La situation était d'autant plus préoccupante que l'Ordre avait lui-même fortement augmenté ses capacités de projection militaire ces dernières années, en marge de tous les programmes impériaux. En tout état de cause, lorsque les gardes frontières de la Citadelle s'écartèrent pour laisser la flotte Organienne prendre position au milieu des systèmes clefs des amaranths , et que les glorieux généraux de l'Ordre placèrent leurs propres vaisseaux sous le commandement Melrehn, Horace IV fut évacué de la capitale face au risque évident de coup d'état.
En vérité, la suspicion impériale était vaine. La flotte ainsi amassée, dont il était désormais quasi impossible d'appréhender l'ampleur, se dirigeait vers un autre trésor Amaranth : la première et unique grande porte assemblée par des puissances Aelronites. Un trésor que les forces liguées de l'Echine et de l'Ordre traversèrent sans encombre pour se retrouver en Varden.
Le système Alemkem avait connu bien des transformations depuis que les Cetyns y avait établi leur forteresse en Aelron. Son trou noir central avait commencé à émettre de légères « pulsations » depuis que plus de 10 000 photopiles avaient été déversées en son sein ; alors que sa masse avait été modifiée par l'injection de plusieurs terras de métal à travers l'horizon des événements. Comme si la situation ne suffisait pas, les nations d'Aelron avaient donné naissance à huit étoiles jaunes, riches en satellites, à proximité pour tenter de stabiliser le système solaire.
Au milieu de ce chaos physique où la navigation était rendue extrêmement dangereuse par la présence de tant de corps célestes et par la confrontation de nombreux champs gravitationnels, les Cetyns et les Aelronites se livraient une guerre sans merci. La Forteresse des Cetyns déversait continuellement des flots de matériel pour tenter d'exploiter le système, et les batailles faisaient rage en orbite des différents corps célestes alors que les Aelronites dépêchaient sur place des groupes groupes d'intervention rapide depuis les nombreux avant-postes qu'ils avaient érigé dans la région.
De nombreuses informations avaient ainsi pu être collectées, et bien que cette guerre soit ruineuse pour les Cetyns il apparaissait désormais évident que même si leurs opérations avaient été considérablement ralenties, au point d'atteindre un point de quasi-stagnation, les Celestus qu'ils cherchaient à générer finiraient par voir le jour si rien n'était fait. Les grandes puissances de l'Echine de Fer et de l'Ordre de la Citadelle Amaranth s'étaient donc entretenues dans le plus grand secret.
D'après les estimations qui avaient été faites, l'Unitarian avait perdu au cours des dernières décennies une grande partie de la réserve de combattants cybernétiques qu'elle s'était constituée au cours des premières années d'invasion. De plus, les renforts acheminés depuis Dareyn avaient lentement décru pour finir par cesser purement et simplement. Les Aelronites soupçonnaient que la pénurie de main d'oeuvre ne ravageait pas seulement les rangs Cetyns en Aelden, mais également en Dareyn et peut-être même en Garen, dans le cadre de leur guerre contre le Conseil Effridryn. Le moment était donc idéal pour broyer les dernières volontés d'expansionnisme Cetyn et pour repousser le front en Dareyn. Si les forteresses tombaient, l'ennemi disposerait alors de trop peu de moyens encore fonctionnels en Aelden pour soumettre Aelron et Varden. Si le conflit se portait en Dareyn alors que celui-ci était plus vulnérable que jamais, l'Unitarian serait contrainte de se replier définitivement pour défendre son territoire et éviter d'être repoussée vers Gaternay sur deux fronts simultanés.
La chose était donc entendue : les Forteresses Cetyn devaient être rayées de la carte. Et puisque celle d'Aelron était déjà acculée, c'est en Varden que l'offensive serait portée.
L'invasion Cetyn en Varden virait à l'embourbement pour des raisons bien différentes de celles d'Aelron. L'Unitarian avait pu s'établir sans trop de résistance dans ce cadran, et y demeurait depuis dans une relative tranquillité. Cependant, la création d'un Celestus était rendue extrêmement lente par le peu de photopiles que les escadrons de pillage rapportaient. Le Space-General Hyrak Gladrum examinait les projections que lui avait transmis le Haut Commandement et avait réuni ses officiers pour décider des prochaines opérations. La situation de Varden était moins épineuse que celle d'Aelron et ils envisageaient de transférer quelques millions d'asservis vers la seconde Forteresse qui commençait, elle, à en manquer cruellement. Les débats portaient sur le quantum d'esclaves à transvaser et sur la trajectoire à leur faire emprunter, les Aelronites n'hésitant pas à s'engager dans des combats en plein vol hyperspatial. Leurs discussions furent cependant brutalement interrompues par le basculement général de leur base en état d'alerte maximale. Les holos-écrans virèrent au rouge tandis qu'ils affichaient l'arrivée prochaine d'une flotte de guerre non identifiée dans leur système solaire.
Impensable ! Les impures d'Aelron avaient réalisé l'impensable ! Leurs forces ridicules s'étaient unies et avaient quitté leur cadran d'origine pour venir les combattre ici, en Varden ! L'ampleur de leur folie était sans égale ! Il revenait à la civilisation Cetyn d'unifier Amatens dans la pureté et la gloire de leurs ancêtres. Il était impensable d'être défaits, impensable !
Le Space-Général avait pris position sur la passerelle de contrôle de la Forteresse. Leurs préparatifs étaient achevés, et leurs troupes fin prêtes. Leur position était défendue par un triangle composé aux extrémités des bases de conditionnement, assurant l'intégrité de la formation par leur imposante structure. Elles étaient enveloppées chacune, tout comme la forteresse, par deux sphères défensives composées de plates formes défensives à haute vélocité de tir, d'une grande portée. L'ensemble était couvert par un impressionnant corps de plus de 6 millions de chasseurs qui prendrait soin de combler les brèches faites dans les sphères défensives au cours de la bataille, et de traquer les unités légères passant sous la couverture orbitale de leurs bases pour menacer leurs installations via un bombardement au corps-à-corps.
Une position imprenable. Ces impures allaient voir toute l'étendue de la puissance de la race Cetyn ! Qu'ils viennent !
Les Impures étaient bien informés. Il avaient pris position à l'extrême limite de portée de leurs plates-formes défensives. Et voilà qu'ils se divisaient! Un groupe principal, parmi lequel se tenait l'immonde Orakor des Melrehns, leur faisait face tandis que deux autres partaient dans des directions opposées, vers leurs flancs, en longeant la ligne imaginaire au-delà de laquelle les plates-formes pourraient les réduire en charpie. Les vaisseaux Aeldenniens s'immobilisèrent. Les deux camps se firent face un moment. La charge fut sonnée dans le camp adverse.
Les cuirassés bondirent en avant, progressant à toute allure. A bord de plus de 9 millions de plates-formes défensives, d'avantage encore d'esclaves reçurent l'ordre de déverser sur eux toute la haine que les Cetyns portaient à ces races inférieures. L'espace fut momentanément saturé par un déluge de feu. Cependant , tirant partie du temps de progression des tirs, plusieurs dizaines de milliers de frégates surgirent pour enserrer les cuirassés adverses dans un carcan protecteur. Le carnage n'eut pas lieu : une importante partie des tirs cetyns furent contrés par les contre mesures ou les vaisseaux les plus légers des aelronites. Les plates-formes rechargèrent avec une rapidité remarquable. La seconde salve connu un résultat similaire à celui de la première. Et l'ennemi fonçait toujours à toute vitesse vers eux. Ils seraient bientôt, à leur tour, à sa portée.
Les cuirassés modifièrent légèrement leur angle d'approche.
Une flèche ! Les impures comptaient opérer une percée nette et franche dans leurs lignes ! Gladrum ne connaissaient que trop bien l'efficacité des vaisseaux lourds des aeldeniens, source de nombreuses défaites jusqu'à l'arrivée sur le champ de bataille de leurs trop rares Midareyn pour les contrer. Les civilisations de ces cadrans s’appuyaient beaucoup sur ces unités monstrueuses, bien différentes de celles des Effridryn. La flotte Cetyn était mal équipée pour les combattre. Il était hors de question de les laisser percer leurs lignes pour les pilonner !
Il donna l'ordre, et leurs chasseurs quittèrent leur position stationnaire pour aller à la rencontre des aelronites. La mêlée les empêcherait de progresser tandis que leurs plates-formes continueraient un bombardement général à distance.
Hélas, les impures avaient manifestement anticipé cette réaction. Sur les écrans, la masse compacte composée de leurs 6 millions de chasseurs fut brutalement éclipsée par celle de l'adversaire que leurs porte-nefs primitifs semblaient ne jamais vouloir cesser d'alimenter. Il était trop tard pour faire demi-tour. Les 6 millions de chasseurs Cetyns s'écrasèrent mollement contre la chasse aeldenienne, dont les effectifs se portaient à quelques 30 millions d'unités. La mêlée tourna court. Les cuirassés ennemis ralentirent à peine leur course.
Impuissants, les maîtres Cetyns avaient assisté à l'impact simultané des 3 formations Aeldenienne sur leurs bases de conditionnement. La disposition en sphère des plates-formes avait été désastreuse. Rapidement percé par les cuirassés ennemis, le dispositif défensif des Cetyns s'était écroulé alors que leurs plates-formes tentaient de faire volte-face. Bien peu en eurent le temps avant d'être ravagées par le déluge de feu ennemi.
Ainsi, lorsque les bases de conditionnement cédèrent sous ses yeux comme de vulgaires châteaux de cartes, Gladrum, qui ne doutait plus de sa réaffectation prochaine à la supervision de l'entretien des toilettes publiques de Gaternay, était déjà aux portes du délire paranoïaque.
La Forteresse était cernée. L'écho des bombardements se déchaînant furieusement à sa surface résonnait à travers toute sa structure et parvenait jusqu'à la passerelle de commandement. Les docks et quais d'embarquement avaient rapidement été détruits, éliminant la possibilité d'une fuite via les transporteurs de la base. Les Aeldeniens avaient ensuite méticuleusement pilonné les canons de la Forteresse, et balayé les postes de défense orbitale. Néanmoins, dans l'ensemble l'imposante structure tenait bon et l'ennemi ne parvenait pas à percer son épais blindage.
Gladrum écumait. « Et maintenant, qu'allez vous faire, pauvres dégénérés issus de Lanthaniens ?
Dayrnek ! Donnez l'ordre à vos asservis de se redéployer vers les docks ! Si ces abominations tentent de nous aborder, ce ne pourra être que par cette brèche ! »
Une demande de communication émana de l'un des cuirassés adverses. Gladrum fit signe à son subalterne de l'accepter.
L'holo-écran renvoya l'image d'une passerelle de commandement bien différente de la leur. Au centre de cette passerelle, sise dans un siège digne d'une impératrice, une femme les observait. Gladrum la connaissait. L'Oranor Organia, aussi appelée la Reine Noire, première puissance militaire d'Aelden, et de loin, depuis des siècles. Également Première Vertèbre de l'Echine de Fer, la dirigeante Melrehnne n'avait pas manqué d'infliger de lourdes pertes aux troupes de l'Unitarian depuis le début du conflit.
Gladrum se redressa et la toisa. Il se passa une main dans les cheveux et laissa échapper un rictus mauvais.
« Comptez-vous nous proposer des termes de reddition ? » Aucune réaction.
« Car Jamais l'Unitarian ne s'inclinera devant une sous-espèce telle que la vôtre. ».
« Je n'ai pas traversé l'anomalie d'Eope à la tête de la puissance liguée des Amaranths et des Melrehns pour vous proposer de vous rendre. »
« Quel est-donc l'objet de cette communication ? »
Organia promena son regard froid sur l'ensemble des Cetyns qui lui apparaissaient avant de revenir au Space-General.
« Observer le peuple qui a souhaité nous soumettre, avant de l'exterminer. Vous allez mourir. »
« Et comment ferez vous, pauvre folle ?! Les Cetyns sont passés maîtres dans la confection de blindages, cette Forteresse est imprenable et vos armements sont incapables d'en venir à bout ! » lâcha Gladrum dans un hoquet de rage.
« C'est ce que nous verrons. » répondit l'Oranor.
La flotte Melrehnno-Amaranth se retira rapidement. A une exception de taille près. L'Orakor avait quitté les arrières lignes qu'il avait précautionneusement occupé durant toute la bataille, et faisait maintenant face à la Forteresse.
Gladrum ne broncha pas. Le vaisseau capital des Melrehns avait certes été lourdement amélioré ces dernières années d'après leurs renseignement, de même que l'Amenari d'ailleurs. Les Oranors avaient particulièrement renforcé l’armement laser et plasma, un choix étrange pour ce peuple coutumier du cinétique. Malgré cela, le Space-General était certain que sa puissance de frappe était toujours insuffisante pour venir à bout de sa position. Il examina l'astronef. Sa proue avait été curieusement modifiée par rapport aux analyses qu'il avait lu à son sujet. En dehors de cet élément, le vaisseau était tel qu'il se l'était représenté. Une sinistre lueur pulsait à l’extrémité de ses canons.
Canons en surcharge critique. Ils vont tenter de nous éventrer en une salve unique. Se pourrait-il qu'ils y parviennent ? Non, impossible... D'autant plus à cette distance.
L'Orakor fit feu. On eu dit qu'une petite nova venait de prendre naissance au milieu des nombreux débris pour fondre sur le cœur de la Forteresse. Les vitres filtrèrent la tempête lumineuse se déversant à travers la passerelle tandis que la salve se maintenait. Une alarme sonna, indiquant des relevés inquiétants : la température de l'alliage extérieur augmentait rapidement. L'assistance, horrifiée, le vit changer de couleur et se dilater sous l'effet du déluge d'énergie qui se déversait contre lui. L’atmosphère surchauffa dans les compartiments proches du point d'impact. Huit cent mille asservis moururent incendiés. Gladrum sentit la morsure froide de la peur le prendre au ventre.
Impossible ! Impossible ! Impossible...
Soudain les canons de l'Orakor se turent. L'intensité de l'attaque avait lourdement malmené leur constitution. Ils ne seraient plus capables de faire feu sans d'importantes réparations.
C'est terminé ! Nous avons gagné !
Le Space-Général reporta son attention sur l'écran renvoyant toujours l'image de l'Oranor Organia.
« C'est tout ce que vous avez ? » tança t-il, triomphal.
Les réacteurs du vaisseau mère des Melrehns entrèrent à leur tour en action. Eux aussi avaient été drastiquement améliorés ces dernières années. L'astronef subit une poussée de plusieurs G et continua d'accélérer. Sa proue acérée s'orienta sinistrement vers la partie centrale de la Forteresse, toujours chauffée à blanc par le précédent assaut.
Mais qu'est ce que … ?
« Ne vous l'as t-on jamais appris Général ? Provoquer un Melrehn est une chose à ne surtout jamais faire. » répondit l'intéressée.
La réponse furibonde du Space-General Hyrak Gladrum se perdit dans la formidable explosion qui s’ensuivit. Pour ne rien laisser au hasard les Melrehns avaient rempli les soutes de l'Orakor de bombes à antimatière. L'onde de choc fut telle qu'elle ravagea la moitié du système solaire avant de disparaître dans le néant.