Le fonctionnaire soupira. Les semaines s'enfilaient, les procédures s'étiolaient et la paperasse s'accumulait. Encore une semaine de tension comme celle-ci, et c'était la rupture d'anévrisme, le Medi-bots l'avait certifié. Comme craint, le vote s'égalisait : les suffrages oscillaient d'abord, indécis, pour mieux se stabiliser de nouveau. Il passe une main dans sa barbe, se frotte des joues caverneuses, fruit de ses nuits de débats et d'enquêtes au sein de son Ministère, se masse les tempes, elles qui sont si douloureuses depuis quelques jours..
La Poisse parlait. Enfin, vociférait était un qualificatif plus adapté. L'éternel, l'irréductible et agaçante théorie du complot, argument fétiches de ces derniers siècles utilisés à torts et à travers de manières régulière et lancinante, revenait. Lorsqu'il n'y avait pas de Corporation manipulatrice, c'était le Piraterie qui contrôlait le Sénat, et depuis sa dernière mise à mal et son absence politique, le nouveau jouet de l'opposition était la fameuse Triple Entente. Si un jour l'on aurait pus croire à ceci, la régularité avec laquelle on nous imposait cette idée de décrépitude morale de la part des sénateurs finit par blaser, et au final, parler de corruption au Sénat devint chose coutumière, voir devenait quasiment obligatoire à aborder au sein d'un débat. Pour la forme et l'esthétique.
Lorsque les dernières paroles quasi prophétique sur l'avenir du Sénat se terminèrent ("il est clair", "forcement", "faire main basse", etc..), le Nibelungen se frotta la mâchoire, pris une légère inspiration et décrocha le Haut Parleur :
Seigneur, je serais bref et précis. Lorsque j'ai proposé le retour du Tribunal, j'avais explicitement parlé de rapidité d'action ; or, bien que se soit nécessaire et le déplore, nous voici déjà à réaliser un vote auxiliaire pour départager les derniers candidats. Ce que vous nous proposez n'a pas de sens, car en plus de rallonger ce travail de mise en place, donc en plus de ralentir le Tribunal, votre proposition est désuète : proposer un "troisième tour", car nous parlons en ce moment du deuxième, serait inutile, puisque nous ne serons encore que deux. Si les scores variaient, cela voudrait simplement dire que les votants n'était pas sûr d'eux même, ou bien que des absences se manifesterait, donc, en sois, pas un vote très propre.
Vous ne vouliez pas ça ? Vous auriez dus mieux voter, vous avez eu cette possibilité à deux occasions déjà. Peut-être qu'avec une peu de prestance, un ou deux débats, vous auriez ralliés quelques voix, ce qui aurait été suffisant, et nous n'en serions pas là. Proposer de relancer le vote, c'est décider que les Seigneurs ont mal voté, qu'ils ont été hâtifs, et que vous espérez que pour le prochain, ils seront plus en votre faveur - je trouve que cette considération est prétentieuse. Les votes nous remettent à égalité, et j'en suis flatté : ils démontrent que quelque soit le Juge d'élu, il représentera bien ceux avec lesquels il travaillera.
Votre complot ? Pareil, vous auriez dus mieux voter. Si vous pensez que les Juges au pouvoir ne sont ni assez mature, ni assez intelligent pour se détacher et choisir avec discernement, c'est votre problème. Pas le mien. Nous ne parlons pas d'alliance, là, mais de Justice : je pensais sincèrement que tous l'auraient compris.
Donc, finalement, soit vous trouvez une autre proposition raisonnable pour départager (proposition que je soutiendrais certainement car le départage des Juges me laisse également mitigé), et cette fois-ci guidé par la raison et non le simple refus de me voir nominé, soit à 21 heures et quelques, j'inviterais les quatre Juges à déposer publiquement leurs choix quand au cinquième.

