Praxis, 9 Pookahn(8) de l'an 19.150 TSU. Palais Impérial.
Cet immense jardin de nombreuses plantes et fleurs en provenance de tout l’Empire, doit son nom aux milliers de statues de marbre blanc, taillées en forme de glaives, qui sont réparties sur l’ensemble du domaine. Sur chacun de ces monuments sont gravés à même la pierre, les noms des soldats, héros, ou simples citoyens, s’étant illustrés durant leur vie à faire rayonner l’Empire ou l’ayant perdue à le défendre.
Certaines stèles pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres de hauteur, rappellent par leur imposante taille, les morts des batailles les plus sanglantes et viennent contraster l’éden luxuriant de vie s’étendant à leurs pieds.
Alors qu’il traversait le jardin pour se rendre au palais. Le Prince d’Anthéa se demandait bien comment un peuple avec une telle propension à la violence et une histoire aussi sanglante avait pu bâtir un lieu pareil. D’autant qu’habituellement et même culturellement, c’est plutôt le noir et la sobriété qui définissent l’architecture des mondes Melrehns.
Il mit un certain temps pour traverser le jardin, la cour, puis encore les très nombreux couloirs que comptait la résidence impériale, avant d’atteindre enfin le bureau personnel de son hôte, qui l’attendait.
- Astrakein, te voilà. Tu m’excusera pour cet accueil, mais ta demande pressante ne m’a pas laissé beaucoup de temps pour organiser ta venue ici convenablement.
- Oh il n’y a rien de mal à cela, tu sais très bien le crédit que j’accorde à ces pertes de temps protocolaires absurdes
- Ton message faisait état d’une demande urgente
- En effet, je suppose que le nom d’Irvin Seth t’est vaguement familier ?
- Le leader de la faction militariste à l’assemblée Melrehne. Un drôle d’oiseau fanatique un peu criard, rien de politiquement menaçant. Il vise à devenir le leader de l’opposition, mais peine à rassembler derrière lui le reste de l’assemblée. Il faut croire que beaucoup ne partagent pas ses… “idées” sur Varden.
- Ton drôle d’oiseau s’est mis à poser des questions, beaucoup de questions. Il semble particulièrement s'intéresser au projet Inglorium et à ce qui se passe là-bas.
L’Inglorium.. pensa l’Empereur, s’accordant un court instant de réflexion
Très vite et après une découverte des plus surprenante en Aelron, le projet de recherche s’est transformé en un nouvel Eden. Prenant conscience de l’opportunité stratégique que l’Inglorium pouvait offrir, le projet est tombé aux mains des militaires.
Transformant la zone utilisée pour les recherches en un véritable centre névralgique de l’Ordre et plus tard, d’Aelron tout entier. Entièrement transformée, la zone inexplorée rebaptisée du même nom que le projet, n’a plus rien à voir avec son état d’origine. Véritable coffre-fort pour les banques Melrehnes, carrefour militaire et commercial avec les autres celestus d’Aelron, l’Inglorium est rapidement devenu un atout indispensable dont l’accès et les secrets sont jalousement gardés.
-Que cherche donc à découvrir Irvin là-bas ? Reprit l’Empereur
- Je l’ignore, mais il s’est montré suffisamment insistant pour faire réagir le conseil d’administration de la banque d’Emeraude et le syndicat négociant d’Arche-Jade. Bien évidemment, tous deux mettent la pression pour faire en sorte de régler le… “problème”. C’est pour cela que je viens te voir, te demander une faveur.
-Je ne peux rien pour toi.
L’Empereur se leva calmement, pour se poster devant l’immense baie vitrée surplombant le jardin des Lames et se perdre dans la contemplation de celui-ci tout en réfléchissant, ignorant totalement son interlocuteur.
- Allons, que t’arrives t’il, depuis quand l’Empereur de Praxis se refuse à éliminer un minable petit politicien ?
Le prince porta son attention sur le livre ouvert posé sur le bureau, qu’il pris et entama la lecture à voix haute d’un des vers.
- “Prenez garde au neuvième jour, car viendra l’envoyé du soleil, armé par les dieux il plongera l’Olympe dans sa lumière.”
Surpris, il marqua une pause pour relire le curieux texte. Emporté par la curiosité, il tourna quelques pages avant de reprendre la lecture de nouveau.
- “Tendez la main à la griffe, la mort suivra ses pas, les morts suivront leur Roi.” Mais enfin ça n’a aucun sens, qui écrit des trucs pareils ?
- Repose le livre, il est extrêmement vieux et il m’est très précieux. Lui répondit sèchement l’Empereur avant de reprendre.
Comme je te le disais, Irvin est le leader de la faction militariste. Il n’a peut-être pas beaucoup de poids au sein de l’assemblée, mais il a en revanche la faveur populaire et un nombre important et croissant de soutiens au sein de l’Ordre. Si jamais il devait disparaître de manière suspecte, cela créerait encore plus de problèmes et une réaction que même moi j’ai du mal à pleinement anticiper. Il a beau être terriblement agaçant, je dois reconnaître que c’est un excellent orateur.
- Alors que faisons-nous ? Si jamais il découvre ce que nous faisons là-bas, je pense que..
- Il ne découvrira rien, il peut poser autant de questions que cela lui chante. Ce qui se passe dans l’Inglorium est classifié, par conséquent personne n’est tenu de lui répondre
- J’ose espérer que tu sais ce que tu fais Valérien. As-tu seulement conscience des propos qu’il tient ? Des projets qu’il a ? Il ne fait pas que te défier et te provoquer ouvertement. Il s’appuie sur ce qui se dit, là-bas, par delà la brèche, pour nourrir sa propagande et rassembler toujours plus de fanatiques comme lui.
L’empereur ne répondit pas, gardant les yeux fixés sur la vue qu’offrait le coucher de soleil dont les rayons venaient heurter les particules d'eau sur les fleurs fraîchement arrosées. A sa réaction, le prince compris. Les yeux écarquillés de surprise il reprit son offensive :
- Tu veux cette guerre, n’est-ce pas ? Mais pourquoi partir dans une croisade acharnée contre tout varden ? Ils ne sont rien, ils ne représentent rien, ou au pire une simple nuisance, pas une menace.
- Mes raisons n’ont aucune importance, la tempête qui arrive est inéluctable. Tu peux rentrer rassurer ces… bureaucrates, l’Inglorium n’a rien à craindre. Ce sera tout Astrakein, je n’ai rien à ajouter.
Malgré le ton calme et posé de la réponse du Praxien, Astrakein décela là un ordre non négociable emprunt d’une note d’agacement. Aussi, connaissant parfaitement son interlocuteur, le prince préféra abandonner la lutte, estimant cette décision bien plus sage, car aujourd’hui il n'obtiendrait rien de plus.