Sur le Sanctuaire rien ne bougeait. Le temps était à la pluie, ce qui était habituel, et les normes de température et de pression étaient elles aussi aux normes locales. Même si une extraordinaire et étouffante chaleur régnait sur les lieux, pas moins de neufs degrés Celsius contre cinq habituellement. Les rues étaient presque désertes. Ça et là, devant quelques restaurants et commerces, devants quelques abris conviviaux, quelques très rares passants pressaient le pas, cape au vent, réservant une main pour tenir leur haut-de-forme afin que le vent ne les emportât pas, prenant le soin cependant de réserver l'autre main pour ouvrir les portes avec promptitude, tant le vent était mordant. Un seul mot peut décrire l'atmosphère qui régnait sur les lieux : paisible. Oui tout était paisible. Calme. Maître de soi. Stoïque. Enfin, pour les normes des Domaines d'Ossus...
Cependant, au Sanctuaire même, le véritable Sanctuaire, cet immense parc au centre de la ville, où tous les canaux convergent, où toutes les informations des Domaines d'Ossus se déversent, là où se catalysent les attentes les plus diverses et là d'où partent les ordres les plus bigarrés, l'IA centrale de la colonie du Sanctuaire, Magister, qui contrôlait et régentait tous les systèmes civils, retransmit un message en provenance d'une flotte diplomatique vers une autre IA. Cette IA, du nom de Nastresis, était elle chargée de la bonne gestion des défenses du Sanctuaire même, comme de la colonie. Lorsqu'elle fut "face" au message, elle réagit d'une manière très humaine pour n'importe quel habitant des Domaines d'Ossus.
Elle fût littéralement sur le cul, même si cela était théoriquement impossible pour une IA.
Que faire ? Aucun de ses protocoles ne lui permettaient de congédier cette demande diplomatique zoophile en bonne et due forme. Personne n'avait le droit de poser les pieds sur le Sanctuaire, fussent t-ils considérés par leur propriétaire légal comme des pattes ou des roulettes ! En effet, les personnes ayant été autorisées à le faire se comptaient sur les doigts d'une main, quand bien même Nastresis n'avait pas de main à proprement parler. Diable ! Que faire ? Puis, au bout d'à peine quelques millisecondes de plus de réflexion, Nastresis transmis le message au Consulat des Affaires Extérieurs et du Commerce. Ce Consulat qui changeait sans cesse de nom avait à sa tête le renommé Slarti Bartfast, et avait pour second le ridicule Constaton de Norlarate. Bartfast étant à une réunion du Haut Conseil, ce fût Constaton qui dû agir.
Sa première réaction fût d'être sur le cul. Mais littéralement là encore, il en était tombé sur sa chaise, les jambes sciées de surprise. Mais qui était ce zouf ? Quelle impudence de sa part ! Peut être fallait-il l’envoyer balader ? Et puis de quel Comte parlait t-il ? La nation était en crise... le Conseil était réunit et tous les nobles étaient dans le voisinage du Sanctuaire pour affaires ! Étrange. Il prit alors une décision. En phrases courtes, il expliqua à Bartfast dans un bref message la situation, et il adjoignit le message holographique.
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Dans le salon du Haut Conseil, où siégeait le Haut Conseil, c'est à dire, la Duchesse Lianne d'Artois, seconde du nom, Yurin Koutouzof, Grand Maréchal et tout ce que les armées peuvent avoir comme titres ronflants, Slarti Bartfast, Consul à la Diplomatie et au Commerce, Susan Calvin, Grande Coordinatrice de l’Économie et enfin Selim, le Consul attaché aux Renseignements ; l'atmosphère n'avait presque jamais été aussi officielle. Koutouzof parlait du problème que connait tout tacticien, le fameux "croiseur ou cuirassé ?" aussi connu sous le nom de "fromage ou dessert ?". Il s'interrompit pour lâcher ces officielles paroles qui n'étaient pas moins marquées d'une réelle inquiétude, peut-être celle que l'on porte à un ami proche lorsque celui-ci semble avoir reçu en plein vente un coup de patte de la part d'un Datiti Sauteur.
« Un problème Consul Bartfast ? » dit alors Koutouzof au livide personnage qui était à coté de lui. Bartfast répondit presque aussitôt :
« Mes excuses, mais je viens de recevoir une missive étrange. » Il marqua une pause et regarda sa Duchesse avec un certain embarra : « Elle vous est adressée qui plus est.
- Étonnant, dit alors Lianne. Ce n'est pas la première fois que quelqu'un essaie de s'adresser directement à moi ou mes prédécesseurs ?
- Il semblerait, Ma Dame, que c'est plutôt la première fois que l'on prend ce genre d'ignominie au sérieux. Mais il est vrai qu'au regard du message, je ne sais moi même que faire. J'en reste la bouche bée et les bras pendants, pour être franc.
- Et bien montez nous ce message cher ami. » Dit alors la Duchesse avec un léger sourire à ravir les âmes.
Ce fût fait.
Le silence.
Un être biblique passa.
Encore quelques secondes de silence... puis Koutouzof repris ses habitudes de troupier, oublia l'étiquette forcée qu'il avait adoptée, et lâcha sa phrase favorite avec le claquement sec d'un fouet : « C'est sérieux ? » Bartfast répondit comme à son habitude : « Il semblerait. »
Alors, tous se tournèrent vers leur Duchesse.
A nouveau le silence.
« Et bien... commença Lianne, je pense que nous pouvons les congédier après leur avoir expliqué la situation, en ce qui concerne un face à face éventuel... Mais... quelqu'un sait de quel Comte il parle ?
Tous opinèrent négativement.
- Bon, en ce cas, faisons lui une offre. Qu'il capture le Comte et son vaisseau amiral, qu'il nous les livrent... et nous aviserons ensuite, dit-elle en roulant les yeux avec dédains.
- Permettez moi Ma Dame, mais je pense que je viens de saisir un détail qui a son importance.
- Parlez ! fit la Duchesse amusée de voir le Haut Conseil retrouver sa vie et son naturel.
- Et bien... je vais vous expliquer. »
Et il expliqua. Il expliqua avec talent et le langage imagé et coloré qui était le sien. Les rapports étranges, la défection d'une partie de la flotte automatisée qui avait reçu des contre-ordre, les reprises de contrôle de Nastresis, une requête sur les canaux militaire venant d'un certain Gretiar Lucas et mille autres retournements de situations.
Finalement, le Haut Conseil tomba d'accord, et on fit transmettre par Nastresis un long message. Très long. Ce dernier prit le nom improbable de MI-DIND-1 (ou, missive dindon 1 pour les intimes). Dans ce message, il fût expliqué que le Sanctuaire... était un Sanctuaire avec tout ce que cela importait. Que la nation était aux prises avec mille réformes. Impossible d'organiser une rencontre entre Lianne d'Artois, seconde du nom, et l'étrange apparition qui prétendait être Ducal. Puis, l'offre fût transmise. Des dédommagements si le Comte était capturé et livré à un certain endroit, et si possible, en main propre sans avoir recours aux services postaux.
Puis, pour la flotte du Duc dindon, ce fût le silence. Les hommes au faciès atroce, à la peau du coup pendente et au cerveau Zetranien n'ouïrent plus rien en provenance du Sanctuaire.
[HRP]Dsl pour la couleur de Lianne, mais mon stock est épuisé et les autres couleurs sont déjà réservées...[/HRP]