Puisque je te dit que ce n'est rien. Le doc' m'a parlé d'une simple quarantaine de routine, et de mesures préventives. Retourne à ton poste, Ilia. M'ordonna le quartier-maître Biel de son ton sempiternellement calme, coupant court à notre petite « discution » à la sortie du mess.
Biel ne m'avait guère révélé grand chose sur l'état de Johan, et l'origine de ces foutus crises violentes de vomissement qui causèrent son isolement à l'infirmerie. Au mess, le cuistot nous avait révélé, à moi et à quelques collègues, qu'ils pensaient « là-haut » que ça venait des rations distribués au quart précédent, et qu'on lui avait demandé de se débarasser de la palette entière. Bref, les rumeurs enflaient, et ce brave Biel ne semblait en fait guère plus au courant que nous. Allergie isolée? Contamination du lot? La seule chose qu'on savait, c'est que la moitié du Second Quart avaient partagé les rations incriminée, et comme tout marin, je ne me voyais pas assurer un voyage long-courrier avec la moitié de l'autre équipe de quart atteinte de gastro', et c'est donc dans la joie et la bonne humeur que je me précipitas dans l'une des coursives pour rejoindre mon office, en la salle des machines tribords.
***
Comme d'habitude, quelque chose n'allait pas: un disjoncteur qui saute, une conduite de distribution qui chauffe, une armoire électrique en pleine crise existentielle. Si tout marchait comme dans le meilleur des monde, ma fonction de mécanicien embarqué elle-même n'aurait aucun but, et j'en serais encore chômeur, à battre le pavé en Novaja Rossiïa. Le chef-mécano' partageant indubitablement mon avis sur la question, c'est bien évidemment le bleu, donc moi, qui avait le plaisir, et l'ordre, de me tortiller dans les trappes de maintenance aux quatre recoins de notre veau stellaire à rafistoler les quelques sauts d'humeur de notre vénérable navire. Au moins, à défaut de me faire les dents sur les magnifiques propulseurs tangerans, je découvrais le cargo, et son équipage.
Pendant que les gars de la maintenance géraient un petit incident de pressurisation des portes, j'avais pour tâche d'aller vérifier un dérèglement mineur de l'injection de refroidissant sur l'un des générateurs annexes. Au niveau des conséquences, rien de plus grave qu'une légère surconsommation de fluides, mais vu que réparer nécessitait de débrancher l'un des refroidisseur, autant le faire à terre, à générateur hors-tension. Passant près du Traitement des Déchets, je fut salué par l'un des contrôleurs. Des gars sympa qui m'avaient accueilli dès le premier jour, deux « anciens », qui servaient déjà sur ce rafiot depuis une bonne décennie quand ma mère s'agitait en salle d'accouchement. Pour eux aussi j'étais le bleu, le p'tit ruskoff de l'équipe, qui causait à peine la langue standard vardenienne; un peu chiant à la longue, mais bon, c'était toujours mieux que les blagues douteuses des cuistots sur les moeurs de ma soeur.
... Et sinon, toujours rien à propos de cette histoire de bouffe intoxiquée? Demandais-je au hasard de la conversation.
Bwaah, encore du vent. Juste une lopette pas foutu de digérer un concentré mal pasteurisé, mais bon, comme l'a ordonné le doc', on a cramé la palette, s'ront contents sur la passerelle.
C'est con, c'était la dernière caisse de crackers. En tout cas Ilia, va falloir te préparer à une traversée chargée. Compléta son collègue, d'un ton amusé. J'ai pas trop c'qui se passe sur le pont principal, mais ça gigote sec. On ne nous dit pas tout!
Pourquoi? Y'a un problème avec Jo'?
'Sais pas. Au pire, qu'ils étendent leur quarantaine,c'est pas comme si on risquait quelques choses nous, à fond de cale! Conclut le contrôleur d'un rire gras, tandis que je rejoignais la coursive annexe, en direction de la chambre de ce foutu générateur annexe, une centaine de mètres plus loin.
Une fois le sas de la petite salle refermé, mesure de sûreté oblige, réparer l'injection de refroidissant ne m'avait pris qu'une poignée de minute, le temps de dévisser un panneau, et de changer un foutu piston récalcitrant. La machine étant coupée, ce fut pour ainsi dire du gâteau. Quelques tests de routine, et je pu sereinement refixer le panneau, et quitter cette foutu petite salle, et ces foutus coursives. J'étais pas claustro, enfin, pas trop, mais les coursives de fond de cales, sombres, silencieuses et vides de monde n'était guère accueillante, et même plutôt oppressante. Aussi je me pressais de vérifier que je n'oubliais rien dans la chambre, je prévins par radio mon supérieur de la réparation, puis, sacoche en bandouillère, reparti en direction du secteur de tri, histoire de rejoindre les contrôleurs pour un café avant de retourner dans ma machinerie.
Je ressenti rapidement comme un malaise en m'approchant de la porte. Pas un bruit, pas un mot, pas un rire, chose inhabituelle compte tenu du comportements des deux vieux loups de l'espace. Et ce mal-être n'alla pas en se calmant quand je vit les éclats sanguins mouchetés sur le pas de la porte, puis le véritable bain de sang sur les consoles, de l'autre côté de la pièce.
Пиздец... Parvins-je bêtement à articuler, face aux giclées de sang qui ornaient la salle.
Je restas là, planté, tétanisé sans savoir quoi faire. Jusqu'à que je crus entendre comme un bruit, indescriptible, et que, sans même en avoir conscience, je pris mes jambes à mon cou.
C'est un peu plus tard, haletant dans un coin des quartiers de l'équipage, entouré de trois dockers interloqué qui venait de me trouver recroquevillé contre le mur, que, me remettant un tant soit peu de l'état de choc, je parvins enfin à réaliser que les corps n'étaient pas sur place. Mon premier réflexe fut de me relever, et de tenter de sceller la porte d'accès aux fonds de cale.
Outré par cette violation du règlement de bord, les dockers s'interposèrent, et menacèrent d'appeler le quartier-maître. Sans trop comprendre pourquoi, je me contenta d'écouter mon courage qui me conseillait de fuir vivement, laissant la coursive déverrouillé. Si j'avais su...
HRP: ouais! Du sang, des zombis, et des crêpes au fromages! Allez, je commence par un grand classique: le groupe de 1!