HRP : Suite à la demande de certaines personnes, voilà le RP disponible en format PDF (donc sans couleur) avec une mise en page justifiée
*****
La navette tremblait alors qu’elle s’enfonçait dans l’atmosphère sulfurée de la lune. Loin au-dessus d’elle, un cuirassé Obscurci et ses croiseurs d’escorte livraient combat contre une force Léanth visiblement en très mauvaise posture. À son bord, quatre silhouettes en armures aux teintes sombres s’agrippaient comme elles pouvaient pour éviter d’être renversées par les secousses de l’appareil. L'une d'entre elle tenait encore son casque sous le bras et s'apprêtait à l'enfiler lorsqu'un haut-parleur se mit à vibrer dans le compartiment principal avant de laisser la voix du pilote annoncer par-dessus la cacophonie ambiante :
« Atterrissage d’ici cinq minutes. Comme prévu, le site est à sept-cent-cinquante mètres de la base Léanth. »
Les grésillements de l’enceinte s’estompèrent quelques instants avant que la voix ne reprenne :
« La température de surface est aux alentours de moins soixante-dix degrés Celsius. J’espère que vos combinaisons vont pouvoir supporter ça.
— Théoriquement, oui, répondit la silhouette dépourvue de casque, en hurlant pour que sa voix parvienne jusqu’au micro du compartiment. Normalement, on ne devrait pas avoir de problème, les combinaisons peuvent nous protéger de ce genre de température pendant plus d'une heure.
— Parfait, reprit le pilote, préparez-vous à sortir, on approche du site. »
Les vibrations s’intensifièrent tandis que l’appareil approchait de la surface. Il flotta quelques instants à une dizaine de mètres au-dessus du sol avant de se poser lentement, projetant de lourds nuages de poussière. Son flanc bâbord s’ouvrit alors, laissant descendre les quatre soldats. Ces derniers, enveloppés par leurs armures, découvrirent un terrain sombre et terne, totalement dénué de vie. Le vent battait le site de l’atterrissage, emportant avec lui d’épais nuages de soufre qui masquaient la vue au-delà d’une vingtaine de mètres. La lumière était très faible ; tout ce qu'on pouvait apercevoir du soleil local se résumait à un petit point rougeâtre tout juste visible à travers les nuages.
« Soixante-sept degrés en-dessous de zéro. La voix résonna de concert dans les casques de ses coéquipiers, relayée par un émetteur très courte portée. J’espère juste qu’on ne va pas rester coincés dehors comme des cons.
— Vous inquiétez pas, chef, lui répondit avec assurance une voix féminine, vous savez bien qu’aucun système de sécurité ne peut me résister.
— Ça vaudrait mieux pour nous. Sinon, tout ce qu’ils retrouveront de nous, ce sera quatre glaçons dans leurs armures. »
Le chef d’escouade jeta rapidement un œil autour de lui, déçu que son champ de vision soit aussi rapidement limité par ces gros nuages jaunes. Il activa la vision infrarouge intégrée à sa visière pour découvrir que si les alentours ne semblaient pas receler d’activité thermique importante, son escouade, elle, contrastait énormément avec l’environnement, et ce malgré l’isolation avancée dont bénéficiaient les armures. Ses subordonnées se livraient au même exercice : examiner les alentours pour déceler d’éventuelles menaces. Constatant l’absence apparente de danger, le chef d’escouade ordonna :
« Escouade, avec moi. On avance.
— Bien compris, lui répondirent ses hommes simultanément, on avance. »
La progression était lente : le brouillard jaunâtre réduisait fortement le champ de vision et les vents violents forçaient les soldats à adopter une posture basse, afin d’éviter d’être renversé. Le terrain lui-même, en revanche, ne comportait pas de difficulté en soi. Bien que le relief ne soit pas totalement absent, ce dernier était d’une douceur déconcertante pour un monde aussi hostile, conséquence d’une érosion féroce. Tout au long de sa progression, l’escouade marquait de petits arrêts, scrutant les alentours immédiats aussi loin que le leur permettait la fumée flavescente. À la quatrième de ces interruptions, alors qu’il examinait les alentours, le chef d’escouade s’exclama, sur le point de perdre patience :
« Bordel ! Qu’est-ce que c’est que ce brouillard à la con ? On voit à peine à cinquante mètres ! On va tomber sur leur poste opérationnel comme des fleurs, et on va se faire cueillir par la première patrouille venue !
- Franchement chef, répondit le soldat dont l’insigne portait le numéro 3 accompagné du symbole de médecin, vous croyez qu’ils font des patrouilles par moins soixante ?
- Non, ça m’étonnerait, admit-il, mais ça reste une possibilité. »
Il marqua une pause durant laquelle il consulta les diverses informations que lui fournissait son armure et reprit :
« Ohliel, quelle distance jusqu’au poste ?
- Je regarde ça, chef, répondit l’intéressée, toujours avec sa voix pleine d’assurance. Une centaine de mètres environ.
- C'est ce que j'ai aussi, reprit son supérieur, j'avais un doute. Il ajouta, avec un soupir : ce serait dommage que les instruments nous lâchent maintenant. »
L'escouade effectua quelques vérifications supplémentaires et se remit en route, alors qu'au cœur du brouillard, une silhouette se formait. En effet, on pouvait à présent deviner la présence d'un grand bâtiment aux formes vaguement arrondies. Il paraissait assez petit pour un avant-poste militaire mais comparé à d'autres bâtiment tels des logements particuliers, sa taille était relativement importante. Au fur et à mesure que les soldats se rapprochaient, ils découvraient de nouveaux détails : une sorte de petite bulle adjacente au reste du bâtiment, probablement les geôles, d'après le chef d'escouade, l'absence — non surprenante — de fenêtres ou hublots quelconques, et ce qui ressemblait à un ensemble d'antennes de communication sur le toit du complexe. Une fois encore, le commando marqua l'arrêt, et examina le complexe autant que possible.
« Ça a l'air d'être la porte, nota le chef alors qu'il remarquait quelque chose qui ressemblait à un point d'accès. Ça colle avec les infos qu'on nous a données, en tout cas. Distance : trente-quatre mètres ; aucun ennemi en vue. Escouade, on y va ! »
Le groupe franchit rapidement la courte distance qui les séparait du sas du complexe et adopta une position défensive, censée fournir une couverture à celui — ou celle, dans le cas présent — qui examinait la porte.
« Qu'est-ce que ça donne, Ohliel ?
- Système de sécurité à code d'accès. Tout en parlant, elle continuait à analyser le dispositif qui bloquait l'ouverture. Rien de bien compliqué. Dans le pire des cas, ça prendra juste un peu de temps, chef.
- Un peu de temps ?
- Une dizaine de minutes, à tout casser.
- Parfait, répondit le chef d'escouade avec une certaine satisfaction. Au travail, alors ! Escouade, couvrez-la et faites gaffe que personne ne nous tombe dessus. »
L'attente commença, tandis que l'experte en sécurité de l'escouade se concentrait sur l'ouverture du sas. De leur côté, les autres soldats — y compris le chef d'escouade — se tenaient aux aguets, prêts à répondre à toute menace qui s'approcherait. Le vent, qui n'avait pas faibli une seule seconde depuis leur atterrissage, continuait de battre le sol en produisant un bruit désagréablement lugubre. Une bourrasque un peu plus forte que la moyenne faillit faire basculer un des soldats. L'homme en question, prénommé Khilak, se trouvait être l'artificier de l'escouade et malgré tout le soin apporté à la stabilité des explosifs, il valait mieux que ceux-ci ne soient pas secoués trop violemment.
« Fierfek ! Le juron lui avait échappé alors qu'il se redressait. Je hais les Léanths, je hais les nuages de soufre, je hais le vent, et surtout, je hais cette saloperie de planète !
- Surtout que c'est pas une planète, c'est une lune. L'experte en sécurité semblait très amusée par la situation.
- Oh, ça va ! Planète, lune... Quelle différence ça fait au final ?
- La différence, c'est la grande ombre noire dans le ciel. Elle fit un geste du bras et montra le ciel derrière elle, dans une direction qui pointait approximativement vers l'ombre en question, tout en continuant sa tâche de l'autre main. Je sais pas si t'es au courant, mais ça s'appelle une géante gazeuse. Nous, on est sur un truc qui tourne autour : une lune. Donc, si, ça fait une dif...
- Vous voulez bien arrêter de pourrir le canal d'escouade avec vos conneries ? Le chef avait mis un terme à la discussion, et ce de manière assez brutale. Il ajouta, à l'intention de la spécialiste : D'ailleurs, Ohliel, t'as voulu me faire une surprise et t'as ouvert la porte sans me le dire ?
- Non, chef, répondit l'intéressée, dubitative.
- Eh bien tant que ce n'est pas fait, j'aimerais que ta bouche reste comme la porte : fermée ! »
La femme soupira après la réplique péremptoire de son supérieur et se concentra à nouveau sur son travail. Environ cinq minutes plus tard elle annonçait l'ouverture du sas. Elle avait pris soin de désactiver tout système d'alerte relié à l'accès au sas depuis l'extérieur. L'escouade s'y engouffra, referma la porte qu'elle venait d'emprunter puis activa le mécanisme de pressurisation du sas avant de se préparer à lancer un assaut. La porte qui donnait sur l'intérieur était bien trop étanche pour espérer utiliser une caméra filin, aussi fallait-il s'attendre à une présence ennemie sans avoir toutefois la moindre certitude. Les soldats vérifièrent que leurs armes étaient bien calibrées sur le mode silencieux. Les fusils en question, contrairement à ceux utilisés par beaucoup d'autres armées, utilisaient encore des projectiles métalliques. Toutefois, ceux-ci n'étaient pas propulsés par de primitives explosions de poudre mais par de forts courants électriques. Ceci leur conférait l'avantage d'être moins bruyant et nettement moins visible que les antiques armes à feu. De plus, en diminuant suffisamment la vitesse du projectile à la bouche, on obtenait une arme théoriquement totalement muette.
Le chef d'escouade se cala dans l'angle droit de la pièce, collé contre la porte. En face de lui se tenait son artificier tout autant paré à un assaut. Juste derrière ce dernier se tenait le médecin de l'escouade, arme en main. Enfin, au milieu de la minuscule salle, l'experte en sécurité se tenait prête à actionner l'ouverture de la porte.
« Maintenant ! »
L'ordre du chef, relayé dans les casques de ses hommes, fut exécuté à la vitesse de l'éclair. La porte s'ouvrit avec une certaine lenteur mais à peine avait-elle atteint le tiers de sa course que le chef d'escouade et son artificier avaient roulé en-dessous. Ils trouvèrent face à eux deux gardes en faction qui, trop surpris, n'eurent que le temps de vaguement pointer leurs armes dans la direction des intrus avant de succomber à des tirs extrêmement bien placés. La porte finissait tout juste de s'ouvrir lorsque les deux cadavres touchèrent le sol. Un rapide examen des lieux apprit à l'escouade qu'il n'y avait personne d'autre qu'eux dans le secteur.
« Planquez-moi ces deux corps à l'extérieur. » Tout en donnant cet ordre, le leader du groupe poursuivit son rapide examen de la zone. Ses hommes avaient déjà attrapé les cadavres et les amenaient vers le sas. Il ne leur fallut pas longtemps pour que les corps sans vie se retrouvent hors du complexe, sous un vent sulfuré et glacial. Une fois la tâche accomplie, l'escouade se retrouva seule à l'entrée d'un complexe qui paraissait dénué de vie. Les grands couloirs vides qui s’étendaient de part et d’autre de l’entrée suffisaient à prouver que les activités extérieures n’étaient pas très fréquentes.
« Voilà. Les corps sont planqués. Le spécialiste en explosifs se frottait les mains, projetant de la poussière jaune un peu partout. Et si quelqu'un arrive à retrouver deux cadavres en plein milieu de cette purée de pois, je veux bien me tirer une balle dans la couille droite.
- Chef, maintenant que les corps sont cachés, qu'est-ce qu'on fait ? »
La question du médecin résumait assez bien l’ensemble des pensées de l’escouade. Pénétrer dans le bâtiment était déjà une bonne chose en soi, surtout sans que l’alarme ne soit déclenchée ; il leur fallait maintenant trouver ce pour quoi ils étaient là.
« On va se diriger vers le truc qu’on a vu tout à l’heure. Je suis prêt à parier que ce sont les cellules et qu’on y trouvera les prisonniers. »
Le groupe se mit alors à progresser prudemment dans les couloirs, étudiant patiemment son environnement afin d'y déceler d'éventuels systèmes de sécurité. Le complexe semblait étrangement vide : en une vingtaine de minutes, ils n'avaient aperçu qu'une seule patrouille seulement constituée de six gardes. Les murs, sols et plafonds, d'un blanc impeccable, étaient éclairés par une lumière blafarde qui projetait des ombres fantomatiques sur le sol. Le tout créait une ambiance oppressante qui parvenait à mettre mal à l'aise même des soldats d'élite. Alors qu'ils passaient un nouveau croisement, qui semblait lui aussi désespérément vide lui aussi, Khilak ne put réprimer une question :
« Chef... D'après vous, qu'est-ce qui peut pousser les Léanths à venir construire un complexe sur une planète auss... L'experte en sécurité toussota, et l'homme reprit avec lassitude : Enfin, une lune aussi pourrie ? Tout ça pour y détenir quelques émissaires, Et le tout visiblement gardé par une poignée de guignols.
- T'emballe pas, lui répondit son supérieur, oublie pas que leur flotte est en train de se faire maraver là-haut. Je pense qu'ils doivent être vaguement préoccupés et que c'est pour ça qu'on n'en croise pas beaucoup. Tant qu'ils ne se doutent pas qu'on est là, on a un sacré avantage. Ils sont occupés ailleurs, et c'est bien mieux pour nos miches.
- Ouais, approuva la spécialiste, à leur place j'aurais les miquettes. Leur flotte a déjà perdu, et ils le savent. Et ils doivent supposer qu'on ne va pas tarder à venir récupérer les diplomates. En plus... Elle s'interrompit en plein milieu de sa phrase pour lâcher un juron de circonstance avant de reprendre : Une patrouille, au croisement, sur la droite. Six... Sept... Huit hostiles.
- Confirmé, répliqua son supérieur. On avance, discrètement, pendant qu'ils nous tournent le dos. »
En effet, la patrouille en question s'éloignait de l'escouade. Cette dernière put surprendre quelques phrases qui semblaient corroborer la thèse du chef : ils parlaient de la bataille qui tournait très nettement en leur défaveur et de leur inquiétude quant à l'arrivée prochaine de l'infanterie dans leur complexe. Ils disparurent au détour d'un couloir tandis que le groupe de soldats obscurcis poursuivait son chemin. Au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de l'emplacement supposé des prisons, on trouvait de plus en plus de caisses disposées de part et d'autre du couloir - qui s'élargissait d'ailleurs - dans un arrangement assez aléatoire. Le travail de rangement paraissait avoir été fait rapidement et sans grand soin, probablement dans une certaine précipitation. Une caisse de ce qui ressemblait à de la nourriture déshydratée était même ouverte et son contenu jonchait le sol.
« J'aime pas ça. Le chef d'escouade semblait assez soucieux. C'est pas normal. Ça fait carrément aire de chargement.
- On va pas tarder à le savoir, chef, ça devrait être par là.
- Je sais que ça devrait être par-là, Ohliel. C'est bien ça qui m'inquiète. C'est pas franchement comme ça que j'imaginais des geôles Léanths.
- Regardez à gauche : "Hangar", nota l'artificier. Chef, j'ai l'impression que vous avez perdu votre pari.
- Merde, répondit ce dernier avec dépit. Va falloir trouver autre chose. »
L'escouade se posa quelques instants, tentant de se mettre à couvert derrière les marchandises qui occupaient le couloir. Tandis que ses hommes surveillaient le périmètre, le leader réfléchissait à la situation, tentant de choisir la meilleure option parmi toutes celles qui se présentaient à eux. Finalement, il déclara, après un peu plus d'une minute de réflexion :
« Bon... La meilleure option, c'est encore d'essayer de trouver la salle de sécurité. Déjà, on n'aura plus à trop se préoccuper des caméras si on les désactive, et ensuite, on trouvera sûrement un ou deux gardes qu'on pourra interroger.
- Si je peux me permettre, chef, le coupa le spécialiste en explosifs, la dernière fois que vous nous avez dit qu'on trouverait "sûrement" ce qu'on voulait, ça s'est mal passé.
- Ouais, ça me dit quelque chose, reprit l'experte en sécurité, mais c'était quand, déjà... Ah oui. À l'instant.
- C'est pas facile tous les jours avec vous. Le chef paraissait maintenant tout ce qu'on pouvait faire de plus blasé. Au lieu de raconter n'importe quoi, on y va. Ohliel, puisque t'as l'air de bonne humeur, tu passes devant. »
Le groupe se remit en mouvement encore une fois, avec un nouvel objectif : trouver la salle de sécurité ennemie. La supposition la plus évidente consistait à partir du principe qu’une telle pièce devait se trouver assez proche du centre de la structure, aussi convenait-il de changer radicalement de direction. L’extérieur étant à leur droite, ils prirent à gauche au dernier croisement qu'ils avaient emprunté, celui auquel ils avaient aperçu la dernière patrouille, se dirigeant donc dans la même direction que ladite patrouille. Ils finirent d'ailleurs par rattraper cette dernière — ou, une autre patrouille du même nombre d'effectif — et entreprirent de la suivre, avec une extrême prudence.
Il fallut presque une demi-heure, et courir le risque de se faire repérer lorsque la patrouille croisa un groupe de techniciens, pour que la chance leur sourisse. La patrouille disparut du champ de vision de l'escouade alors qu'elle entrait dans une pièce. Tout en s'approchant de l'entrée — dont les portes s'étaient refermées — avec précaution, la spécialiste en sécurité prépara la caméra filin. L'activation de cette dernière permit aux quatre soldats obscurcis d'avoir un aperçu de la salle. La patrouille qu'ils avaient suivi jusqu'alors s'étaient placée aux côtés des soldats et personnels déjà présents. Ils semblaient suivre avec attention divers écrans qui, selon le chef d'escouade, diffusaient des images de la bataille qui se déroulait en orbite.
« On va tous y passer ! » s'écria l'un des hommes présents, dont l'absence d'armure semblait indiquer un rôle plus civil. « Ils en ont encore descendu un autre !
- Commencez pas à vous exciter, répondit une des membres de la patrouille qui venait de les rejoindre, ils ne feront rien tant qu'on tient les émissaires en otage. Et s'ils tentent quoi que ce soit, on n'a qu'à en buter un ou deux, ça les calmera. »
Le son de la caméra s'atténua tandis que le chef d'escouade prenait la parole :
« Ohliel, tu peux ouvrir la porte ?
- Il suffit d'appuyer sur un bouton. Ça devrait être dans mes cordes.
- Parfait, répondit son supérieur. Quinze hostiles. Ohliel, Khilak, vous prenez la droite. Pour ce qui est des soldats : visez pour tuer. Évitez de tuer les autres si possibles. »
Les commandos se mirent en position, deux de chaque côté de la porte, leurs armes prêtes et toujours réglées sur le mode silencieux. La spécialiste pressa le bouton d'ouverture. Le temps sembla soudain s'allonger, comme si l'action se déroulait au ralenti. Trois des gardes ennemis se retournèrent, souhaitant découvrir l'identité des nouveaux venus. Ils eurent à peine le temps de comprendre ce qui leur arrivait. Une rafale de trois balles cueillit le premier en plein torse, le tuant sur le coup. Le second n'eut pas beaucoup plus de chance : une balle traversa son crâne de part en part, projetant un fluide visqueux sur la console et le technicien situés derrière lui. Quant au troisième, mû par ses réflexes, il s'élança sur le côté, tentant de se mettre à couvert derrière un terminal. Sa tentative fut avortée par une nouvelle salve de balles qui lui déchira mortellement l'abdomen sans toutefois le tuer, le laissant agoniser tandis qu'il se vidait de son sang, son arme tombée à terre.
Sur les douze personnes restantes, on comptait huit soldats et quatre personnels civils. Ces derniers s'étaient jetés au sol dès qu'ils comprirent ce qui arrivait. Quant aux militaires, ils avaient tenté de rejoindre une position plus facilement défendable. Deux d'entre eux avaient été abattus durant leur trajet jusqu'à une console proche derrière laquelle ils comptaient s'abriter. Le reste des forces armées Léanths était parvenu à se mettre tant bien que mal à couvert et avait entrepris de riposter avec véhémence. Leur armement plasma avait commencé à cracher une multitude de petits projectiles bleus et mortellement chauds, qui explosaient en petites gouttelettes brûlantes au moindre impact.
Les soldats obscurcis, qui s'étaient engouffrés dans la pièce, furent forcés d'avorter leur tentative de prendre plus de terrain, et d'imiter leurs ennemis en se cachant derrière les différents terminaux de la pièce. La spécialiste en sécurité profita du très court répit que son couvert lui offrait pour activer un brouilleur, empêchant les défenseurs d'alerter des renforts. Le reste de son escouade s'efforçait de ne pas perdre l'échange de feu, ce qui consistait principalement à arroser les positions ennemies dans le but de les empêcher de manœuvrer et de riposter. La tâche ne s'annonçait d'ailleurs pas des plus simples : contrairement à l'armement plasma utilisé par les forces Léanths, l'armement balistique nécessitait de grandes quantités de munitions pour fonctionner, il était donc mal avisé d'user du tir de suppression à tout va, au risque de se retrouver à court de projectiles.
Le chef d'escouade jeta rapidement un œil par-dessus son abri, évitant de justesse un projectile de plasma qui s'écrasa mollement contre la carcasse métallique du terminal, creusant un trou de la taille du poing dans ce dernier.
« Ohliel, avec moi, on les arrose ! Khilak, contournement à droite, Keltek, contournement gauche ! À mon ordre... 3... 2... 1... Maintenant ! »
Il se leva d'un coup, imité par Ohliel et tous deux ouvrirent le feu sur la position occupée par l'ennemi. La plupart d'entre eux s'étaient remis à couvert en voyant les deux soldats Obscurcis tirer, mais pas tous. Le dernier soldat ennemi à découvert ouvrit le feu à son tour, visant la spécialiste. Cette dernière reçut un tir de plasma en pleine épaule, ce qui arracha une bonne partie du revêtement renforcé de son armure en plus de brûler profondément la chair située en dessous. Elle ne put retenir un cri de douleur que seuls ses coéquipiers purent entendre, retransmis par l'émetteur courte portée. Le fantassin Léanth n'eut cependant pas l'occasion de tirer à nouveau : une balle venait de lui transpercer la mâchoire supérieure, le tuant sur le coup.
Pendant que le chef d'escouade continuait à tirer ses hommes profitaient d'un répit tout relatif pour avancer de couvert en couvert, jusqu'à se retrouver sur les flancs de l'ennemi. D'ici, ils avaient une ligne de mire plus dégagée sur l'ennemi et purent commencer à ouvrir le feu sur les soldats Léanths. Ces derniers, dans une tentative désespérée, avaient ouvert le feu à tout va, ce qui les exposa plus que de raison. Cette erreur leur fut fatale : leur abri ne les protégeait plus efficacement, ce qui en fit une cible facile pour le chef de l'escouade Obscurcie qui put aligner trois tirs à la tête en moins de cinq secondes. Les casques Léanths, malgré leur apparence solide, n'étaient pas capable de résister à une balle tirée à moins de dix mètre. Les deux derniers ennemis restants furent éliminés par le médecin et l'artificier de l'escouade qui purent envoyer plusieurs salves dans leurs torses, transperçant leurs amures et la chair qui se trouvait derrière.
« Zone sécurisée. » La voix du chef résonna une fois encore à travers les casques de l'escouade.
« Khilak, Keltek, attachez les prisonniers. Ohliel, comment va ton épaule ?
- Ça va aller, chef. Rien d'insurmontable.
- Tant mieux. Tu t'occupes de la console, voir si tu trouves quelque chose d'intéressant. »
La spécialiste s'avança jusqu'au terminal et balaya la substance rouge gélatineuse qui en maculait le clavier d'un revers de main. Elle regarda quelques instants l'écran qui, comme l'avait supposé son supérieur, retransmettait des images de la bataille en orbite puis lâcha :
« Ah ouais. Ils se font vraiment péter la gueule, en fait.
- Comment ça se passe, pour nous ? Lui demanda l'expert en explosifs, qui jetait lui aussi un œil à l'écran, curieux.
- Je dirais que ça va bientôt être fini. Il ne leur reste que deux vaisseaux amiraux, dont un en sale état. Une poignée de croiseurs et de chasseurs. Et notre flotte avance pour le coup de grâce.
- C'est plutôt bon ça, répondit son supérieur avec un sourire qui n'était pas visible à travers la visière. Mais si on veut que les choses continuent à bien se passer, va falloir trouver où sont les émissaires.
- J'y travaille, chef. Mais ça risque de prendre un peu de temps étant donné qu'on a désintégré la moitié des terminaux de la salle. » lui indiqua la spécialiste tandis que l'écran tremblotant se mettait maintenant à afficher des plans.
Tandis que l'interface dévoilait les détails des différentes pièces du complexe, le reste de l'escouade examinait les lieux, en vue d'éviter de se faire prendre par surprise de la même façon que les soldats Léanths maintenant neutralisés. Comme l'avait précisé la spécialiste, les terminaux n'avaient que peu apprécié les échanges de tirs. Certains d'entre eux étaient marqués de plaies profondes qui permettaient d'entrevoir leurs entrailles de composants électroniques fondus. La console centrale semblait avoir miraculeusement échappé aux tirs de plasma, et les quelques balles qui l'avaient traversée n'avaient visiblement pas touché de composant essentiel. Le reste de la pièce ne valait pas bien mieux : d'un côté, le mur — celui opposé au point d'entrée de l'escouade Obscurcie — était parsemé d'impacts de balles. Celui d'en face, quant à lui, comportait de nombreux cratères de métal fondu, Fort heureusement, son épaisseur avait empêché aux tirs de le traverser complètement, ce qui aurait été très problématique. Enfin, au cœur de la salle, gisaient les corps des soldats Léanths, baignant dans une mare de sang. Sur une injonction du chef d'escouade, ceux-ci furent entassés dans un coin de la pièce, derrière un terminal.
Une fois les corps vaguement dissimulés, les hommes adoptèrent une position défensive au sein de la pièce. Le médecin se mit à couvert derrière un ensemble de terminaux, de façon à pouvoir couvrir l'entrée par laquelle ils étaient arrivés, et le spécialiste en explosifs fit de même en face de l'autre accès. Le chef, lui, rejoignit l'experte en sécurité et observa quelques instants l'écran avant de demander :
« Alors, où est-ce que ça en est ?
- J'ai trouvé un premier complexe de détention. Enfin, complexe c'est un grand mot pour trois pauvres cellules. Je vérifie juste s'il y en a d'autres.
- Parfait, jubila son supérieur, et tu peux voir la liste des prisonniers, ou quelque chose du genre ?
- J'y travaille. Mais, chef, il me semble que vous aviez parlé de capturer des prisonniers pour des informations. Maintenant qu'on en a, contre toute attente, ça pourrait être intéressant de leur poser la question.
- C'était prévu, ne t'en fais pas. »