sérieuses.


    La découverte du peuple de Nelreide

    Il se passa quelques jours avant que je puisse revoir Ereah, elle vint à mon appartement, vêtue d'une robe vert émeraude du plus bel effet qui mettait en valeur ses yeux et ses formes, et de grands anneaux de métal argenté pendaient aux lobes de ses oreilles. Ses cheveux étaient en parti relevés. Je ne pus m'empêcher de rougir en la voyant. Elle m'invita à visiter la ville.
    Mes hommes avaient commencé à prendre leurs marques. Matin, midi et soir, nous avions un repas dans le patio, comme c'était le cas le premier jour. Mais peu à peu mes hommes se mêlaient à nos hôtes pour préparer le repas, mettre la table, faire la vaisselle. Les gens qui nous accueillaient semblaient se soucier beaucoup plus de nos envies que des protocoles, ainsi si mon cuisinier voulait mettre la main à la pâte, ils l'accueillaient avec joie, et si quelqu'un voulait aider à faire la vaisselle il était aussi le bienvenu. Ils avaient mis à notre disposition toute une panoplie de vêtements divers et variés, simples ou élaborés et j'avais autorisé mes hommes à enlever leur sempiternelle combinaison. Moi même je portais aujourd'hui des vêtements du cru : une veste bleue foncé ni trop stricte ni trop décontractée et un pantalon légèrement bouffant dans une teinte similaire en plus clair. Ereah m'emmena dans un étrange véhicule sur suspenseur, une sorte de traineau ovale à toit ouvert presque totalement silencieux qui se déplaçait avec la lenteur propice à profiter de la visite. Nous parcourions des rues longues, larges ou non, droites ou sinueuses, j'admirais les diverses architectures, les jardins disséminés un peu partout. J'étais un peu soucieux, dans une ville inconnue, sans escorte et sans arme, mais la ballade était agréable et Ereah semblait confiante. Sa présence m'apaisait d'une manière que je ne saurais décrire. Elle était connue comme le loup blanc. Partout où nous allions, les gens lui souriaient ou la saluaient. Je supposais qu’ils savaient aussi qui j’étais puisqu’ils m'observaient comme une bête curieuse, mais ils étaient bienveillants et nous laissaient tranquilles. Nous nous arrêtâmes en terrasse d'un établissement pour prendre un rafraichissement. J'observais attentivement tout ce qui se passait, les clients, les serviteurs, les passants, les quelques véhicules qui s'éloignaient, c'est alors que je me rendis compte que des gens semblaient partir sans payer et personne ne semblait y porter attention. J'en fis part à Ereah qui m'expliqua qu’ils n’avaient pas de système monétaire. Le système était basé sur l'échange. Chaque type de service, produit et objet avait une valeur, mais la monnaie n'était pas nécessaire. Elle prit un petit appareil qui était accroché à sa ceinture :

    - Regardez. Ceci est mon payeur électronique, j'appuie ici en le tournant vers ce petit transmetteur sur la table, la valeur de nos consommations est débitée de mon payeur, une partie est créditée sur celui du propriétaire de cette établissement, une autre sur celui de la personne qui nous a servi. Si j'aide une vieille dame à monter un escalier, elle peut choisir de me créditer de quelques points, si elle le souhaite, vous comprenez ?
    - Et une partie pour les taxes je suppose. En fait c'est ni plus ni moins qu'une monnaie électronique.
    - Il n'y a pas de taxes, et toute monnaie peut subir une inflation ou une déflation, ce n'est pas le cas ici, le calcul du coût est basé sur la relations entre les services. Une boisson coûte plus cher qu'une autre, uniquement parce que les produits qu'elle contient sont plus difficiles à obtenir. Par conséquent ce que gagne le gérant de l'établissement est identique qu'il s'agisse d'une boisson rare ou non, à moins qu'elle demande une préparation spécifique, qui vaut aussi un certain nombre de points. Vous ne trouverez rien qui soit plus cher pour la simple raison que c'est plus apprécié qu'autre chose.
    - Je pense comprendre mais il faut bien des taxes pour payer le gouvernement, qui à son tour, payent les gens qui travaillent pour lui.
    - Oh, nous n'avons pas de gouvernement dans le sens où vous l'entendez.

    Ces gens étaient décidément de plus en plus mystérieux...
    - Alors comment fonctionne votre système politique ?
    - On pourrait l'appeler une théocratie anarchiste. Théocratie dans le sens le plus primitif c'est-à-dire que l'être humain étant imparfait par nature, aucun gouvernement humain ne peut fonctionner, il ne peut être voué qu'à sombrer dans la corruption. Et anarchiste dans le sens où tout le monde fait ce qu'il souhaite, tant que cela ne nuit pas à autrui.
    - Et concrètement, comment cela fonctionne ?
    - Concrètement, chacun fait ce qu'il veut ! Elle sourit. Bien sûr il faut veiller à un équilibre, des gens choisissent le métier de veilleur qui y est associé. Quand il manque de personnes dans un secteur, ils font une demande là ou il y a trop de main d’œuvre pour savoir qui veut changer de métier. Parfois trop de personnes le souhaitent, parfois pas assez, il faut gérer cela, ce n'est pas sans problème, mais aucun système n'est parfait. Les veilleurs sont payés par les gens qui choisissent de changer de métier. Pour ces derniers, la seule chose qui est demandée et de respecter la durée du contrat. Une fois le contrat terminé la personne peut faire ce qu'elle veut. Certaines personnes font la même chose toute leur vie, d'autres changent tous les ans.
    - Qu'en est-il des capacités ? Tout le monde n'est pas apte à tout faire.
    - Il y a d'abord le système éducatif, nous détectons les facilités des enfants et les orientons dans ce sens et dans le sens de leurs désirs. Il s'adresse aussi aux adultes souhaitant apprendre un nouveau métier pour s'y essayer. Ensuite chacun est libre de pratiquer le métier de son choix au moins 6 mois, s'il n'est vraiment pas fait pour cela, il ne pourra continuer. Mais cela arrive rarement, les gens s'en rendent compte par eux même.
    - Et si des gens se retrouvent sans rien et qu'il n'y a plus rien de disponible ?
    - Il y a toujours quelque chose à faire, un voisin vous donnera des points pour repeindre sa maison, vous pouvez obtenir des points en diffusant des œuvres artistiques, vous pouvez donner des cours sur les métiers que vous avez pratiqué, la liste est infinie. Pour l'instant nous n'avons jamais eu de problème de ce point de vue.
    - Et pour les métiers dont personne ne veut ?
    - Aucune tâche n'est ingrate. Pour la plupart des métiers éprouvant, les machines s'en occupent, pour ceux qui reste, chacun a le devoir de participer jusqu’à deux jours par mois s’il le faut.

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    Cela me paraissait trop utopique pour fonctionner.
    - Et les enfants, les personnes âgées ?
    - Tout est gratuit pour eux.
    - Qui paye à leur place ?
    - Ceux qui le souhaitent : les parents des enfants, les enfants des personnes âgées, leurs proches, leurs voisins, les commerçants... Nous prenons soin des nôtres et à partir du moment ou nous avons suffisamment pour vivre, nous donnons le surplus à ceux qui ne peuvent proposer de services.
    - Pour que cela fonctionne, il faut que tout le monde ait cette mentalité de ne pas en vouloir toujours plus.
    - C'est l'une des qualité de notre peuple, c'est une valeur qui s'apprend.
    - Vraiment ? Et... Mon équipage et moi ? Nous ne faisons rien, pourtant nous mangeons et habitons de jolis appartements !
    Elle se mit à rire.
    - Nous avons fait une collecte de points auprès de la population de cette ville. Ceux qui souhaitaient vous accueillir donnaient ce qu'ils voulaient. Nous en avons assez pour vous faire tous vivre ici encore dix ans et ça continue d'affluer, même des dons d'autres villes à qui nous n'avons rien demandé ! De plus vos hommes travaillent, votre cuisinier par exemple est toujours fourré dans les cuisines pour aider à la préparation des repas m'a t-on dit.
    - Mais il le fait juste par plaisir, pour se rendre utile.
    - Tout le monde ici fait son travail dans cet optique. A part une seule exception, nous essayons de ne rien faire par nécessité mais parce que nous le voulons.
    - Ce système finira forcément par s'écrouler un jour ou l'autre, avec l'augmentation de la population ou son vieillissement, cela risque de devenir ingérable, ça ne peut pas tenir indéfiniment !
    - Le problème réside plus dans la mentalité, ça s'écroulerait si nous étions avides, mais nous ne fonctionnons pas comme cela. Les choses matérielles nous importent peu, personne ici n'aurait l'idée d'avoir chez lui deux holo-transmetteurs comme il le font de l’autre côté, alors qu'un seul suffit. Nous n'avons pas le besoin de posséder.
    - De l'autre côté ?
    - Oui, c'est là que vont les gens qui n'ont pas su ou ne souhaitent pas se libérer de ces choses. C'est de l'autre côté de la planète. Ils sont issus de notre peuple mais ont choisit de vivre différemment. Ils ont fondé une nouvelle civilisation, une autre structure sociale, un autre mode de fonctionnement.

    Je bus quelques gorgées en réfléchissant à tout cela.
    - Puis-je me permettre d'être franc ?
    - Bien entendu. Elle me regarda dans dans les yeux. Ce que j'y voyais était troublant. A la fois de la candeur et une grande force.
    - Et bien, si je puis me permettre... à mon humble avis... vous êtes assez naïfs. Votre système semble utopique. Il a pu fonctionner jusqu'à présent, mais un ver dans la pomme et ça peut être la catastrophe. Ou alors ceux de l'autre côté finiront par vous écraser, et je ne parle même pas des civilisations auxquelles vous pourriez avoir affaire dans l'espace. Que se passera t-il quand vous devrez faire face à des peuples qui ne font aucun cas de vous et se rient de la gentillesse dont vous faites preuve entre vous ?

    Elle me sourit comme on le ferait à un enfant.
    - Si nous en sommes là, c'est parce que nous avons vaincu l'avidité, la peur, la méchanceté, le doute, et toute ces sortes de choses qui sont en nous. Par conséquent nous les connaissons mieux que ceux qui se laissent guider par elles. Quelques groupements de ceux de l'autre côté nous vouent une haine féroce et ont tenté et tentent encore de nous nuire par tous les moyens possibles. Une grande guerre a même été inévitable à une sombre époque. Mais cela fait plus 18 000 ans que notre civilisation fonctionne ainsi et rien n'a pu l'ébranler. Nous évoluons, nous nous adaptons, mais nos principes ne changent pas. 18 000 ans... Comment une telle longévité était possible ? Rien n'est plus important à nos yeux que la liberté et pour elle, chaque homme et chaque femme que vous voyez autour de vous, est prêt à mourir. Nous sommes foncièrement honnête avec les gens honnêtes, bons avec les bonnes gens, et nous ne vouons aucune haine envers nos ennemis. Mais s'il le faut, nous pouvons être plus retords et violents que ceux qui n'ont aucun respect pour autrui, nous aurions pu anéantir les groupements belliqueux parmi ceux de l'autre côté si nous l'avions souhaité, mais ça aurait été équivalent à devenir ce qu'ils sont, ce n'est jamais une bonne solution.

    J'étais assez perplexe, mais ne sachant quoi répondre. je choisis de changer de sujet.

    - Quand nous sommes arrivés, de nombreux soldats étaient présents. Vous avez fait un signe et ils ont déposé leurs armes au sol, que veux dire cette coutume ?
    - Ça n'en est pas une, je leur ai simplement signifié que vous n'étiez pas dangereux. Porter des armes était devenu insultant à votre égard.
    - Pas dangereux. Et comment le saviez-vous ?
    - J'en ai simplement eu l'intuition.
    - Et les soldats vous obéissent sur une simple intuition... Seriez-vous aussi générale en chef des armées, en plus d'être servante, cuisinière et responsable des relations extérieurs par hasard ? dis-je sur le ton de la plaisanterie.
    Elle rit de bon cœur.
    - Vous avez visé juste !
    Je ris à mon tour.


    La Dorcha Aletheia

    Les jours passèrent dans le calme et la sérénité propre au lieu et au comportement de nos hôtes. Je n'étais pas oisif, j'avais fort à faire. Des scientifiques étaient venus me demander s'ils pouvaient en savoir plus sur le transcodeur linguistique. Je ne pouvais le leur refuser et je n'en avais aucune envie, si ce peuple continuait l'exploration de la galaxie ils en auraient forcément rapidement besoin. La technologie en soi n'était pas très complexe et ils ne leur aurait pas fallut beaucoup de temps pour la mettre au point, ce qui leur manquait était les différents protocoles de transcodage et les données linguistiques nécessaires à la compréhension du maximum de langues, qu'elles soient parlées ou émises par phéromones.
    J'avais aussi demandé que l'on me conduise au vaisseau avec quelques uns de mes hommes. Nous avons fait un inventaire complet de nos stock et avons inspecté les moindres recoins pour définir quelles étaient les réparations à entreprendre. J'avais pu visiter aussi un de leur vaisseau, leur technologie était à peu de choses près identique à celle que l'on utilise communément, il n'y a pas mille manières de faire fonctionner un vaisseaux spatial. Les mécaniciens de mon vaisseau passaient du temps avec leurs techniciens. Ils échangeaient des point de vue, des techniques, des astuces. Tout le monde y gagnait, les gens de Nelreide ne faisaient aucun cas de leurs connaissances techniques et scientifiques, nous faisions de même.

    Je prenais aussi le temps de me relaxer, nous n'étions pas pressés. Et j'avais bricolé un lecteur d'holo-disque aux format de ceux que l'on trouvait ici, auquel j'avais adapté un transcodeur. Je pouvais donc lire à loisir. L'un des cuisiniers du bâtiment dans lequel nous habitions - Yann, mon voisin de table du premier jour - était un lecteur compulsif s'intéressant un peu à tout. Il me fournissait des ouvrages sur divers sujets. Celui que je lus parlant de «ceux de l'autre côté» était intéressant. Cette civilisation se nommait elle-même les "progressistes", ils avaient un gouvernement de type démocratie bureaucratique similaire à celui que l'on peut trouver un peu partout. Outre le fait qu'ils étaient issus du peuple qui nous accueillait, comme me l'avait appris Ereah, ils étaient soumis à des restrictions dans certains domaines précis. Par exemple, ils s'engageaient à ne pas entrer dans l'ère spatiale avant l'accord de la «vérité cachée». C'était une civilisation fille qui, bien que libre sur la majorité des points, était sous le joug de quelques interdits de la part de sa civilisation mère.
    Concernant, cette «vérité cachée», elle était presque omniprésente dans les ouvrages, et quand elle ne l'était pas dans le texte, elle l'était dans la dédicace. Je ne comprenais pas bien le concept et ne savais à quoi cela se rattachait exactement, mais après tout il est normal de trouver ce genre de terme philosophiques parsemer la littérature d'un peuple mystique, aussi je n'y prêtais guère plus d'attention. Et j'avais laissé de côté pour le moment les livres sur la mystique. Ce que je trouvais étrange par contre, c'est de ne voir aucun signe flagrant de religion, pas de représentation de dieux, pas de temples, pas de cultes visibles et je n'avais jamais décelé chez nos hôtes de pratiques comme la prière ou les bénédictions. Je liais donc cela à cette «vérité cachée», et supposais que tout se faisait dans le secret.

    Je lisais aussi des ouvrages sur la faune et la flore. Certaines espèces étaient assez fascinantes, ayant pris des chemins d'évolution inattendus. J'avais d'ailleurs adopté un «sumure». Ou pour être plus exacte, un sumure m'avait adopté, c'était un bon signe d'après les gens d'ici. Il était entré dans mon appartement un jour et n'en ressortait que rarement depuis ; passant son temps à se prélasser sur le tapis, mes genoux ou perché sur mon épaule. Le sumure est une petite créature poilue et affectueuse d'à peine 2kg et étonnamment intelligente. Il est capable de prouesses surprenantes : adapter la température de son corps et contrôler les battements de son cœur. Ainsi, malgré sa petite taille et sa vivacité, son espérance de vie est d'environ deux-cent cinquante ans. C'est une espèce très protégée car curieusement leur période de fertilité ne dure pas plus de quatorze mois après avoir trouvé leur partenaire. Ils n'ont donc dans leur longue vie qu'une ou deux portées, mais comme les humains, ils continuent de copuler pour le plaisir. Ils passent d'ailleurs le restant de leurs jours en couple inséparable, une fois leurs petits en age de se débrouiller tout seuls. Celui qui avait élu domicile dans mon appartement était gris, et crème sous le menton et sur le ventre. Il était encore jeune, à peine trente-cinq ans d'après l'un des serveurs du bâtiment semblant sy connaître sur la question. C'était un compagnon indépendant, drôle et très agréable.

    La présence d'Ereah me manquait plus que je ne voulais l'admettre, une dizaine de jours s'étaient écoulés depuis notre rapide tour de la ville, que je n'avais d'ailleurs pas encore pris le temps de parcourir par moi-même. Aussi ce fut avec une grande joie que je reçus son invitation à diner un soir. On me conduisit dans le centre ville, où l'on s'arrêta à côté d'un immeuble nacré juxtaposé à un édifice de très grande taille. Ereah m'attendait sur le pas de la porte, et m'invita à entrer. Elle portait les mêmes anneaux aux oreilles que lorsque nous étions sortis en ville, mais sa robe était noire, et sa peau n'en paraissait que plus claire et soyeuse s'il était possible.

    Son appartement se révéla être à peu de chose près identique à ceux qui nous avaient été attribués, bien que je cru déceler une pièce en plus au fond du couloir. La décoration était sobre mais raffinée, quelques peintures représentant des scènes de la vie quotidienne, une esquisse érotique, et des paysages pastels étaient exposées ; un buste de femme sculpté dans un marbre blanc trônait sur un socle à côté des divans ou nous nous installâmes. Les murs étaient couleur papyrus et le mobilier était fait d'un matériaux difficile à définir, entre le bois et la pierre.

    - Je suis contente de vous revoir, me dit-elle. Je suis vraiment navrée de ne pas m'être plus occupée de vous ces derniers jours, malheureusement des tâches requerraient toute mon attention.
    - Vous êtes toute pardonnée. Prendre de votre temps plus que nécessaire aurait été égoïste et inconvenant, et je n'ai pas eu le temps de m'ennuyer. Répondis-je.

    Puis la conversation s'entama sur le sumure qui avait élu domicile chez moi ce qui nous causa quelques fous-rire quand j'expliquais les péripéties auxquelles il aimait à se livrer. Puis nous parlâmes de mes découvertes dans les ouvrages que j'avais lu. Je parlais beaucoup, sûrement trop. C'était peut-être la manière qu'avait trouvé mon subconscient pour m'empêcher de penser à quel point je la trouvais belle. Et elle m'écoutait attentivement, non pas par politesse, elle semblait réellement intéressée par les platitudes que je lui débitais. Je lui demandais une explication sur la «vérité cachée» et lui soumettais les conclusions auxquelles j'étais parvenues.

    - Oh, la vérité cachée... Vos transcodeurs linguistiques pour les documents écrits font étonnamment bien leur travail. Elle sourit. En réalité ce n'est pas comme ça que nous l'appelons, son nom est «Dorcha Aletheia», ce qui dans un idiome très ancien se traduit effectivement par «vérité cachée» ou «vérité intérieure» d'où votre méprise. Mais ce n'est pas un concept, c'est un titre. S'il y a quelque chose qui puisse se rapprocher d'une forme de gouvernement chez nous, alors c'est la Dorcha Aletheia. C'est une personne, qui est choisie pour son discernement, son sens de l'équité, de la justice et sa probité. Vous utiliseriez peut-être le terme de «sage». Et elle est choisie parmi les gens qui n'ont aucune envie de gouverner, après tout, souhaiter une telle chose est déjà être corrompu par la soif de pouvoir. Elle est d'ailleurs destituée au moindre signe d'utilisation abusive ou injuste de son autorité. Elle représente notre peuple et a donc à ce titre nombre de devoirs envers lui. Elle se doit de se tenir au courant de tout ce qui se passe, de prendre connaissances de toutes les données que ce soit dans le domaine de l'éducation, de l'armée, du travail ou des loisirs. Peut-être vous rappelez-vous notre conversation en ville. Je vous avais expliqué qu'à une exception près nous faisons tous ce que nous souhaitons. Elle est cette exception de par ses responsabilités. Mais plus important que toute considération temporelle, pour notre peuple, c'est une icône, un exemple, la gardienne de la voie à suivre. Même si ce n'est pas le cas, elle est considérée comme l'être réalisée, l'ultime but, la lumière du peuple, un humain déifié. Son évocation donne du courage et de la force aux gens. Elle sembla réfléchir un instant avant de poursuivre.

    - [color=#00FF80]Pour préciser notre discussion en ville, dans les affaires concrètes, nous avons l’Assemblée qui s'occupe des décisions, elle est constituée de ceux qui le souhaitent et qui sont reconnus pour leur capacité à prendre du recul. De même nous n'avons aucune loi. Une loi est rigide par définition et son existence n'amène qu'à chercher à la contourner. Tout problème ou litige est donc traité au cas par cas par un jury, constitué de la même manière que l'assemblée, en moins nombreux. Dans les cas où l'Assemblée ou le jury ne parvient pas à prendre une décision, c'est la Dorcha Aletheia qui tranche. Pour les responsabilités qui lui incombent, le peuple la rémunère sous forme de dons, une fois par an. Une sorte d'impôt non obligatoire, ou d'offrande si vous préférez. La somme reçu est considérable. Après avoir retiré ce dont elle a besoin pour vivre, elle reverse le reste aux personnes ne pouvant offrir de service. Je suppose que cela peut se comparer au système de taxes dont vous faisiez allusion. Mais encore une fois, l’importance de la Dorcha Aletheia réside plus dans ce qu'elle incarne spirituellement parlant.[/color]
    - Fascinant, vraiment. Ainsi elle représente la partie «théocratie» de votre société.
    - Exactement, elle est la pierre angulaire de la société dans son aspect mystique.
    - C'est donc elle que vous révérez dans votre religion ?
    Ma remarque sembla l'amuser.

    - Non, nous ne révérons personne et nous n'avons pas de religion spécifique. Les religions, à partir du moment où elle s'institutionnalisent sont à l’image des gouvernements. Elles perdent leur véritables sens et deviennent outil de pouvoir. A la base, elles ont fondamentalement un but commun, et c'est cela qui nous intéresse. Certaines personnes ont besoin d'un support, d'autres non. Chacun est donc libre de choisir la forme religieuse qui lui convient, que ce soit un dieu, des dieux, la nature, peu importe... mais jamais il n'y aura de religion institutionnelle, un clergé, et tout ce qui va avec. Tout au plus les gens se regroupent par affinités. Bien des chemins différents et paraissant opposés extérieurement peuvent être pris pour atteindre à une quelconque expérience mystique, mais cette expérience n'en est pas moins commune et universelle. Une fois que l'on a compris cela, on comprend que l'habillage, la forme - autrement dit les religions - n'ont pas grande importance.
    - Je pense comprendre approximativement ce que vous voulez dire, mais tout de même, le pouvoir de cette Dorcha Aletheia est immense, elle pourrait devenir un dictateur absolu.
    - C'est vrai, mais je doute que quiconque la laisse faire.

    A cet instant, on frappa à la porte, c'était une femme d'âge mûr au cheveux noirs relevés en chignon. Elle se présenta sous le nom de Cyline.

    - Cyline m'a aidé à préparer le repas, me dit Ereah, et m'aide pour bien d'autres choses encore. Puis s'adressant à cette dame : Voudriez-vous nous préparer le shemere, Cyline ?
    - Bien sûr.
    - Cyline fait le meilleur shemere de toute la planète !

    J’avais déjà pris du shemere depuis mon arrivée, c'est une boisson faite d'eau chaude dans laquelle des feuilles de divers plantes sont infusées. Ils utilisent cette boisson avant le repas, elle ouvre l'appétit et aide à la digestion. Son goût est particulier au premier abord, entre l'acide et le sucré, mais une fois habitué, c'est très agréable.
    Alors que nous attendions, je ressassais les informations sur la Dorcha Aletheia. Je me demandais pourquoi nous n'avions pas été mis au courant d'une personne si importante. J'aurais aimé la rencontrer bien entendu, mais je trouvais rassurant que cela ne fût pas le cas. Bien que je faisais parti de la première forme de vie extra-terrestre que ce peuple rencontrait, je ne tenais pas, pour cette simple raison, à être introduit dans un quelconque palais luxueux face à une personne considérée comme une déesse vivante. Je n'ai pas l'étoffe, le maintien, la diplomatie et l'éloquence d'un officiel, je me laisse impressionner trop facilement et n'aime guère les fastes et mondanités. Par conséquent la situation me convenait très bien, peut-être pourrais-je l’apercevoir un jour lors d’une procession ou que sais-je. Elle devait d'ailleurs certainement être tenue informée de nos moindres faits et gestes. Cela changea un peu ma façon de voir les choses, je l'admets. J'avais commencé à croire qu'un peuple sans gouvernement pouvait survivre de belle manière, mais l'existence de cette personne aux pouvoirs absolus me réaffirma un peu dans mes anciennes convictions.

    Lorsque Cyline revint avec le shemere, un voyant clignota sur la table basse qui nous séparait, Ereah et moi.

    - Je suis navrée, je vais devoir vous laisser un instant, dis Ereah. Je n'en ai que pour quelque minutes, ajouta t-elle en se levant avant de disparaitre dans le couloir.

    Cyline s'installa et servit le shemere. J'avais pris l'habitude que les serviteurs se joignent aux invités. Sa présence me rassurait aussi quelque part, Ereah pouvait devenir servante pour nous mais elle avait elle-même des serviteurs.
    - Ainsi vous travaillez pour Ereah ? Demandais-je pour briser la glace.
    - Oui, nous sommes très nombreux à vouloir le faire, j'ai beaucoup de chance. Et parfois, quand elle a un peu de temps, elle travaille même pour moi. C'est très rare bien entendu. J'avais décidément encore tout faux... Elle me tendit une tasse de shemere en souriant. Rassurez-vous, après le repas, je vous laisserai seuls, je pense que c'est ce que vous souhaitez.
    - Oh, et bien, non, enfin oui, pour être franc peut-être que oui, balbutiais-je.
    Elle releva les yeux vers moi, tout en disposant une tasse sur la table pour Ereah.
    - Vous la sentez vous aussi n'est-ce pas ?
    - Quoi donc ? Je ne vous suis pas.
    - Sa présence. En sa présence, vous vous sentez détendu et en confiance, plus sûr de vous que vous ne l'avez jamais été, plus vous-même, je me trompe ?
    - Ma foi, sur ce point, il me serait difficile de vous contredire. Je vous avouerais même que son absence m'a semblé comme un poids.
    Je souris timidement et pris un peu de shemere. La tournure de la conversation était un peu gênante, et je ne savais comment me comporter.

    Cyline m'observa un instant en souriant avant de continuer.
    - Ne soyez pas gêné et rassurez-vous, vous n'êtes pas le seul. Tout ceux qui l'approchent ressentent Sa Présence. Elle avait insisté sur ces derniers termes. C'est l’une des marques distinctives des Dorcha Aletheia, et elle est l'une des plus jeunes et radieuses de notre histoire. Nous en sommes très fiers.

    Je faillis m'étrangler avec le shemere !

    - Pardon ? Vous insinuez que... que Ereah et la Dorcha Aletheia sont une seule et même personne ? M'écrais-je.
    - Tsss... la discrétion et la modestie sont des vertus que les Dorcha Aletheia cultivent trop. Je suis désolée, je pensais qu'elle vous avais mis au courant.
    - Mais c'est insensé voyons, elle servait à table, a fait la cuisine, nous somme sortis en ville sans la moindre escorte... Et... et regardez cet appartement, il est semblable à celui que l'on m'a confié... Et elle travaille parfois pour vous !

    - Insensé ? fit une voix derrière moi. C'était Ereah qui revenait. Elle s'installa en face de moi, pencha la tête sur le côté en me regardant dans les yeux. Je ne parvenais pas à détacher mon regard de son visage. Elle me paraissait encore plus inaccessible que jamais.

    - D'après vous, entre une représentante du peuple vivant comme et parmi le peuple, et une représentante du peuple contrainte à vivre cloîtrée dans une forteresse et à sortir entourée d'une armée, laquelle de ces deux propositions est la plus insensée ?

    Elle marquait un point bien entendu...
    - Alors vous m'avez invité dans cet appartement pour ne pas me mettre mal à l'aise... Je comprends.
    Elle sourit à nouveau.
    - Vous êtes décidément incurables, Armann. Vos préjugés vous font sauter trop rapidement a des conclusions. J'espère que vous aimez cet appartement, c'est le seul et unique que je possède, répondit-elle amusée, en levant les mains.

    - Mais oublions tout cela, ce n'est pas important. Et passons à table, je meurs de faim, pas vous ? Fini t-elle par dire en voyant mon air perdu.

    Ainsi je finis la soirée dînant avec une «déesse vivante», jeune et belle souveraine incontestée de toute une planète, mais habitant un appartement de 100m² en plein centre ville... Beaucoup de choses s'expliquaient bien entendu. Faire déposer les armes d'une petite armée d'un simple geste juste sous le coup d'une intuition... Elle était bel et bien chef des armées ! Les gens qui partout où nous étions allés lui souriaient ou la saluait. Sa connaissance intime de tous les rouages de leur système et de leur sagesse. Sa naturelle prestance, sa grâce, sa présence. Sa présence ? Était-il possible que le bien être que je ressentais juste en étant en sa compagnie ait un rapport réel avec son statut d'être soit disant «éveillé» ? Je ne savais plus que penser, mais une chose était sûr, je ne m'étais jamais senti aussi gêné, idiot, impressionné et emmanché que lors de ce repas.
    Dernière édition par Dorcha le Dim Juil 18, 2010 9:57 pm, édité 2 fois.
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  • Un imbroglio mystico-social au multiples visages

    Le lendemain, j'essayais de rassembler ce que j'avais appris jusqu'à ce jour. Pour comprendre une société, il faut saisir la façon de pensée des gens qui la compose, et ce n'est guère aisé. Souvent, seul le temps permet de s'en imprégner. Je tournais en rond dans le salon de mon appartement, autour de la petite table sur laquelle j'avais disposé mon ordinateur. A chaque tour que je faisais, le sumure se cachait et s'amusait à attaquer mes pieds avant de repartir aussi vite derrière ou sous un meuble, ça n'aidait pas à me concentrer ! Quand enfin je me laissais tomber sur le siège, il vint se blottir dans mon cou. Je rédigeais mes notes journalières puis décidais de rendre visite à mes hommes. Je ne savais pas comment ils agissaient ici, et j'étais responsable d'eux. Je demandais via le transmetteur de poignée à ce que l'on se rassemble dans le patio.

    En fait, sur les cent-huit membres de mon équipage, quarante-quatre étaient absents. On me fit savoir que certains étaient en ville et arriveraient en retard, d'autres étaient au spatioport et ne pouvaient donc pas venir, d'autre encore étaient retenus par un travail pour lequel ils s'étaient engagés auprès des habitants. C'était une bonne chose.
    Parmi les présents, trois étaient affublés de vêtements souillés d'une multitude de couleurs, ils avaient décidé de restaurer un des appartement resté vacant. Jena, ma responsable informatique, toujours passionnée par son travail, s'était mis en tête d'étudier le système de communication de cette planète et particulièrement les réseaux, je lui demandais de me faire un rapport lorsqu'elle aurait assez d'informations. Armed, second pilote, s'était pris de passion pour la flore, et avait assemblé une quantité colossale de spécimen de plantes. D'autres encore prenaient des cours, que ce soit de couture, de cuisine, de la langue locale au d'autres choses encore, et en donnaient en échange sur leur propre spécialité. Baldar, spécialiste des armes à longue distance et Amaelle la cartographe, vivaient une idylle avec des gens du cru. Au final, seuls les frères Ansturn, des durs à cuir qu'il fallait sans cesse avoir à l'oeil, restaient bougons comme à leur habitude, et semblaient s'ennuyer.

    Je me sentais bête. Mon équipage s'était adapté plus vite que moi. Après tout, ces gens étaient des civils, et s'ils avaient accepter de s'embarquer avec un explorateur, c'était pour fuir une vie qui ne leur convenait pas, dans l'espoir un peu fou de redémarrer ailleurs. Je commençais à me rendre compte qu'au moment du départ vers de nouveaux horizons, beaucoup choisiraient de rester et il me faudrait trouver à les remplacer.

    Les jours suivants, je visitais plus en profondeur la ville, accompagné d'Amaelle et de son amant autochtone, Lorion, qui avait proposé de servir de guide. Amaelle semblait épanouie et heureuse, j'étais content pour elle. Lorion était plutôt bel homme, d'à peine plus d'une trentaine d'années mais avec déjà les tempes grisonnantes. Il prenait son travail de guide très au sérieux. Bien entendu comme on pouvait s'y attendre d'un jeune couple sous le coup de la passion, l'un des premiers bâtiments publics que l'on visita était la «salle des unions». C'est ici qu'hommes et femmes se déclarent officiellement leur amour. Il n'est pas interdit de s'unir avec une personne de même sexe, ou même de s'unir alors qu'on l'est déjà. Lorion nous expliqua que la majorité était des couples hétérosexuels, puis venaient les couples homosexuels hommes ou femmes, et enfin les polygamies féminines ou masculines ou encore mixte. Dans les cas ou les personnes sont très jeunes, un jury est constitué afin de définir si la ou les personnes concernées ont la maturité nécessaire et peuvent être considérées comme personnes responsables. Comme me l'avais dit Ereah, il n'y a pas de loi, c'est au cas par cas.
    La cérémonie n'est pas définie, elle se déroule selon l’envie des futurs unis, en fonction de leurs support religieux ou de leurs centres d'intérêts. La seule note officielle est l'enregistrement de l’union dans le registre, et, comme sur beaucoup de monde, l’échange d’un anneau. Je me fit au passage la réflexion que je n'avais pas vu d'anneau au doigt d'Ereah. S'ensuit une fête organisée dans une salle attenante mis à disposition à cet effet. Être uni est une condition nécessaire pour adopter un enfant, peu importe le type d'union. Une union peut être annulée à tout moment, un jury s'occupe de régler les litiges si cela s’avère nécessaire. Leur conception de la famille ne porte pas tout à fait sur les mêmes valeurs, par exemple il ne prêtent guère d’importance à la lignée et par conséquent personne n’a de noms de famille.

    La ville regorge de bâtiments dédiés à une matière particulière. Par exemple le «Cursus» pour les mathématiques, la «Grande Bibliothèque» pour les lettres, «les Archives» pour l'histoire, mais aussi «le Tourneur», pour la poterie, ou le «Bien-vivre» pour la décoration intérieure, et bien d'autres, tout aussi cocasses. Tous dans des styles architecturaux différents, reflétant leur fonction. C'est un peu comme s'ils remplaçaient les temples. Lorion ne me donna pas d'explication très claire, mais je compris que cela avait d’ailleurs un rapport avec leur mystique. «On peut trouver la voie dans toute activité, mais on ne peut la trouver que dans la pratique» m'avait-il dit. Ces bâtiments font aussi parti du réseau éducatif. Amaelle voulut visiter celui dédié à la cartographie. Une partie est un véritable musée, une autre est réservée à l'éducation, une autre aux recherche, une autre encore au traçage, aux techniques de prise de vue, de ciblage... une véritable ruche dans laquelle se rencontrent professionnels, visiteurs, apprentis et enfants.

    On nous accueillit à bras ouvert et je demandais s’il était possible d’avoir accès à une holo-carte de la planète entière. «Nous avons mieux que ça, suivez-moi !» me répondit l’homme bistre et anguleux qui s’occupait de nous. Il nous emmena dans grande pièce. Le sol est un carré d’environ 80m de côté et le plafond doit bien atteindre la moitié de cette distance. Tout au fond, contre le mur et à la verticale, se trouve un planisphère en relief de Nelreïde qui prend tout l’espace, soit 80m sur 40m. De l’entrée par laquelle nous étions arrivé on avait ainsi avec le recul, une vue générale de la planète.

    - Voici notre chef d’œuvre, nous dit l’homme. Mais approchez, c’est bien mieux qu’une holo-carte.

    Il me tendit une sorte de télécommande. Le tout est en fait montée sur une machinerie qui permet de déplacer le planisphère, ce que la télécommande contrôle. Ainsi il s’enfonce dans des ouvertures aménagées dans le sol ou dans le plafond, ou dans les murs de droite et de gauche, et vous pouvez avoir juste sous vos yeux la zone qui vous intéresse.

    - N’ayez pas peur, touchez là !

    Vraiment fascinant ! Chaque partie de la carte a la texture du sol qui correspond, et la télécommande diffuse l’odeur qui y est associée. Parallèlement une holo-carte peut être appelée montrant les détails en gros plan. On peut y voir jusqu’à la plus petite ruelle des villes et villages. Encore plus fou, un simple appuie sur une touche et l’immense carte se met à se mouvoir lentement et se contorsionne pour se transformer en un gigantesque globe au centre de la pièce, pouvant pivoter dans n’importe quel sens.

    - Cette carte est retravaillée perpétuellement par des spécialistes afin qu’elle soit constamment à jour. Nous dit-on.

    Amaelle était subjuguée, elle n’était pas la seule. Une véritable œuvre d’art. Nous avons passé au moins deux heures dans cette salle. La carte montre une planète de type gaïa, aux climats assez variés, avec sept continents séparés par d’immenses océans. Les calottes glacières sont très peu développées. La lumière reçue de la naine jaune au centre du système est assez faible, ce qui explique les couleurs pastels de Nelreïde, mais le noyau de la planète, formant 21% de son volume, en fait une planète plutôt chaude, d’une température moyenne au sol de 16°. Les informations lui donnent un diamètre de 12 727 km.
    La capitale dans laquelle nous nous trouvions, Nel, se situe dans l’hémisphère nord à une latitude de 64°, et à l’est d’un continent aux formes torturées. Comme j’avais pu le voir lorsque la navette nous avait amenés ici, elle est bordée par une chaîne de montagne au nord, l’océan à l’est et le reste est une forêt immense. J’apercevais quelques petites villes et villages ici et là. Et quelques autres grande villes réparties sur les continents, mais peu atteignent les dimensions de Nel. Quand je demandais comment les voyages se faisait, on m’expliqua qu’il y avait d’une part les voies souterraines et d’autre part les voie aériennes. Toutes les routes avaient été démantelées pour laisser la nature reprendre ses droits depuis que ces deux types de transports étaient en usage.

    «Ceux de l’autre côté», les progressistes, possèdent deux continents. Leurs villes sont tentaculaires et bien plus nombreuses, c’est le seul endroit de la carte ou les villes rivalisent et même dépassent Nel en taille. Elles sont elles aussi dépourvues de réseaux routiers pour les relier. Je m’étonnais de la différence de densité. A vue de nez les progressistes étaient largement en force et d’un point de vue générale la densité de population de la planète devait être assez faible. Cela me fut démenti par Lorion qui m’expliqua que les Enfants de Nelrée (c’est ainsi qu’ils se nomment eux-même) sont plus de cinq fois plus nombreux, et que la représentation uniquement terrestre est trompeuse. Il m’emprunta la télécommande et fit apparaitre des ilots aériens. Il y en avait une multitude sauf au dessus des deux continents des progressistes.

    - Voici nos villes me dit-il. Les villes au sol sont devenues des cas particuliers, par exemple Nel est la capitale historique, Assera que vous voyez ici est un centre culturel important. Mais nous avons détruit la plupart des autres villes au sol pour fonder ces villes en altitude afin de limiter l’action destructrice de l’homme sur la planète. Elles fonctionnent sur giga-suspenseur et il est même possible de les déplacer bien que nous ne le faisons jamais. Elles se situent à environ 3500m de hauteur, soit un peu au dessus du vol de la plupart des oiseaux et sont munies d’un dôme immatériel de réchauffement à paroi anti-UV. Leur superficie va de 20 à 70km² pour les plus grandes, ce qui représente environ à la moitié de Nel. Nous préférons des villes intimes où tout le monde est susceptible de se rencontrer.

    Des villes dans le ciel, voilà quelque chose que je voulais voir !

    Lors de ces quelques jours, nous avions aussi longé les bords du Dem, le fleuve qui traverse la ville, et nous nous étions promené sur la plage bordant l’océan. Il y avait un port gigantesque entièrement bâti sur pilotis, les chantiers navals et hangars semblaient se balançaient comme sur des échasses. Il n’y avait pas à proprement parlé de bateaux, la plupart des bâtiments ressemblait a des nefst montées sur suspenseur, néanmoins ils arboraient de majestueuses voiles sur leurs multiples mâts. Leurs allés et venues formaient un ballet gracieux et coloré sous le pâle soleil.
    Après ces divers escapades, je me mis à lire les ouvrages sur la mystique. C’était un point clef de leur mentalité, et je me devais de le comprendre. D’après ce que je lisais, tout était prétexte à une expérience mystique, la moindre action ou activité pouvait être déclencheur. Je ne saisissais pas bien où ils voulaient en venir, mais cela m’éclairait quelque peu sur leur comportement. J’en eu un autre aspect, cette fois concret, quand je fus convié à une Assemblée.

    Deux personnes, un homme et une femme, vinrent me chercher. Ils paraissaient à la fois décontractés et solennelles. Ils me demandèrent si j’étais d’accord pour suivre leurs instructions à la lettre, sans quoi je ne serais pas admis à l’Assemblée. Je leur assurais qu’ils pouvaient compter sur moi. Sur le chemin, ils m’expliquèrent que je serais le dernier à entrer et que je devrais me placer sur la gauche, en bout de file, là où je verrai le dernier siège vide, puis simplement imiter ceux qui seraient là. Et surtout, je ne devais en aucun cas prononcer le moindre mot. Tout cela était très intriguant.

    L’endroit où nous allions s’avéra être l’édifice de grande taille que jouxtait l’appartement d’Ereah. Après être entré, on me donna une cordelette blanche que je dus nouer autours de la taille, puis on m’amena devant une double porte qui s’ouvrit alors que nous nous en approchions. A l’entrée de la pièce se trouvait deux colonnes entre lesquels je m’avançais, puis conformément aux instruction, je me dirigeais sur la gauche, vers le siège qui m’était réservé. Tout le monde se tenait debout et je fis comme eux. L’Assemblée devait compter une quarantaine de membres alignés le long des murs nord - ou je me trouvais en fin de file, le plus proche de la porte - et sud. A l’est, se tenait Ereah. Tous portaient la même cordelette blanche autour de la taille, celle d’Ereah maintenait une fine épée courte. Devant elle sur un petit socle, était disposée une antique balance mécanique à deux plateaux. La pièce était dans une semi obscurité, l’odeur étrange mais agréable et le silence était totale. Tout ceci ressemblait à une sorte de rituel dont je ne comprenais pas le sens.
    Sur un regard d’Ereah, un homme se plaça entre les deux colonnes près de l’entrée, face à elle, et tout le monde s’assit, je les imitais. Il énonça l’ordre du jour. Il s’agissait d’un problème à la frontière des eaux territoriales avec les progressistes. Un véhicule aérien venant de chez eux était entré sur le territoire contrôlé par les Enfants de Nelrée, sans raison ni autorisation. Il ne semblait pas avoir de code d’immatriculation et le gouvernement progressiste affirmait n’être au courant de rien. Les progressistes étaient autorisés à aller et venir à leur guise sur les terres des Enfants de Nelrée, en tant que marchand, touriste ou curieux, ce qui rendait une entrée discrète encore plus suspecte.

    L’Assemblée craignait des actes de braconnage, de vandalisme ou de terrorisme de la part d’un groupuscule progressiste extrémiste qui avait déjà sévit récemment. Quand l’homme eut fini de parler il retourna s’assoir. C’est alors que chacun pris la parole à son tour, donnant son avis sur la question et la manière de traiter le problème, les discours était très succinct, allant à l’essentiel. Personne jamais n’interrompait celui qui parlait. Une fois que tout le monde fut passé entre les colonnes (moi excepté), Ereah demanda l’ouverture du «second tour». Je compris qu’il s’agissait de l’ajustement des avis. Les premiers qui étaient passé avaient pu, en entendant les suivant, être convaincu par leurs arguments et changer de point de vue ou au contraire réaffirmer leur position en contrant certains arguments énoncés après eux. Ainsi le deuxième tour commença, environ quinze personnes se firent entendre. Puis ce fut le troisième tour qui ne se révéla pas nécessaire.
    L’homme qui se tenait à la droite d’Ereah avait fait une synthèse des différentes possibilités proposées qu’il vint exposer. C’était un travail brillant, rien n’avait été oublié et tout avait été rendu très compréhensible. Il récita chaque proposition en demandant le vote. Ceux qui étaient pour levaient la main. J’interrogeais du regard l’homme qui m’avait accompagné, et qui se trouvait maintenant juste en face de moi, contre le mur sud. Celui-ci acquiesça : on attendait de moi que je prenne part au vote.
    Je levais donc la main après avoir entendu la proposition qui me semblait la plus adaptée, c’est à dire tenter de tracer l’itinéraire du vaisseau entré illégalement. Ce ne fut pas la proposition qui obtint le plus de vote. Cette dernière consistait à entrer en contact avec les réseaux progressistes extrémistes connus et parallèlement organiser des patrouilles dans les secteurs à risque. Je ne savais pas trop ce qu’ils entendaient par secteur à risque.

    Finalement, Ereah demanda si contestation il y avait. Il n’y en avait pas. Elle prit alors l’épée à sa taille et la présenta à l’Assemblée en la levant au dessus de la tête horizontalement, une main tenant la poignée, l’autre le bout de la lame, avant de l’accrocher sur le socle ou se trouvait la balance. Visiblement cela signifiait que la décision avait été entérinée. Elle se dirigea ensuite vers la sortie, suivie des deux personnes qui se trouvait à sa droite et sa gauche, puis ceux qui était à côté de ceux-ci et ainsi de suite. J’étais donc le dernier à sortir avec l’homme qui m’avait fait entrer. Le tout avait duré une cinquantaine de minutes, ce que je trouvais exagéré pour un problème somme toute assez minime qu’un simple officier aurait pu résoudre dans d’autres lieux.

    De retour dans l’entrée du bâtiment, Ereah avait déjà disparue, elle ne m’avait pas accordé le moindre regard et bien que je savais cette pensée prétentieuse, j’en concevais une certaine amertume.
    Elle fut toutefois de courte durée puisqu’à mon retour à l’appartement, un message de sa part m’attendait sur l’holo-transmetteur. Elle me demandait si j’étais disponible le lendemain en début d’après-midi pour la recevoir et discuter de l’Assemblée, supposant que j’avais certainement des questions à ce propos. Bien que je comptais me rendre aux Archives toute la journée, j’annulais mes projets et lui répondis par l’affirmative, bien entendu. Elle avait ajouté une courte explication sur la décision qui avait été prise lors de l’Assemblée : «Votre choix de vote n’était pas sans intérêt, mais nous estimons que l’envoi de patrouilles était ici la priorité. Il faut toujours faire confiance à l’oiseau de proie dont la vision porte au-delà de ce dont nous sommes capables. Il peut apporter des solutions bien plus adaptées de part sa connaissance de l’environnement.»
    Rien de très explicite en réalité, j’y voyais plus une allusion voilée à l’efficacité de leurs patrouilles qu’une réelle explication des raisons du choix lui-même. A moins qu’il ne s’agissait là encore d’une formulation mystique. Après tout, ça ne faisait qu’un mystère de plus.


    «Ceux de l’autre côté»

    J’étais en train de lire le rapport sur les réseaux que m’avait fait parvenir Jena lorsqu’on frappa, il devait être environ 10h et je me demandais si Ereah avait choisi d’avancer sa visite, mais c’est un homme au regard fuyant que je découvris sur la pas de la porte.

    - Vous êtes Armann Stresy ? Me demanda t-il.
    - C’est exact.

    Je ne me souviens pas de ce qui se passa ensuite, et pour cause... L’homme avait probablement utilisé un assomeur électrique. Toujours est-il que lorsque je me réveillais, j’étais installé pieds et poings liés, rendu aveugle par une cagoule sur la tête et pris d'une affreuse migraine lancinante. Je sentais la présence d’hommes autour de moi, j’entendais leur respiration, le froissement de leurs vêtements lorsqu’ils bougeaient, mais ils ne disaient pas un mot. Les vibrations et les bruits de moteur m’indiquaient que je me trouvais à bord d’un véhicule, probablement aérien. Je me tenais tranquille, le voyage dura encore une quarantaine de minutes avant que je ne ressente la perte d’altitude et le petit choc de l’atterrissage. Deux hommes me prirent par les bras et me guidèrent hors du véhicule. Nous entrâmes dans un ascenseur, du moins c’est ce que je compris lorsqu’il se mit à descendre. On marcha encore un moment, puis on m’assit sur un siège rudimentaire. Quelqu’un me détacha les pieds et les mains et me retira la cagoule.

    Je me trouvais au centre d’une pièce sans fenêtre aux murs jaunâtres et salis. Devant moi, un bureau imposant, et derrière ce bureau un homme trapu aux cheveux gris, le visage buriné et les yeux très pâles. Il portait une tenue à glissière impeccablement lissée d’un brun très foncé. J’avais bien entendu était dépouillé de mon communicateur de poignée.

    - Monsieur Stresy ! S’écria t-il sur un ton enjoué.

    Quatre hommes en uniforme militaire tenant un fusil d’assaut laser m’observaient depuis les coins de la pièce. J’étais terrorisé.

    - Veuillez excuser nos méthodes un peu barbare, continua l’homme, mais cela s’avérait nécessaire pour vous amener jusqu’à nous. Rassurez-vous, nous ne vous voulons aucun mal et vous êtes notre invité ! Je suis le général Balst, responsable du MADP.
    Comme accueil chaleureux, j'avais connu mieux...
    - MADP ? Balbutiais-je.
    - Mouvement Armé pour le Développement Progressiste !
    - Oh...
    - Voyez-vous, les illuminés nous maintiennent enfermés. C’est une forme d’esclavagisme très subtile, mais réelle. Nous avons des besoins de développement et nos continents s’épuisent en ressource, alors qu’eux là-bas se contentent de n’extraire qu’une infime partie de l’incroyable richesse de leur sol. A croire qu’ils vivent d’amour et d’eau fraîche ! Sans compter qu’ils n’utilisent même pas la place disponible préférant vivre parmi le caca d’oiseau. Grand bien leur fasse, mais dans ce cas, qu’ils prennent les airs et nous laissent le sol ! Il me regarda un instant, les sourcils levés comme pour attendre mon approbation. Nous leur vendrions les ressources dont ils ont besoin, et tout le monde serait content. Enfin... ceci serait idéal, mais nous n’avons même pas d’ambition si grande à vrai dire, juste un continent ou deux. Seulement, ils sont tellement bornés et obtus qu’il est difficile de leur faire entendre raison. Et c’est là que vous pouvez nous aider.

    Il n’avait cessé de gigoter en parlant, allant et venant derrière son bureau comme un professeur donnant un cours magistral à sa classe. Il m’observait, attendant maintenant visiblement une réponse de ma part, les mains jointes sur le plexus.

    - Ecoutez, commençais-je en secouant la tête. Je ne sais pas très bien ce que vous attendez de moi mais je n’ai aucun lien avec cette planète, alors pour ce qui est d’avoir une quelconque incidence politique ou diplomatique, je ne suis pas le mieux placé pour...
    - Je comprends votre désarroi, m’interrompit-il, mais vous avez probablement des connaissances qui peuvent faire pencher la balance, et de mon côté je peux vous offrir beaucoup. Mais discutons de cela autour d’un repas, voulez-vous ?

    Il me prit par l’épaule, de manière tout à fait paternaliste. Trop sûr de lui, trop confiant, trop arrogant, trop démonstratif, cette homme avait tout en trop et empestait ce que je compris être par la suite du tabac local froid. Il me conduisit au travers d’un labyrinthe de couloirs sur lequel donnaient ici et là des pièces de taille diverse. Partout des hommes en arme s'afféraient et m’observaient à mon passage. J’avais le regard hagard. Aucune fenêtre, nous étions très probablement en sous-sol, et la chaleur, bien que sèche, était étouffante.

    Arrivé dans ce qui était visiblement le réfectoire, il m’indiqua une table. Un homme avec un tablier blanc nous apporta des assiettes de ragoût, ni mauvais ni bon.

    - Bien ! Entama le général. Voyez-vous, nous n’avons besoin que de très peu de chose. Les illuminés se croient supérieurs, et nous prennent pour des gamins, vous avez du le remarquer. Résultat, nos systèmes de communications sont bridés par leurs satellites et bien que nous ayons déjà quelques vaisseaux permettant des voyages sub-luminiques, aucun ne passerait le cordon de défense en orbite qu'ils ont mis en place. Nous voudrions simplement que vous nous aidiez à contourner ce petit désagrément. C’est tout ! Qu’en dites-vous ?

    J’essayais de composer une réponse et ce n’était guère aisé. Sur le principe il n’avait pas tort, mais tout autour de moi hurlait que les «illuminés» - je ne m’étonnais pas du nom que les progressistes leur donnaient - avaient raison. Je voyais très bien où il voulait en venir. Il espérait probablement s’allier à un empire belliqueux qui les débarrasserait à jamais de leurs cousins.

    - S’ils brident les communications alors comment pourrai-je m’y prendre ?
    - Rien de plus simple ! Je vous donne un petit disque de code, on vous renvoie à Nel, vous dites que vous vous êtes échappé ou tout autre histoire. Vous continuez à gagner leur confiance comme vous l'avez fait, et vous demandez à visiter leur centre de contrôle de défense. On dit que vous trainez beaucoup avec la mignonne qui se prend pour une sainte, vous trouverez bien un moyen de lui demander cette petite faveur, dit-il avec un sourire entendu. Une fois sur place, il vous suffira d'insérer le disque dans un terminal. Nous serons alors automatiquement avertis, et le reste du programme s'occupera de simuler une panne pendant quelques heures, le temps de faire passer nos vaisseaux. Nous ne voulons qu’un droit à pouvoir nous exprimer dans le vaste monde qui nous entoure en somme, rien d'étrange là dedans !
    Il engouffra une grosse cuillerée de ragout.
    - Bien entendu, vous serez grassement rétribué, j'ai de quoi vous faire passer le restant de vos jours dans une grande villa sur le continent nord, entouré de filles ou de garçon, je ne sais quelles sont vos préférences...
    - Et vous pensez qu’ils ne vont pas se rendre compte que la fuite vient de moi ?
    - Dès que l'opération aura commencé, vous vous rendrez à un point de rendez-vous où l'on viendra vous chercher. Nous nous y engageons, nous avons un sens de l'honneur. Ici, vous ne craindrez rien. Et vous serez riche !

    Un sens de l'honneur, mais bien sûr... Je n'ai jamais été attiré par la richesse, et je me plais à croire que je suis quelqu'un d'honnête. Il n'était évidemment pas question que je trahisse Ereah. Mais comment le lui faire comprendre sans subir ses foudres ?

    - Je pense que vous vous méprenez sur l'importance que je peux avoir à leurs yeux. Jamais il ne me laisseront accéder à des installations sensibles. Balbutiais-je.

    J'étais tout à fait conscient de ne pas être très crédible dans mon attitude. Mais en même temps, ce que je disais me paraissait censé. Après tout, il n'y avait aucune raison qu'Ereah me fasse confiance à ce point.

    Il sembla contrarié, fit claquer sa langue et se rencogna dans sa chaise en me jaugeant. Après quelques instant, il hocha la tête.

    - Vous ne nous facilitez pas la tâche monsieur l’extra-nelrédien. Dit-il. Puis il hurla : Lieutenant Esten !

    Un homme de grande taille au regard bleu et froid fit son entrée.

    - Mon général ! s’écria t-il en se mettant au garde-à-vous.
    - Lieutenant, comme nous nous y attendions, nous allons devoir passer au plan B, répondit celui-ci.

    Ainsi, il n'était pas dupe... Puis s’adressant à moi, il annonça :

    - Voici le lieutenant Esten, il va bien s’occuper de vous. Ici, on l’appelle «le faucon». Et vous savez pourquoi ? Parce que les oiseaux de proie... Il regarda son lieutenant... Comment vous dites déjà ?
    - L’oiseau de proie possède une vision qui porte au-delà de ce dont tout homme est capable ! Mon général !
    - Ouais, voilà. En clair, quand il vous a à l’oeil, vous pouvez tenter ce que vous voulez, vous n’irez pas bien loin. Conclut-il en me faisant un clin d'oeil.

    L’étrange explication que m’avait envoyé Ereah dans sa dernière holo-communication me revint en mémoire comme un ouragan : «Il faut toujours faire confiance à l’oiseau de proie dont la vision porte au-delà de ce dont nous sommes capables. Il peut apporter des solutions bien plus adaptées de part sa connaissance de l’environnement.» Avait-elle écrit. C’était trop troublant pour une simple coïncidence et en même temps je n’osais y croire.

    Le lieutenant me demanda de le suivre, un autre homme armé se plaça derrière moi, et ils m’emmenèrent jusqu’à une cellule.

    - Je vais devoir procéder à une nouvelle fouille pour plus de sécurité, me dit le lieutenant d’un ton neutre, tout militaire.

    Il scruta chacune de mes poches, les ourlets de mes vêtements, mes chaussures, et alors qu’il se penchait pour vérifier que je ne possédais pas le moindre bout de ferraille dans les cheveux, il chuchota à mon oreille : il faut toujours faire confiance à l’oiseau de proie.
    Je me sentis revivre, je ne savais pas ce qui m’attendait, mais au moins j’avais un allié.
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