¡ Viva la Revolución !

Irae, 2 Dohlan 14.864

Johann von Weissdorn se hâta. Il était déjà en retard pour sa conférence, pour une première semaine au sein du Conservatoire Iraéen de Recherches Socio-Politiques, il ne s'était pas montré sous son meilleur jour. Deux retards en deux jours... Tout en courant, Johann priait pour ne pas être renvoyé chez lui, sur Solaria.

Dans l'amphithéâtre, les élèves attendaient. Parmi eux, le Directeur Herzog consultait sa montre, et notait sur son petit carnet le retard du nouveau professeur en soupirant. Une si bonne recrue... Pourquoi fallait-il qu'il soit si indiscipliné ? Enfin, tout espoir n'était pas perdu. Ses théories étaient très intéressantes, et leur mise en application pas si compliquée que ça pour un organisme suffisamment influent. Comme le Conservatoire.

Le Directeur Herzog écouta Johann von Weissdorn exposer sa théorie de la société idéale, de ses classes d'individus heureux, de son système administratif... Oui, c'était possible. Ici même. Il ne suffisait que de quelques crédits bien placés, d'agents au bon endroit, et le Meilleur des Mondes serait possible sur Irae et ses colonies affiliées. Et le Directeur comptait bien que cela arrive.

Irae, fin Dohlan 14.864

L'orateur enflammait les foules. Son discours, si simple, embrasait les masses de travailleurs au sortir des usines, les politiques acquiesçaient gravement lorsqu'il leur exposait les théories du désormais célèbre Johann von Weissdorn. Des milliers de sympathisants propageaient les Théories Weissdorniennes. Très vite, le mouvement gagna en force et en influence : plusieurs bataillons de l'Armée Républicaine le rejoignirent officiellement, et plusieurs défilés furent organisés dans les rues des différentes planètes de la République. Le gouvernement, inquiet par ces démonstrations de force anti-républicaines, mobilisa les milices coloniales pour stopper les manifestations, causant plusieurs centaines de victimes chez les manifestants.

Lorsque l'Armée s'envola pour porter le feu jusqu'au cœur du Saint-Empire, les bataillons weissdorniens refusèrent de quitter Irae, se mutinèrent, et ne se rendirent qu'après plusieurs semaines de combats éprouvant au cœur des baraquements iraéens. Plusieurs milliers de sympathisants, venus en aide, périrent en compagnie de quinze mille garde républicains.

Le mouvement Weissdornien fut interdit sur toutes les planètes de la République, provoquant de grandes manifestations sévèrement réprimées. Selon certaines sources, plus de quatre cent mille manifestants auraient été massacrés sur Aurora par la Milice Auroraine.

Le Directeur Herzog, depuis la salle de conférence principale du Conservatoire, fit une court discours suite à ce massacre :

"Aujourd'hui, nombre de nos frères sont morts pour lutter contre un gouvernement injuste et oppresseur ! Aujourd'hui, le gouvernement a craint notre pouvoir ! Aujourd'hui, le gouvernement a peur de notre puissance !

Aujourd'hui, nous devons unir nos efforts et lutter de toutes nos forces pour l'avènement d'un monde meilleur. Aujourd'hui, la Lutte Finale est arrivée. Seule une révolution dans la douleur permettra à l'Humanité de se purger du malheur ! Aujourd'hui, nous nous révoltons !

J'informe le gouvernement de la République d'Irae qu'il ne peut pas lutter contre nous. Si néanmoins il tente de nous intimider par la force brute, alors nous l'annihilerons par le feu ! Vive la Révolution !"

Irae, 28 Stelhan 14.864

"Ici Alpha-6. Nous arrivons en vue du Palais. Aucune présence ennemie en vue. Nous lançons le raid comme prévu. Vous avez désactivé leurs DCA ?
- Nous avons pris l'enceinte extérieure. La résistance est trop importante dans l'enceinte intérieure. Attendez vous à des tirs soutenus. Ils ont regroupés trois ou quatre DCA lourdes sur le toit. Et d'autres un peu partout.
- On descend. Mettez-vous à couvert !"

Les vingt-cinq slashers du Conservatoire plongèrent en direction du Palais présidentiel, au plein cœur d'Irae. Trois furent détruits par les DCA pendant la descente, et un autre dut rompre la formation pour éviter un tir. Les vingt et uns chasseurs restant survolèrent les positions des républicains, larguant leur funeste cargaison d'ogives bactériologiques. Mis au point par les scientifiques du Conservatoire, les virus contenus dans les ogives avaient un développement excessivement rapide et un cycle de vie très court, mais une extrême férocité. Les ultimes défenseurs du palais n'avaient plus que quelques heures à vivre...

Aurora, 28 Stelhan 14.864

"Nous informons nos aimables téléspectateur que le couvre-feu a été déclaré par la Ministère de la Sécurité Intérieure. Personne ne doit sortir après 19 heures. Toute personne surprise dehors après cette heure sera emmenée au poste de police le plus proche et restera en garde-à-vue pendant 24 heures. Maintenant, retrouvons Kate, qui est à bord du Fortune à proximité des chantiers spatiaux. Kate, que pouvez-vous nous dire sur les attentats de cet après-midi ?
- Bonjour Jane. Je suis en présence du colonel Hermann Ratzin, l'actuel commandant des forces républicaines sur Aurora. Bonjour colonel, pouvez vous nous dire comment les terroristes ont procédé aujourd'hui ?
- Bonjour. D'après nos informations, ils ont acquis par le biais de sympathisants plusieurs chasseurs lourds de classe "Viper" et ont foncé au plein coeur des chantiers, envoyant de nombreux missiles dans les ateliers de production. Fort heureusement, les défenses internes et les chasseurs de la Flotte présents les ont rapidement neutralisé.
- Cette attaque ne nuit-elle pas aux opérations de la République contre le Saint-Empire ?
- Fort heureusement, non. Les terroristes ont attendu le départ du gros de la Flotte pour attaquer, mais il restait suffisamment de réservistes sur place pour empêcher toute action violente de la part de ces terroristes.
- Ces terroristes s'appellent eux-même révolutionnaires. Pensez-vous qu'ils pourraient renverser la République pour instaurer leur horrible dictature ?
- En aucun cas ! Sachez qu'ils sont très peu nombreux, et peu armés. Nous n'aurons aucun mal à les écraser lorsque l'Armée sera revenue du front SEX. Il n'y a aucune crainte à avoir. Ces terroristes cherchent à nous déstabiliser, mais ils ne peuvent rien contre nous si nous restons unis. Ils sont tout simplement trop faibles.
- Merci colonel. Voyez, il n'y a rien à craindre. Néanmoins, les patrouilles militaires seront maintenues quelques temps encore, afin d'écraser ce mouvement terroriste. En direct du Fortune, c'était Kate Lockwell, pour ANN.
- Merci Kate. Maintenant, notre deuxième titre de la soirée : il semblerait que... Quoi ?! Que se passe-t-il ?! Ils sont ici ?! " Coups de feu "Par l'escalier de secours, vite !"

Plan sur le plateau. Des hommes armés, vêtus d'habits communs, passent dans le champ de la caméra. Un de ces hommes s'assoit à la place qu'occupait la présentatrice, Jane.

"Nous sommes les révolutionnaires ! Nous occupons les studios d'ANN afin de vous faire part de la vérité. La Révolution gagne du terrain. Aujourd'hui, le Palais présidentiel, sur Irae, est tombé face à nos camarades ! Le président lui-même a accepté de signer l'acte de réddition. Néanmoins, de nombreux militaires, un peu partout dans l'ex-République, refusent de se soumettre et continuent de lutter contre la Révolution et de massacrer nos camarades. Mais nous remportons de nombreuses victoires ! Il y a quelques heures à peine, la Vingt-Neuvième Escadrille a rejoint le mouvement ! Sur Solaria, le peuple s'est soulevé en masse et a occupé le Consulat ! Renaissance Minor et Vecteur Renaissance ont reconnues officiellement le Conservatoire ! Que la lutte s'intensifie ! Vive la Révolution !"

Irae, 18 Pookahn 14.867

Une foule immense occupait la Place du Bonheur, anciennement Place de la République, face à l'ancien palais présidentiel désormais en ruines. Plusieurs centaines de milliers de personnes, certaines armées, d'autres arborant divers symboles révolutionnaires, attendaient fébrilement le début du discours du Directeur Herzog, le leader de la Révolution et directeur du Conservatoire. Irae était enfin libérée du joug de l'ex-République tyrannique !

Les écrans géants installés à la hâte s'illuminèrent d'un coup, plongeant la foule dans le silence. Tout le monde, des premiers rangs à ceux assis dans les ruines alentours, put voir le Directeur s'installer derrière le micro. Les enceintes réparties tout autour de la place projetaient les mots du Directeur avec force, ébranlant presque les premiers rangs.

"Irae est libre ! Le monde meilleur que nous cherchons tous est enfin à notre portée, grâce à vos sacrifices ! Nombreux sont nos frères, amis, connaissances, à être tombées ces dernières années. Partout sur Irae, les tentatives désespérées des forces tyranniques ont tentées désespérément de nous stopper. Ils ont brulé nos villes, massacré nos femmes et nos enfants. Mais aujourd'hui, ils pourrissent sous terre ! Nous avons remporté une grande victoire, mes amis ! Plus rien ne s'oppose à nous ici !

Cependant, notre lutte pour le bonheur a été suivie ailleurs, au cœur même des anciennes colonies de la République corrompue que nous venons d'abattre. Sur Solaria, toute résistance ennemie a cessé il y a quelques mois à peine. Sur Renaissance Minor, trente mille camarades encerclent cinq fois plus de soldats ennemis ! Sur Aurora, les restes de la Flotte républicaine nous rejoignent peu à peu ! Il n'y a que dans les mondes les plus excentrés que l'ennemi tient encore, mais une fois les Mondes Centraux libres, ils n'auront plus aucun moyen de nous arrêter !

Camarades, Amis, nous devons partir aider les autres peuples de ce qui fut la République ! Eux aussi ont le droit au bonheur absolu ! Aussi je demanderai à chacun d'entre vous d'aller vous enrôler dans l'Armée Révolutionnaire ! L'avenir est en marche, le bonheur est à portée de main !"

Le Directeur s'effaça sous un tonnerre d'applaudissements hystériques. Tout se déroulait comme prévu...

Altaia, 31 Dolahn 14.877

Treize années... Treize longues années de guerre civile, de massacres et de pleurs... Plusieurs planètes en cendres, des continents ravagés par les troupes des deux camps... Heureusement, tout ceci prenait fin aujourd'hui. Les dernières troupes républicaines, réfugiées au coeur des Monts du Crépuscule, allaient être écrasées par l'Armée Révolutionnaire.

L'assaut débuta au petit matin, sous la neige. Deux mille hommes, armés de bric et de broc, escaladèrent la pente menant au fort républicain. Sept mille embarquèrent dans des aéronefs de parachutage, afin de contourner les républicains. Vingt mille hommes se tinrent prêts à monter à leur tour à l'assaut de la montagne. D'après les services de renseignement, l'ennemi n'avait presque plus de munitions, et manquait de nourriture depuis plusieurs jours déjà. Bien que plus nombreux que les Révolutionnaires, ils ne tiendraient pas le coup à un assaut féroce durant plus d'une heure.

La première vague se fit massacrée, comme l'espéraient les stratèges du Conservatoire, mais accomplit tout de même son objectif : détourner l'attention des défenseurs de la vague d'aéronefs et de slashers qui leur fonçaient dessus. La deuxième vague, forte de cinq mille hommes, avait pour but de soutenir les parachutistes, et de former le marteau de l'Armée Révolutionnaire.

Tout se passa comme prévu. En cinq heures, vingt mille républicains périrent, et quinze mille autres déposèrent les armes. La dernière armée républicaine venait de se faire anéantir...

Irae, 24 Dolahn 14.877

"Aujourd'hui est un jour heureux, mes amis ! Aujourd'hui, les derniers vestiges de l'ancienne République tyrannique ont été détruits ! Aujourd'hui, un nouvel âge d'or s'ouvre devant nous ! Aujourd'hui, le Conservatoire met en place un monde meilleur !"

Cuirassé némésien Bellamy, orbite haute d’Irae, 1 Pookahn 14 877

Le terme morose se suffisait à lui-même pour décrire l’atmosphère des lieux. Assis sur les diverses rangées, l’air dépité, plusieurs dizaines d’officiers avaient l’œil rivé sur l’holoprojecteur principal, regardant avec attention, et amertume, les dernières bandes vidéos qui leur était parvenue.

Les Monts du Crépuscule tombaient, après des mois d’un siège sans merci. Sur les restes calcinés d’un poste d’artillerie éventré, dominant la base, deux soldats des Levées Républicaines progressaient difficilement parmi les décombres et les cadavres. Dans un dernier plan, qui resterait certainement à la prospérité, les deux hommes parvinrent à monter sur le bunker, et d’une gestuelle presque théâtrale, sortirent un étendard de l’un des sacs, et levèrent sur un mât improvisé les couleurs du Conservatoire.

Les Conservos font faire du pain béni de cette victoire. Commenta d’un air triste l’amiral Montgomery à l’un des officier loyaliste, ancien réfugié au Consulat Némésien, évacué avec le personnel diplomatique quelques jours auparavant ; tandis qu’ils retournaient vers la passerelle. La situation loyaliste est des plus critique, colonel.

Inutile de nous voilez la face, monsieur. A moins d’un miracle, nous sommes, et resterons, dans un merdier des plus total. Répondit l’iraéen d’un ton incroyablement calme. Le Président pourri dans les geôles du Conservatoire, avec une bonne partie de l’Etat-Major, nous ne contrôlons plus aucun port dans toute la République… Les Monts perdus, nous avons perdu notre dernière zone de débarquement sûre…

Je suis navré que l’Amirauté ait rappelé les transporteurs de troupes en route vers Altaia. Avec le soutien des marines, vos hommes auraient pû facilement rétablir une tête de pont viable…

Avant d’être assiégé encore et encore… Le Gourou Herzog en avait fait une affaire personnelle : Altaia ne serait resté républicaine bien longtemps. Malgré toute la bonne volonté du Général Hasfour…

Hasfour mort… J’ai encore du mal à y croire. Sacré tâche qu’il vous est impartie désormais : Colonel Hermann Ratzin, Commandant des forces loyalistes… Je n’aimerais pas être à votre place mon ami.

Loyalistes ? Bernard : désormais, c’est nous les rebelles.

La chute de la dernière véritable armée loyaliste sonnait comme un coup dur pour l’équipage du Bellamy. L’Empire Némésien avait toujours été bienveillant à l’égard des loyalistes, n’hésitant pas à envoyer des vaisseaux forcer les blocus pour acheminer vivres, médicaments, et plus discrètement munitions aux républicains. Et maintenant que l’armée républicaine se réduisait à quelques milliers d’hommes exilés et à une poignée de navires légers mouillant dans des ports corporatistes, la flotte du Conservatoire pourrait se monter quelque peu hostile à la présence d’un appareil de guerre de la Marine Impériale au-dessus de sa capitale, même si son ordre de mission stipulait noir sur blanc qu’il ne faisait que superviser le rapatriement des ressortissants de Némésis (et plus officieusement les rares réfugiés ayant pu joindre le Consulat).

Une fois les dernières navettes revenues à bord, Montgomery ordonna l’activation des systèmes de défense passifs, et la mise en branle du cuirassé. Mû par ses 8 réacteurs , le navire s’arracha de l’orbite d’Irae la Sublimissine. Réunit autour du colonel Ratzin, quelques loyalistes observèrent avant la séquence de saut leur monde s’éloigner peu à peu, avec l’espoir secret d’y revenir, un jour peut-être.

Lu et approuvé par Tao'