La danse des canons

Une déclaration de guerre ? Une bataille épique à raconter ? Venez ici !
Sam Nov 07, 2015 4:51 am

  • Butor attendait. Les cinquante dernières années TSU l’avaient doté d’une patience à toute épreuve. L’enfant-impératrice n’était pas d’un naturel ponctuel, surtout quand il s’agissait d’une réunion. Autour de la table, une dizaine de dignitaires en provenance des mondes sous domination du Comptoir discutaient pour passer le temps. La grande majorité n’était pas d’accord avec la politique actuelle de l’empire. En effet, Espen avait entrepris de purifier l’univers d’un bon nombre de ses tares. Et cette entreprise commençait à peser sur les finances des fortunés.
    Espen arriva dans la pièce sans même remarquer qu’on n’attendait plus qu’elle. La presque femme détestait ce genre de réunion. Il fallait attendre et écouter parler d’ignobles tas de graisses bouffis par l’argent et le pouvoir, quand ils n’étaient pas pervertis par une multitude de vices. Elle traversa l’espace qui la séparait de sa place avec sa grâce habituelle. Puis elle prit place et attendit que Butor lance la séance.
    D’un regard, elle embrassa l’assemblée. Dolem Selma était le plus proche d’elle. Malgré son gout prononcé pour l’alcool et les jeunes enfants, Espen pouvait le considérer comme un allié de poids. Son groupe industriel produisait plus de soixante-cinq pourcent des armements du Comptoir.
    A sa gauche, deux visages inconnus qui n’avaient cessé de parler à voix basse depuis qu’elle était arrivée. Elle aurait pu se concentrer pour les écouter, mais elle n’en voyait pas l’utilité. Quand son regard se posa sur eux, ils se redressèrent et se turent. Le premier avait un visage fin et un corps élancé tandis que le second était petit et en surpoids. L’espace d’un instant, elle perçut une profonde haine dans le regard de ce dernier.
    Venait ensuite Yelena Sokov, la seule femme de l’assemblée. Cette dernière avait les traits d’une fille de joie sur le déclin. Et si Espen s’était intéressée à elle, Butor lui aurait appris qu’elle en avait été une avant de changer complètement d’univers grâce à un heureux coup du sort, et un coup de dague bien placé. Elle avait actuellement la charge d’Erh Egor, la planète la plus proche d’Elenia, la Jade d’Espen et monde central du Comptoir. Mais outre sa proximité, c’était aussi la planète qui formait le gros des troupes. Une bonne partie des troupes conventionnelles et l’intégralité des purificateurs et des escouades de choc avaient subi l’enfer dans les camps d’entrainements en milieu hostile.
    De l’autre côté de la table, elle reconnut trois des cinq premières fortunes de l’empire. Ils étaient riches et aimaient le faire savoir. Ils possédaient plus d’atours qu’un paon en rut.
    Et pour finir, Butor se tenait à sa droite. Son premier général était revenu de la Station Diplomatique Centrale il y a peu. Et il avait à nouveau la gestion administrative de l’empire. Celui-ci se releva.
    Bienvenue à tous. Le Second Conseil des Doléances peut commencer. Il marqua une courte pause et se tourna vers Espen. Avez-vous quelque chose à préciser avant le début de la séance ? L’intéressée fit tourner sa main, signe caractéristique de son impatience. Qui désire prendre la parole le premier ?
    Yelena se leva. L’état actuel de l’empire lui convenait parfaitement. Elle avait réussi à passer du trottoir à un palais fortifié. Et mieux encore, les guerres de purification la rendaient de plus en plus puissante au fil des années. Mais il fallait se plaindre, aussi elle trouva à redire sur la nourriture. Il fallait au moins trois fois plus de nourriture à partir du prochain mois TSU pour s’assurer que la natalité d’Erh Egor ne baisse pas.
    Puis un des nantis se leva dans un cliquetis de pierres précieuses. Il était l’archétype même de ce que haïssait Espen. Un homme vieux, gras et imbu de sa personne. Tout son être transpirait la suffisance.
    Je vais être direct. Votre politique militaire est une idiotie. Vos dépenses, couteuses et sans réelles nécessités vont tous nous mettre sur la paille. Il s’arreta, comme frappé par sa propre remarque. Enfin, presque tous. Il lança un regard insistant à Dolem Selma, attrapa un mouchoir en tissu entre ses doigts gourds et s’épongea le front. Puis il se rassit.
    L’homme fin et élancé se leva à son tour. Butor le présenta comme Elis Fiur, le plus grand armateur civil de l’empire. Il attendit quelques secondes pour capter l’attention de tout le monde. Puis il commença à parler de sa voix haut perchée
    Je ne suis pas totalement d’accord avec ce qui a été dit. En effet, la politique agressive que nous appliquons n’est pas pour me ravir, elle me prive de nombreux clients potentiels. Mais outre le fait de perdre de l’argent, c’est l’image que nous renvoyons qui m’inquiète. Nous risquons de nous attirer de nombreux ennemis, dont certains parmi les plus puissants du cadran. Comme pour appuyer son propos, il appuya sur la commande holographique. L’holo-video s’enclencha. Dois-je vous rappeler que certains neo-feodaux n’ont particulièrement pas aimé la purification ? Puis son compère se leva sans suivre le protocole, lui coupant la parole. Le commerce s’en ressent fortement. Nos fournisseurs extérieurs ne nous font plus confiance. Tout commerce avec les Domaines Ducaux est impossible. Et les Adréans sont de plus en plus réticents. Ils n’osent même plus s’approcher de nos mondes ! Sans approvisionnement, nous risquons de manquer de certains composants essentiels que nous ne produisons pas. Et je ne parle pas des produits de luxe comme la joaillerie. Puis il se rassit, essoufflé comme s’il avait couru des heures.
    Espen en avait assez. Etre obligée de participer à ce genre de réunion était en soit une torture. Mais celle-ci avait atteint la palme de l’ennui. Mais elle attendit la fin de la tirade avant de couper court à la séance.
    Vous semblez ne pas comprendre. Je dirige le Comptoir qui porte mon nom. J’ai fait votre richesse. Sans moi, vous en seriez encore à lécher les bottes de mon père. Estimez-vous heureux que je vous ai permis de vivre jusqu’à ce jour et faites en sorte de ne pas me donner une raison de regretter ce choix. Elle se tourna vers Edton, elle venait de se rappeler son nom. Vous vous plaignez de perdre de l’argent ? Mais expliquez-moi comment vous comptez dépenser les sommes considérables qui dorment sur vos innombrables comptes. Vous avez amassés des richesses sur le dos du Comptoir, tous autant que vous êtes. Et vous n’apportez rien en retour. La plupart de vos compagnies pourraient tourner sans votre présence. Alors oui, j’ai décidé de vous ponctionner pour financer la guerre. Enfin, elle se tourna vers la droite, son visage devint encore plus enfantin. Ohlàlà ! Petit gros pleure. Bientôt, il ne pourra plus se goinfrer de pâte d’amande raguséenne. Que c’est triste. Puis en l’espace d’un instant, ses traits changèrent, la faisant paraitre bien plus agée.
    L’homme se leva d’un bond, faisant tomber sa chaise. Mais vous êtes folle ! Vous allez tous nous ruiner, ou pire ! Jamais ma compagnie ne vous suivra. Avant qu’il n’ait pu continuer, l’impératrice sauta par-dessus la table. Sa pirouette était digne d’une danse exotique. Dans un sursaut de surprise, l’obese se vida son sang, la carotide tranchée. Il porta les mains à sa gorge et s’écroula dans un gargouillis. Espen était toujours débout sur la table, son habituelle robe de mousseline blanche striée d’une giclée de sang. Elle avait toujours le couteau dans la main. N’oubliez pas à qui vous parlez. Elle descendit de la table avec une nouvelle acrobatie. Elle planta la lame dans le corps sans vie et se retourna vers l’assemblée. Si les néo-féodaux tentent de se rebeller, nous les écraserons. Si les corporatistes tentent de nous placer sous embargo, nous irons nous servir à la source. C’est aussi simple que ça. Maintenant, cessez vos jérémiades. Nous avons du travail.. Mais déjà, la presque femme sortait de la pièce.

    Le centre de contrôle débordait d’activité. Depuis trois années TSU, le Comptoir s’était lancé dans une purification du Dominion. Des dizaines de flottes sillonnaient les territoires pour traquer et éliminer les faibles. Les défenses, en général misérables étaient balayées en quelques jours. Puis douzes divisions du corps de purification débarquaient et prenaient le contrôle du monde. Une fois la loi martiale déclarée, la population était soumise à des tests. Ceux qui échouaient étaient purement et simplement exécutés. Ceux qui passaient les tests devaient en général 5 années TSU de travail au Comptoir avant d’être libérés de toute obligation. L’amiral Jerel Kimo avait été prévenu à de nombreuses reprises. Cependant, jusqu’à présent, les hautes instances Zetrannes ne s’étaient pas opposées à cette purge. En parallèle, des flottilles d’attaque rapide traversèrent la nouvelle porte spatiale du Jade d’Espen en direction des territoires corporatistes. Avec une facilité déconcertante et un très faible nombre de victimes dans les deux camps, les troupes du Comptoir pillaient les possessions Adréanes. D’immenses quantités de matières premières, mais aussi des vivres, du matériel médical et des composants de base furent volées aux mondes commerçants des banquiers Adréans.
    Soudain, un rapport de catégorie un arriva. Des espions en territoire feodal avait repéré une faille dans la sécurité de Nigrum Terrae, le monde capitale du duc AtraLumen. Espen était en pleine valse. L’homme en face d’elle, un épéiste de renom avait une entaille au niveau du front. La lame dans sa main était sure même si le sang commençait à brouiller sa vision. Sachant qu’il n’aurait pas encore beaucoup d’occasion, il chargea en direction de l’impératrice. Sa botte secrète ne lui avait jamais fait défaut. Mais l’infante pivota, évitant la pointe de justesse et assomma l’homme d’un coup de garde. Avec sa moue enfantine, elle fit signe au planton de s’approcher. Celui-ci obéit et tendit le rapport en restant à bonne distance. Le dernier à avoir dérangé inutilement l’impératrice pendant l’une de ses danses avait fini par danser avec elle. En quelques secondes, elle avait parcouru le compte-rendu. Et c’est au pas de course qu’elle rejoint le véhicule qui la conduisit à l’entrée de son bureau.
    C’est inadmissible ! Vous m’aviez promis dix-huit divisions d’infanterie, six divisions de blindés et plus de cinq cent nouvelles troupes de choc ! Espen fulminait contre Yelena Sokov. Elle s’attendait à recevoir des troupes nombreuses et entrainées. Mais au lieu de ça, elle se retrouvait avec des contingents sachant à peine tenir un fusil laser. Malheureusement, elle devrait s’en contenter, le reste des troupes étant occupé par l’épuration du Dominion. La presque femme lâcha un juron et coupa la communication. Il avait fallu presque un mois TSU pour faire revenir des forces en nombre suffisant. Les adeptes du Zeptium avaient envoyé trois escadrilles de bombardiers orbitaux et plus de deux cents bombardiers escorteurs. Mais le fleuron de l’industrie de guerre zetranne, le Semeur de Peste allait entamer son premier combat en dehors des terres du Dominion.
    Faisant fi de la chaine de commandement, Espen se mit aux commandes du mastodonte d’un kilomètre de long. Pendant le trajet, elle put admirer ses batteries. La proue n’était en fait d’un immense canon cinétique. Un projectile de deux tonnes de titane était accéléré à une vitesse proche de celle de la lumière grâce à un canon à accélération magnétique. A babord, la bordée composée de quatre-vingt-douze tourelles à plasma et deux cents soixante-quatorze lanceur de missile longue portée disposées en quinconce. A tribord, quatre ponts d’envol permettaient de décharger à grande vitesse les quelques six mille chasseurs d’escorte. Pour parfaire le tout, cent dix-sept canons laser à très haute cadence et contrôlés par un ordinateur quantique dernière génération, disposés tout autour du vaisseau amiral assurait une défense effective contre les chasseurs. Une fois en place, l’infante activa le canal de communication général. Sa silhouette apparue dans l’ensemble des vaisseaux à toutes les personnes présente, du simple matelot au contre-amiral décoré.
    Aujourd’hui, nous partons en direction des Domaines Ducaux. Grâce à la porte spatiale, nous atteindrons notre cible instantanément. Que tout le monde se tienne prêt pour le combat. Visez juste et frappez fort. Puis elle se concentra sur la carte tactique qui s’affichait devant elle. Un contre-amiral dont elle ignorait le nom lui présentait les différents points faibles de la défense ennemie. Le duc avait dépouillé sa capitale des vaisseaux qui devaient la garder. Et c’était là son erreur. Rapidement, elle entra la stratégie dans le système de combat. L’ensemble des vaisseaux reçu les ordres qui lui étaient destinés. Espen enviait les pilotes de chasseurs. Elle s’imaginait déjà aux commandes d’un Raïnyr à pilonner les vaisseaux ennemis. Mais elle savait qu’elle ne pourrait jamais en piloter un en situation de combat. C’était bien trop risqué. Deux milles bâtiments, de tout tonnage ainsi que leur escorte de chasseur se dirigèrent vers le halo bleuté de la porte spatiale. En queue de formation, un Moissonneur Rouge, les nouveaux cargos lourds du Comptoir transportait deux bombes expérimentales.

    La formation ordonné d’un côté de la porte se transforma en chaos de l’autre côté. Les croiseurs torpilleurs, aillant la plus grande portée et le blindage le plus résistant passèrent les premiers. Le contingent de défense, composé de quatre croiseurs d’interception n’eut même pas le temps de tirer. Un vaisseau diplomatique tenta de fuir, mais il explosa quand le vaisseau amiral du Comptoir traversa. Pendant ce temps, les bombardiers orbitaux crachèrent leur obus à plasma, perçant les couches de métal et carbonisant les défenseurs tandis que les bombardiers escorteurs pilonnaient à l’aide de missiles cinétiques et de canons à accélération magnétique. Ce qui devait être une bataille titanesque ne le fut pas, la résistance étant bien moins importante que ce que les espions laissaient entendre. Autour d’eux, les chasseurs quadrillaient l’espace, traquant la moindre capsule de survie ou navette orbitale.
    Quand le dernier canon orbital de la planète s’est tu, les bombes à photopiles furent envoyées sur les technocités. Leurs occupants n’eurent pas le temps d’évacuer. La première bombe n’explosa pas. Mais la seconde fut largement suffisante. Et vingt-cinq superstructures explosèrent dans un éclat bleuté. L’onde électromagnétique désactiva pendant une bonne minute tous les systèmes électroniques du croiseur d’Espen. Puis quand ils se réactivèrent, elle pu voir le système de régulation d’énergie de la porte spatiale exploser, puis la porte elle-même se disloquer, privant la planète d’hypothétiques renforts.

    Les barges de débarquement fonçaient vers le sol. Ces engins n’étaient pas conçus pour voler. Ils pénétraient dans l’atmosphère à vitesse maximale. Des plaques de protection en céramique fondaient pendant qu’un système de refroidissement maintenait les cellules de cryo-stase à une température supportable. A quelques kilomètres du sol, une rétrofusée s’activait, freinant le module. Puis juste avant l’impact, les cellules étaient projetées puis descendaient via un parachute. L’ouverture de la cellule garantissait un réveil rapide du soldat et lui permettait de tirer avant même d’avoir touché le sol. Le bombardement avait duré trois jours TSU. Cependant, quand les contingents arrivèrent, ils se heurtèrent à une résistance féroce de la part des troupes ducales, retranchées sous la surface. Confiante de la victoire, les jeunes recrues ont péchés par orgueil. Les officiers ne furent pas à la hauteur pour combattre une telle résistance. Les rares survivants ont décrit les boyaux fortifiés comme des pièges à rats. Les troupes réussissaient à en capturer un. Puis l’ennemi arrivait par un chemin dérobé et les prenait à revers. Depuis l’orbite, Espen pesta. Elle aurait aimé danser avec le duc. Mais elle aurait d’autres occasions de valser avec lui. Elle sonna la retraite, rester au milieu des Domaines Ducaux pouvait etre dangereux, les Hauts Duchés disposant de forces importantes. L’armada quitta l’orbite du monde devasté, les soutes pleines et rejoint un avant-poste sous le contrôle de Zede
    Viens donc danser,
    La valse des couteaux,
    La valse des canons!
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